Le gouvernement israélien impose des sanctions à «Haaretz», coupe tous les liens et supprime la publicité

Par Jonathan Lis

[Ce 25 novembre, la revue de presse de France 24 commençait ainsi: «D’après Haaretz, qui est également le plus ancien quotidien israélien toujours en activité, fondé en 1919 – avant même la création de l’Etat d’Israël –, le gouvernement de Netanyahou justifie sa décision d’interdire aux institutions de l’Etat tout contact et publications dans le quotidien par le fait que «de nombreux éditoriaux» du journal auraient porté atteinte, selon lui, «à la légitimité de l’Etat d’Israël et à son droit à l’autodéfense», mais aussi en raison des récents propos du directeur de la publication de Haaretz «soutenant le terrorisme». Le journal précise que ces accusations font suite à une déclaration d’Amos Schocken, lors d’une conférence à Londres, le mois dernier, qu’il avait ouverte en déclarant notamment que le gouvernement de Netanyahou était «si désastreux et avait tellement dénaturé le sionisme que le seul recours était que la communauté internationale lui impose des sanctions, comme elle l’avait fait pour changer l’Afrique du Sud de l’apartheid». Haaretz dénonce «une résolution opportuniste» marquant «une nouvelle étape dans le parcours de Nétanyahou vers le démantèlement de la démocratie israélienne» et assure qu’il «ne reculera pas».» Voici ci-après, à ce propos, l’article publié le 24 novembre par Haaretz. – Réd.]

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Le gouvernement israélien a approuvé dimanche 24 novembre une proposition du ministre des Communications, Shlomo Karhi, qui impose à tout organisme financé par le gouvernement de s’abstenir de communiquer avec Haaretz ou de placer des publicités dans le journal. La proposition a été approuvée par le Premier ministre Benyamin Netanyahou.

La décision, selon l’explication du gouvernement, est une réaction à «de nombreux éditoriaux qui ont porté atteinte à la légitimité de l’Etat d’Israël et à son droit à l’autodéfense, et en particulier aux remarques faites à Londres par l’éditeur du Haaretz [«Le Pays»] Amos Schocken, qui soutiennent le terrorisme et appellent à imposer des sanctions au gouvernement».

La motion ne figurait pas à l’ordre du jour du gouvernement publié avant la réunion hebdomadaire du cabinet. Le bureau de la procureure générale [ Gali Baharav-Miara, en conflit avec Netanyahou], ignorant l’intention de soumettre cette motion au vote, ne l’a pas du tout examinée et n’a pas présenté son avis, comme il est d’usage. Cette résolution a donc été présentée aux ministres au cours de la discussion sans aucun avis juridique.

Dans un discours prononcé lors de la conférence coorganisée par Haaretz à Londres [ayant pour intitulé «Israel After October 7th: Allied or Alone?»], le 27 octobre [1], Amos Schocken a déclaré que «le gouvernement Netanyahou ne se préoccupe pas de l’imposiiton d’un cruel régime d’apartheid à la population palestinienne. Il ne tient pas compte des coûts supportés par les deux parties pour défendre les colonies tout en attaquant les combattants palestiniens de la liberté, qu’Israël qualifie de terroristes.»

Après un tollé général, Amos Schocken a clarifié ses propos en expliquant que sa mention des combattants palestiniens de la liberté n’était pas une référence au Hamas. «J’aurais dû dire: les combattants de la liberté, qui ont également recours à des tactiques terroristes – qui doivent être combattues. Le recours à la terreur n’est pas légitime.»

«Quant au Hamas, a-t-il ajouté, il n’est pas un combattant de la liberté, car son idéologie dit essentiellement: “Tout est à nous, les autres doivent partir.”»

Les commentaires d’Amos Schocken ont incité Shlomo Karhi [Likoud, a servi dans le bataillon religieux Netzah Yehuda] à lancer une nouvelle campagne de boycott du journal par le gouvernement. Il y a un an, il a déjà présenté au secrétaire du cabinet, Yossi Fuchs, un projet de résolution visant à mettre fin aux publications du Government Advertising Bureau dans Haaretz et à interrompre tous les abonnements au journal par les employés de l’Etat – y compris ceux de Tsahal, de la police, de l’administration pénitentiaire israélienne, des ministères et des entreprises d’Etat.

Haaretz a réagi à la décision du gouvernement par la déclaration suivante: «La résolution à caractère politique visant à boycotter Haaretz, qui a été adoptée lors de la réunion du gouvernement d’aujourd’hui sans aucun examen juridique, est une nouvelle étape dans le processus de Netanyahou visant à démanteler la démocratie israélienne. Comme ses amis Poutine, Erdogan et Orbán, Netanyahou tente de réduire au silence un journal critique et indépendant. Haaretz ne cédera pas et ne se transformera pas en un pamphlet gouvernemental qui publie des messages approuvés par le gouvernement et son chef.» (Publié par Haaretz le 24 novembre 2024; traduction rédaction A l’Encontre)

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[1] On peut prendre connaissance des intervenant·e·s à cette journée en cliquant sur le lien suivant: https://www.haaretz.com/peace/2024-09-25/ty-article-conference/haaretz-israel-conference-in-london/00000192-28b6-dc91-a1df-bebe4c020000. (Réd.)

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