Par Antonis Ntavanellos
Les grands journaux bourgeois grecs ne cachent pas leur joie éhontée de la mutation profonde de SYRIZA. Le parti qu’ils ont combattu ardemment – parce qu’il représentait aux yeux de la majorité populaire une opposition radicale à l’austérité et soutenait chaque résistance de masse, même les résistances les plus «extraparlementaires» – n’existe plus.
A sa place, on voit se former un parti du seul chef [qui est représenté dans par Alexis Tsipras; l’éditorial de To Vima du 13 décembre 2015 affirmait en répondant à une droite – Nouvelle Démocratie – qui s’entre-déchire: «Laissez le faire son travail», c’est-à-dire appliquer les ordres des créanciers]. Et cela au nom de la perpétuation de la participation du pays dans l’Eurozone. Ce parti a pris la direction d’une farouche politique anti-ouvrière et antisociale. Autrement dit, le parti qui impose le Troisième Mémorandum [les deux premiers datant de mai 2010 et de février 2012].
Cette joie est partagée par une partie de la gauche sectaire [du KKE-PC et de fraction de la coalition Antarsya] qui, forte de l’orientation de la politique actuelle de Tsipras, se hâte de déclarer: «le projet de SYRIZA était pourri dès le début, la fin était annoncée, la possibilité d’une politique de la gauche à la fois unitaire – et donc de masse – et radicale n’y existait pas». Dès lors, la seule possibilité qui restait (et reste) ouverte résidait dans un travail lent et patient d’«organisation» et de dénonciation, et un effort de «rassemblement des forces» qui – par définition ou presque – renvoie les batailles décisives à un avenir tout à fait indéterminé [c’est le cas pour le KKE; d’autres forces n’ont cessé de présenter, à tort, la situation socio-politique comme prérévolutionnaire ou révolutionnaire et, dès lors, cela justifie leur caractérisation essentialiste et statique de SYRIZA].
Mais que fait-on si et quand la société réclame des batailles déterminantes, ici et maintenant et non pas repoussées «à demain», pas à engager quand et si un parti de la Gauche réelle est finalement prêt en termes politiques et organisationnels?
Cette question nous a été posée de façon impérative dès le moment où la crise a éclaté violemment en Grèce [dès 2008, avec accentuation en 2010]. Elle nous a poursuivis durant une grande partie de notre parcours avec SYRIZA. Les réponses que nous lui avons données collectivement ont conduit à des succès politiques importants mais aussi à des grands échecs.
Ces opinions sectaires sous-estiment également un autre facteur, que la Gauche internationale a pu mieux apercevoir même à distance: la rapidité et la massivité de la réaction de «l’aile gauche» de SYRIZA face à la braderie du 13 juillet [l’acceptation par Tsipras des décisions de l’Eurogroupe et de la Commission de l’UE et leur validation par une union parlementaire entre une majorité des députés de Syriza, et ceux du PASOK, de To Potami et de la Nouvelle Démocratie les 15 au 16 juillet 2015, alors qu’une manifestation significative avait eu lieu, le 15 juillet devant le Parlement, place Syntagma].
La vague de démissions et de départs des dirigeants, des cadres moyens, des membres de base et même des organisations locales a été large et a commencé immédiatement. La Plateforme de Gauche [qui réunissait le Courant de gauche de Lafazanis et le Rednetwork, animé par DEA ainsi que des indépendants] a pris l’initiative de la création du parti-coalition l’Unité Populaire (UP), avec l’apport d’une fraction des «53» [un courant centriste de SYRIZA] et de la Jeunesse de SYRIZA. Y compris parmi certain qui restent dans SYRIZA l’anxiété face à direction du parti et du gouvernement de Tsipras trouve des expressions quotidiennes.
L’UP a connu la défaite lors des élections du 20 septembre 2015 [l’UP obtient 2,84% des suffrages et n’atteint donc pas le seuil des 3% pour avoir une représentation parlementaire]. Ayant seulement 20 jours à sa disposition, l’UP n’a pas pu élaborer et diffuser une réponse politique et électorale efficace contre le virage violent – certes prévisible politiquement mais dont le timing précis n’était pas déterminé et se mélangeait aux manœuvres ainsi qu’aux affrontements internes – du groupe dirigeant de Tsipras qui avait le soutien de tout le système économico-politique national et international. Mais l’UP a pu conserver un ralliement important de militante·e·s et il a créé un premier lieu d’organisation et de regroupement qui se réfère au marxisme et à une stratégie socialiste.
Tous ces militant·e·s – mais aussi les forces de «l’autre gauche» [les organisations encore au sein d’Antarsya et les militants de «base» du KKE, entre autres] – peuvent jouer un rôle crucial dans la bataille de la résistance au Mémorandum III. Et seulement quand on saura l’issue de cette bataille – dans les mois à venir – nous serons en position de tirer les conclusions plus définitives sur le bilan de SYRIZA et des forces qui, sans cesse, sur des points cruciaux, ont fait connaître leurs positions, en toute indépendance et ont contesté des prises de position de la direction Tsipras [depuis le premier accord du 20 février 2015]. Aujourd’hui, nous sommes à un moment de crise, après une défaite politique majeure, mais nous avons devant nous des batailles à venir. Elles peuvent décider du dénouement de la guerre.
A partir de ce que nous avons fait jusqu’à présent, nous avons obtenu les ressources pour être présents, avec des limites certes, sur le champ de bataille et ne pas renoncer, avec le soutien populaire, à une victoire, qui sera liée dans ses possibilités et formes aux évolutions dans différents pays européens.
L’histoire politique récente, l’histoire aussi de SYRIZA, montre que, sur le terrain de la lutte des classes en Grèce, de tels renversements politiques d’importance étaient et restent du domaine de la faisabilité.
Avec l’esprit de cette approche et résolument fixés sur une perspective de contrecarrer, à chaque étape, l’application du troisième mémorandum, nous formulons, ici, quelques premières réflexions sur le bilan nécessaire de notre parcours avec et dans SYRIZA, depuis 2004 jusqu’en 2015.
La préhistoire
Certains des membres les plus arrogants de la SYRIZA actuelle soutiennent que SYRIZA était la continuation ininterrompue du courant de la gauche rénovatrice, c’est-à-dire de la version grecque de l’eurocommunisme. Ils essayent de démontrer que le poids et l’audience de SYRIZA ainsi que sa victoire politique en janvier 2015 [SYRIZA devient la première force politique au parlement, elle a réuni 36,4% des suffrages et dispose de 149 députés; un accord, est passé, le 26 janvier 2015, avec ANEL-Grecs Indépendant – 13 députés – pour avoir la majorité, qui est de 151, afin de former le gouvernement] sont une preuve que cette coalition-courant existe «depuis fort longtemps» en Grèce.
Ces affirmations ne sont pas exactes. Au début de la première décennie du XXIe siècle, tous les sondages d’opinion montraient que Synaspismos [issu de PC de «l’intérieur» en 1991] était dangereusement proche de la limite de la viabilité électorale, aux alentours de 3%. Tout le monde savait qu’une deuxième période extraparlementaire (suite à l’échec du 2,94% aux élections d’octobre 1993) serait probablement fatale à Synaspismos (SYN).
La raison de cette estimation était la situation tragique à l’intérieur du parti. Il est vrai que l’orientation eurocommuniste [référence à l’orientation du Parti communiste italien dans les années 1970, qualifiée parfois de social-démocratisation du PCI] était dominante dans SYN. Pourtant, la majorité de ses cadres et de ses membres provenait du Parti communiste de Grèce (KKE). Cette contradiction devenait plus intense du fait que les idées de type «centre-gauche» étaient très répandues dans le parti. Le glamour de la «modernisation» social-libérale, sous Costas Simitis [membre du PASOK-Mouvement socialiste panhellénique, premier ministre de juin 1996 à février 2004], n’avait pas gagné seulement une série de cadres dirigeants (par exemple Androulakis, Damanaki, Mpistis, etc.). Ces idées étaient aussi très répandues parmi l’effectif des cadres intermédiaires et des organisations du parti. En novembre 2001, Léonidas Kyrkos [qui disposait d’une cote de popularité de 36%, juste derrière Papandréou], le «Nestor» [référence à la mythologie grecque] de la tradition eurocommuniste, avait proposé une «fédération» entre le PASOK et SYN. Cette perspective était soutenue par les groupes le plus versatiles du PASOK – notamment Kostas Laliotis [membre du gouvernement d’Andréas Papandréou d’octobre 1993 à janvier 1996] – qui considéraient l’élargissement de la social-démocratie vers SYN comme un contrepoids à l’usure subie par le PASOK sous Simitis. Pour lui c’était le seul espoir pour une nouvelle victoire électorale face la Nouvelle Démocratie de Kostas Karamanlis.
Au sommet de cette pyramide instable qu’était SYN, se trouvaient son président, Nikos Konstantopoulos – qui ne venait pas de la tradition communiste mais de la tradition de la modernisatrice –, et Stergios Pitsiorlas, coordinateur du Comité politique central, cadre de l’ancien Parti communiste de Grèce (intérieur) et aujourd’hui – après une longue absence durant les années de la hausse de SYRIZA – président du TAIPED [il s’agit de l’organe, fondé en juillet 2011, ayant pour mission de gérer les privatisations qui sont un élément important des mémorandums]…
L’«Espace de dialogue et d’action commune de la gauche», qui était un précurseur essentiel de ce qui allait venir, a donc été créé dans ces conditions. Dans l’«Espace» participaient une partie de la Gauche de SYN (le Courant de Gauche et le Réseau Rouge et Vert, qui formaient encore un ensemble), AKOA [la Gauche communiste écologique rénovée], KEDA [Mouvement pour l’unité dans l’action de la gauche], les Citoyens Actifs de Manolis Glezos [héros de la résistance] et une série d’«inorganisés» importants, tels que: Th. Dritsas, Tasia Christodoulopoulou, Demos Tsaknias, J. Milios, M. Spathis, etc. En provenance de la gauche radicale venaient DEA [Gauche ouvrière internationaliste], KOE [Organisation communiste de Grèce, d’origine maoïste], le Réseau, Xekinima [Organisation socialiste internationaliste, pour une certaine période); et, au début, SEK [Parti socialiste ouvrier, lié au SWP anglais] et DHKKI [Mouvement démocratique socialiste] ont participé en tant qu’ «observateurs».
L’«Espace» tentait d’organiser une première discussion systématique sur la situation difficile de la gauche, mais aussi de scruter la possibilité d’actions communes (par exemple, sur la sécurité sociale ou les manifestations contre la guerre…). Toutefois, sa fondation répondait aussi à des «signaux» plus profonds: aux premiers moments du mouvement international de l’altermondialisme (les Marches européennes, Seattle [1996], Prague [septembre 2000], aux succès prometteurs de la première période, en Italie, du Parti de Refondation Communiste [PRC, créé en 1993, dirigé, après l’intermède de Sergio Garavini par Fausto Bertinotti, issu du syndicalisme de la CGIL]. Cet ensemble répondait au besoin d’une critique générale de l’orientation de «centre-gauche» après la faillite de la «gauche plurielle» en France, à un appel vague à une «recomposition» de la gauche qui semblait venir de plusieurs côtés (et, y compris, de sections européennes de la Quatrième Internationale).
L’«Espace» posait clairement une ligne de démarcation face à la stratégie du «centre-gauche» et tentait d’ouvrir une discussion sérieuse sur la façon de mieux répondre aux difficultés engendrées par la crise des partis communistes dans la période difficile des années 1990, mais aussi par la crise et la stagnation des organisations de la gauche révolutionnaire en Europe, trente ans après mai 1968.
Durant cette période, la direction de SYN avait tenté quelques alliances électorales avec des organisations qui ont participé à l’«Espace»: AKOA KEDA, M. Glezos, etc. Mais les résultats furent maigres. La guillotine du quorum des 3% restait toujours menaçante.
Il était clair que, pour une entreprise de plus grande envergure, le préalable était la radicalisation de la politique. Et l’aide est venue de «l’extérieur» de SYN.
Produit de la radicalisation
La fondation de SYRIZA a été facilitée de manière décisive par un vague de radicalisation au sein du parti et à l’échelle internationale.
La grève gigantesque et les manifestations massives partout dans le pays, contre la démolition de la sécurité sociale sous Tasos Giannitsis [membre du PASOK, membre du Comité économique de l’OCDE et ministre clé sous la présidence de Costas Simitis, de 1994 à 2000] ont approfondi la distance entre la Gauche et le social-libéralisme. Dans les rangs de SYN, ce développement a aidé l’aile gauche à prendre ses responsabilités, à commencer une bataille contre ceux qui louchaient vers le PASOK et à commencer à mettre en évidence que la réfutation de la stratégie de la centre-gauche était un préalable à la reconstitution.
La plus grande aide est venue du mouvement international contre la globalisation capitaliste et néolibérale. En 2001, à Gênes, les forces participantes à l’«Espace» formaient un grand bloc (Comité grec pour la Manifestation internationale à Gênes), qui a participé, de manière disciplinée, dans les endroits les plus chauds de l’affrontement provoqué par la police. La vague d’espoir qui venait du mouvement international poussait tout le cadre du débat vers la gauche.
Par exemple, à Gênes, la Jeunesse de Synaspismos (alors avec Alexis Tsipras comme secrétaire) utilisait le slogan: «Vous avez noyé les Balkans dans le sang, va te faire foutre camarade D’Alema!» [guerre entre 1991 et 1999; Massimo D’Alema, ancien responsable du quotidien du PCI, L’Unita, de 1988 à 1990, puis président du groupe parlementaire du PDS, issu de l’auto-dissolution du PCI en 1991, sera chef du gouvernement italien entre 1998 et 2000], qui exprimait leur dégoût à l’égard de ceux qui étaient les interlocuteurs respectables de leur parti jusque-là.
La Gauche en Grèce – à l’exception honorable de SEK – a sous-estimé le mouvement international «altermondialiste» (actions, forums). L’approche hésitante du KKE, mais aussi de NAR [Nouveau courant de gauche], etc. a laissé une plus grande marge à l’«Espace» pour prendre des initiatives politiques.
Le mouvement contre la guerre était une première épreuve. Après le 11 septembre 2001, la réaction de Synaspismos a été celle d’une politique «équidistante» de l’impérialisme et des «actions terroristes», qu’il fallait replacer dans le cadre de la guerre impérialiste menée en Irak. Cette position n’était pas acceptable par les autres forces participant à l’«Espace» et une série de débats furent nécessaires afin que s’affirme une ligne antiguerre et anti-impérialiste au moins décente.
Sur la base des succès et des requis politiques de cette première période, on a pu arriver à construire le Forum européen grec. La participation importante aux premières manifestations, durant la première présidence grecque de l’UE (janvier-juin 2004), a démontré qu’il était possible, sur la base d’une ligne radicale de gauche, de mobiliser des forces plus amples qui restaient jusqu’alors dispersée. Ce constat a été confirmé durant les manifestations gigantesques contre la guerre de G. W. Bush en Irak [officiellement déclarée en mars 2003].
En même temps, il devenait évident qu’il faudrait trouver, assez vite, un «instrument» permettant à tout ce monde de participer à la lutte politique de façon plus systématique et plus permanente. A l’intérieur de Synaspismos, le choix de faire une alliance politique avec les forces de «l’Espace et du Forum européen» comme de tenter la reconstitution par une référence «aux mouvements» s’est affirmé de manière stable. A l’opposé, les forces qui plaçaient leurs espoirs dans la jonction avec le PASOK étaient en cours de chute. Les fondements pour la création de SYRIZA étaient, dès lors, posés.
Un produit de conflit politique constant
La Déclaration Politique Constitutive a été signée fin 2003 par: AKOA Citoyens Actifs, DEA, KEDA, KOE, SYN et de nombreux militants inorganisés. La présentation publique de la Déclaration a été faite le 3 décembre 2003 par G. Mpanias , M. Glezos, G. Theonas, N. Galanis, S. Pitsiorlas, T. Christodoulopoulou, A. Ntavanellos. Elle a provoqué des réactions vives de «l’aile rénovatrice» de SYN, qui a critiqué le parti d’être impliqué dans une telle alliance, qui n’était pas seulement électorale, mais politique dans un sens plus général et avec des conséquences imprévisibles sur le parti de SYN.
La Déclaration a été accompagnée d’un accord qui déclarait que: 1° SYRIZA est un front politique des organisations et des militants·e·s qui gardent leur autonomie respective et le droit à la libre expression de leurs avis; 2° SYRIZA fonctionne par consensus et reconnaît à chacune de ses composantes un droit raisonnable de «veto»; 3° la représentation au parlement sera pluraliste ; 4° le nom du front comportera le mot «Synaspismos» et le président de son groupe parlementaire sera le président de SYN.
Sur cette base, SYRIZA (après la prise de distance de la part de KOE qui n’a donné que son appui électoral) a participé avec succès modéré aux élections de mars 2004 en obtenant 3,26% des voix.
Lors de ces élections, l’accord sur la représentation pluraliste n’a pas été respecté. Les manipulations de N. Konstantopoulos [dirigeant de SYN après 1993, juriste, père de Zoe Konstantopoulos, qui fut présidente du Parlement de janvier à septembre 2015] et d’A. Filini n’ont pas aidé à compenser ce coup bas après les élections [les critiques au non-respect de la règle pluraliste venaient de la gauche de SYN et des autres formations]. Ce fait a provoqué une première crise au sein du secrétariat de SYRIZA et dans SYN même. Cette situation se combinait avec la crise interne de SYN concernant l’existence, ou pas, de perspectives effectives pour SYRIZA en général.
Cette crise a été accentuée par les différences concernant le plan Annan [du nom de Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, concernant le sort de Chypre, avec référendum en 2004 dans les deux parties de Chypre]. Le projet politique de SYRIZA était miné systématiquement par «l’Aile novatrice». Elle visait clairement à annuler l’entreprise commune sur la base d’un danger de glissement vers des positions «gauchistes». Dans les élections européennes de juin 2004, SYN a participé seul. Il a obtenu 4,16%, tandis qu’il avait obtenu 5,25% en 1999.
Le choix SYRIZA était désormais lié clairement à la discussion sur la «radicalisation», ou non, de SYN et l’entreprise ne pouvait être reprise sans un pas important dans cette direction. Ce pas a été accompli lors 4e Congrès de Synaspismos (du 9 au 12 décembre 2004). Ce Congrès est aussi connu sous la dénomination de «Congrès du tournant à gauche». Dans ce Congrès, Synaspismos a changé de président. Alekos Alavanos a été élu à la place de N. Konstantopoulos. C’était aussi le premier Congrès dans l’histoire de SYN où le «Courant de Gauche», à l’époque uni, a réclamé et pris ses responsabilités à la direction du parti.
Au niveau de la direction de SYN, la victoire du «tournant à gauche» était plus difficile que le Congrès ne l’a laissé paraître. Donnons la parole à J. Mpalafas (auteur d’une «chronique» sur les 20 ans de SYN): «Le texte de l’Aile Gauche, proposé par Panayotis Lafazanis, faisait de SYRIZA un choix stratégique que le parti devrait appuyer. Il accusait SYN d’avoir suspendu la fonction du front et il critiquait le «deuxième texte» d’avoir laissé ouverte la possibilité de coopération avec le PASOK»… Le «deuxième texte», le texte de «L’Intervention» et du «Rassemblement Novateur » présenté par Lykoudis, «portait un œil critique sur SYRIZA et constatait des côtés positifs aussi bien que négatifs». Dans le Comité politique central de SYN, le texte de Lafazanis a été approuvé avec 51 votes contre 48; et il y avait 7 votes blancs, 3 abstentions et un «présent» (celui de N. Konstantopoulos).
Pourtant, le «tournant à gauche» de SYN a créé les conditions nécessaires pour relancer SYRIZA. Le parti-colaition (front) a pu désormais entrer uni dans la période critique de la bataille contre la droite de K. Karamanlis [premier ministre de mars 2004 à octobre 2009]. Mais ça ne signifie pas que les conflits à l’intérieur de SYRIZA aient pris fin. En fait, ces conflits prenaient parfois des allures existentielles. Les plus connus de ces conflits concernaient la candidature de Giannis Panousis [qui sera ministre sous Tsipras] lors des élections régionales d’Attique (en 2006), les problèmes de représentation lors des élections européennes de 2009; la crise entre Alékos Alavanos [secrétaire de SYRIZA depuis 2004] et Tsipras [qui lui succède en 2008], et l’insistance de la majorité de SYN en faveur de la candidature d’Alexis Mitropoulos aux élections régionales d’Attique (2010) [Mitropoulos est professeur de droit du travail; il sera élu, en janvier 2015, député de l’Attique, la plus grande circonscription de Grèce]. Puis vont arriver les grands problèmes propres au programme, à la ligne politique et à la tactique. Ils ont atteint leur point culminant après le succès électoral lors les élections de mai 2012 [Syriza obtient 16,8% des suffrages et 52 sièges de député·e·s, voir la note 1]. Ils ont pris un caractère explosif suite à la victoire du 25 janvier 2015.
Ces conflits se sont déroulés sur un double front. D’un côté, entre le Secrétariat de SYRIZA et le parti de SYN. De l’autre côté, à l’intérieur de SYN, entre ceux qui soutenaient la pérennité de SYRIZA – devenu synonyme de la «radicalisation» de SYN – et l’aile droite «novatrice», qui cherchait constamment la manière de se distancier de SYRIZA.
Des nombreux camarades de l’extérieur de SYRIZA, aussi que quelques camarades de la gauche internationale, pensent de manière erronée que le choix SYRIZA, le choix d’agir par l’intermédiaire d’un sujet politique unitaire de la gauche radicale, signifiait une sorte de «réconciliation» générale avec Synaspismos (SYN), ou que les relations politiques internes constituaient une atmosphère «de lune de miel». Ces suppositions n’ont rien à voir avec la réalité du chemin troublé que nous ayons parcouru. Cette réalité créait l’exigence de développer des «instruments» pour être partie prenante dans cette bataille politique au sein de ce front, bataille qui eu souvent des conséquences majeures. (Fin de la première partie, article paru dans le numéro 2 de la revue de DEA; traduction et édition par A l’Encontre; la seconde partie sera publiée le 20 décembre 2015)
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[1] Le 6 mai 2012, élections législatives anticipées. Les résultats sont les suivants: ND: 18,85%, 108 députés, Syriza: 16,78%, 52 députés; Pasok: 13,18, 41 députés; ANEL: 10,61%, 33 députés; KKE: 8,48%, 26 députés; Aube dorée, 6,97%, 21 députés; Gauche démocratique (Dimar): 6,11%, 19 députés.
En juin 2012, élections législatives: ND: 29,66%, 129 députés; Syriza: 26,89%, 71 députés; Pasok: 12,28%, 33 députés; Grecs indépendants: 7,51%, 20 députés; Aube dorée: 10,92%, 18 députés; Dimar: 6,26%, 17 députés; KKE: 4,50%, 12 députés.
Le tableau de juin est le suivant:
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