Dossier
Du 1er mai au 31 octobre 2015 se tiendra dans la ville de Milan l’Exposition universelle nommée « Milan EXPO 2015 ». Une durée d’exposition de 184 jours, avec plus de 130 pays participants et plus de 20 millions de visiteurs attendus sur un site d’un million de mètres carrés. Le titre officiel choisi par les organisateurs, entre autres par les grandes firmes transnationales qui sont les véritables sponsors de l’événement, est assez éloquent: «Nourrir la Planète – Energie pour la Vie». Le but affiché est de «s’affronter au problème de la nourriture des hommes et de la Terre» afin de constituer un «moment de dialogue entre les principaux acteurs de la communauté internationale sur les principaux enjeux de l’humanité». Le pavillon suisse «Confederatio Helvetica» – au coût officiel dépassant les 30 millions de francs – sera financé par des fonds privés à hauteur de 9 millions, entre autres ceux de grandes firmes transnationales comme Syngenta et Nestlé. Cette dernière tiendra aussi une «exposition scientifique» sur l’alimentation. Elle prétend «promouvoir une consommation intelligente des ressources et inciter les visiteurs à adopter un comportement responsable». Ces propos résument l’«approche» adoptée vis-à-vis des problèmes de la faim et de la malnutrition durant l’exposition!
Il s’agit avant tout d’insister sur «la responsabilité» du consommateur. Celui-ci, étant «souverain», peut par le biais de ses choix et de ses comportements alimentaires résoudre le problème de la faim dans le monde. La réalité est mise cul par-dessus tête. Ce ne sont pas les conséquences d’un système de production fondé sur la propriété privée stratégique, le profit privé (avec le type gestion-exploitation de la terre qui en découle), les rapports sociaux d’appropriation, la précarisation extrême des revenus des petits paysans et de la population urbanisée paupérisée qui sont à l’origine, avant tout, des famines et de la malnutrition. Sans mentionner les guerres. Ce sont les consommateurs qui gaspillent, qui ne sont pas attentifs à leurs achats, etc. qui portent la responsabilité de la situation présente.
EXPO Milan est donc tout simplement un pur camouflage, une vitrine pour le capitalisme actuel et une possibilité de tisser de nouveaux liens pour les détenteurs de capitaux. Le supplément spécial du Figaro, en date du 25 avril 2015, titrait: «L’alimentation au menu de l’Exposition universelle». Et avec témérité, sous la rubrique «gastronomie», il est titré: «Durant l’Expo, le trois étoiles de Modène luttera contre le gaspillage en cuisinant pour les démunis»!
D’autres «gaspillages» ont fait la «petite histoire» de l’expo: corruption, détournements de fonds publics et conditions de travail plus qu’insalubres sur son chantier. On estime que sur 20’000 collaborateurs et collaboratrices qui travailleront pendant la période de l’Exposition, seulement 1500 recevront un salaire. Une autre forme de lutte contre les «gaspillages». Les organisateurs d’EXPO Milan utilisent ainsi une main-d’œuvre jeune et précaire sans la rémunérer, en suscitant l’illusion que cela lui ouvrira peut-être des portes. Tout cela dans un pays où le taux chômage des jeunes (15-24 ans) atteint 42,6%, en mars 2015. Pourtant, la direction du Syndicat suisse du service public (SSP) propose à ses membres des « paquets-voyage» à des prix de faveur pour participer à Milan EXPO. Prépare-t-elle une action syndicale sur place?
Nous publions ci-dessous divers articles qui mettent en évidence les buts réels de cet événement, ses conséquences en termes économiques et sociaux sur la population. Et les résistances suscitées dans la région de Milan. (Rédaction A l’Encontre)
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Expo 2015, nourrir la planète ou nourrir les transnationales?
Par Fabrizio Burattini
Le 1er mai 2015 n’est pas seulement la journée des travailleurs et travailleuses. En effet, nous avons aussi la possibilité de contester le début officiel d’EXPO 2015 de Milan. A l’heure actuelle, l’EXPO a attiré l’attention des médias surtout à cause des nombreux et graves cas de corruption concernant les constructions. Mais à quelques semaines du début de l’événement, l’attention portera de plus en plus sur l’infâme nom officiel choisi pour cette occasion: «Nourrir la Planète, Energie pour la Vie».
Il est vrai que les besoins alimentaires sont bien connus par les 805 millions de personnes qui souffrent de la faim, selon les données de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) fin 2014. 709 millions de ces personnes vivent dans les pays dits en voie de développement, dont 13,5% de la population est mal nourrie. 525 millions vivent (ou survivent) en Asie. Il faut y ajouter les millions de nouveaux affamé par les guerres dans le Moyen-Orient. C’est le non-accès (ou l’insuffisance) à alimentation qui provoque 45% des décès chez les enfants de moins de 5 ans. On compte 19 millions d’enfants en état de malnutrition aiguë – avec les conséquences qui en découlent – et 1,3 million en meurent chaque année (Bruno Parmentier, Faim zéro, La Découverte, 2014). Alors que dans les pays occidentaux «on» meurt de boulimie, dans les pays de la «périphérie» 17% des enfants sont considérés en sous-poids, tandis que 30% d’entre eux souffrent d’un déficit de croissance à cause de la sous-alimentation.
Dans ces pays, tout particulièrement en Afrique, 66 millions d’enfants en âge scolaire se rendent à l’école sans avoir rien mangé. Mais selon les calculs du Programme alimentaire mondial (PAM), il suffirait de 3,2 milliards de dollars pou donner à manger à ces 66 millions d’enfants victimes de la faim.
Toutefois, la question de la faim ne se réduit ni aux statistiques ni aux problèmes de sous-alimentation. Au contraire, il s’agit de la conséquence la plus tragique d’un système de redistribution et donc de production des ressources et des richesses produites que l’EXPO de Milan entend exalter.
L’édition 2015 de l’EXPO constitue une foire aux vanités et aux mensonges en commençant par son titre. Son organisation sera sous contrôle des transnationales de la «mauvaise» et «injuste» bouffe. Celles-ci seront hébergées, aux dépens des contribuables, dans les pavillons de luxe milanais. La «Charte de Milan» [Carta Milano], à savoir le protocole censé garantir le volet «humanitaire» d’EXPO, a été écrite par la Fondation Barilla – «structure culturelle» de la grande multinationale de l’alimentation – qui est aussi en charge de sa gestion durant toute l’exposition [1]. La rédaction de cette Charte, devant préciser le contenu d’un thème si «délicat» que celui de l’alimentation mondiale, n’a pas été confiée aux nombreuses ONG qui s’occupent, avec sérieux et compétences de cette question et ont un engagement remarquable dans la lutte contre la faim et la malnutrition. Au contraire, elle a été confiée à une industrie privée qui fait des profits en partant des besoins alimentaires des gens. Ce n’est pas un hasard si cette Charte ne dit rien sur les principales causes de la faim, de «l’appropriation du vivant», structure de la chaîne de production alimentaire et de la distribution, de la souveraineté alimentaire, de l’invasion et de la destruction par des transnationales des marchés nationaux et régionaux de l’agriculture, etc. Les ONG, y compris les plus modérées, ont été écartées de cette opération. Elles ont alors créé un front unitaire s’appelant «l’EXPO des peuples» qui vise à faire entendre une autre voix [sur les questions de l’alimentation] que celle des transnationales au cours de l’Expo [2].
En revanche, dans les salons de l’EXPO, nous assisterons à un spectacle paradoxal: les transnationales de l’industrie agroalimentaire discuteront des problèmes de la faim dans le monde…
En réalité, l’EXPO 2015 constitue la plus grande foire de l’alimentation de l’histoire. Les transnationales du secteur de la restauration, comme McDonald’s, ont déjà annoncé l’ouverture des nombreux grands restaurants dans le but d’accroître leurs profits sur la «faim» des 10 millions de ses potentiels visiteurs.
Mais cela ne suffit certainement pas. Un accord passé en juillet 2013 entre l’EXPO SA et les trois principales confédérations syndicales italiennes [CISL, UIL et CGIL] permettra de recruter des centaines de jeunes (de 16-35 ans) stagiaires et bénévoles qui, sans aucune rémunération, s’occuperont de gérer les stands et d’assumer des fonctions d’hôtesse et de steward… Ainsi, avec le consensus des syndicats, et en passant par-dessus des lois et contrats (y compris à l’article 36 de la Constitution), on spécule sur la situation dramatique du chômage des jeunes en créant l’illusion d’un «emploi utile» pour leur curriculum afin que les transnationales de l’EXPO continuent à faire des profits grâce au travail de ces «jeunes bénévoles» [3].
Enfin, il faut rappeler l’affaire qu’implique un parti des délégués syndicaux des travailleurs et travailleurs du théâtre «la Scala» de Milan qui refusent catégoriquement de travailler le 1er mai en mettant en scène Turandot de G.Puccini, lors de la célébration de la journée d’ouverture d’EXPO. Les chantages et les menaces de Matteo Renzi vis-à-vis de ces salarié·e·s qui se sont mis en grève [voir leur appel ci-dessous] constituent le symbole de la considération du gouvernement par rapport aux droits et à la dignité des salarié·e·s.
La solidarité avec les salariés du théâtre «la Scala» constitue un engagement pour tous ceux et toutes celles qui veulent se mobiliser contre cette ignoble manifestation s’appelant EXPO 2015.
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Fabrizio Burattini est membre du Comité directeur national de la CGIL et membre de l’organisation Sinistra Anticapitalista. Cet article a été publié sur le site anticapitalista.org
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[1] Barilla Group est une transnationale italienne créée en 1877 à Parme, dans la province d’Emilie-Romagne. Cette entreprise est leader sur le marché de la fabrication des pâtes dans le monde ainsi que dans les produits de type «sauces prêtes à consommer» en Europe et dans des produits de boulangerie en Italie. Elle emploie plus de 8000 salarié·e· dans 30 sites de production dans le monde entier dont 14 se trouvent en Italie. Son chiffre d’affaires atteint 3,2 milliards d’euros en 2013. Ses produits sont exportés dans plus de 100 pays. Depuis 2003, Guido Barilla est président du groupe. Cet homme a été, de 2000 à 2002, «Délégué à l’activité d’éducation et de connaissance» pour l’association patronale Confindustria (l’équivalent du Medef en France). Depuis 2009, il dirige la Fondation Barilla (Barilla Center for Food & Nutrition) qui entend promouvoir des débats sur la nourriture et l’alimentation. (Réd A L’Encontre)
[2] Voir le site internet : http://expodeipopoli.it.
[3] L’article 36 de la Constitution de la République italienne de 1946 affirme:
«Le travailleur a droit à une rétribution en relation avec la quantité et la qualité de son travail et en tout cas suffisante pour lui assurer, ainsi qu’à sa famille, une existence libre et digne. La durée maximale de la journée de travail est fixée par la loi. Le travailleur a droit au repos hebdomadaire et à des congés annuels rétribués, et il ne peut y renoncer.»
L’association Forum Diritti Lavoro – appuyée par l’Union syndicale de base, l’Adl, l’opposition interne à la CGIL «Le syndicat est autre chose» et des militants No Tav – a déposé plainte auprès de l’inspectorat du travail de la ville de Milan. Dans un article de Roberto Ciccarelli paru sur le Manifesto, les raisons de la plainte sont expliquées ainsi: «Le travail gratuit est illégal pendant l’EXPO pour la simple raison qu’il ne fait pas partie de la catégorie du travail bénévole réglé par la loi numéro 266, datée de 1991. Cette thèse est confirmée par des importantes décisions de justice. EXPO ne peut pas être considérée une organisation «non-profit». Par conséquent, les bénévoles n’exercent pas leur activité en vue des buts liés la solidarité sociale. Ils devraient être des travailleurs rémunérés, y compris par les assurances sociales. Il ne suffit pas d’un accord avec les syndicats pour aller à l’encontre de la loi.» (Réd. A L’Encontre)
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Milan. Teatro alla Scala:
nous ne travaillerons pas le 1er Mai!
Par le collectif Scala Worker
Nous ne travaillerons simplement pas le 1er Mai parce que nous sommes des travailleurs et travailleuses et ce jour-là est notre fête. Il s’agit d’une journée de fraternité universelle, d’engagement et d’appartenance à une histoire partagée par des millions des salariés dans le monde entier depuis plusieurs générations. [Cette fête] est porteuse d’un idéal qui s’oppose à une rationalité instrumentale qui considère l’économie comme étant la valeur déterminante d’une société et où la fonction d’un individu-travailleur est celle de garantir sa poursuite. Cet idéal n’est pas en vente et n’est pas négociable. Nous considérons injuste de négocier ou d’échanger quelque chose qui n’appartient pas qu’à nous mais qui appartient à toutes et tous. Nous ne travaillerons pas [lors du 1er Mai], car nous croyons dans les rapports de solidarité qui transforment des choix individuels en choix collectif, dans le travail comme instrument d’émancipation et de participation sociale. Surtout aujourd’hui que le travail est une marchandise achetée au prix le plus bas et avec le moins de garanties [et protections pour les salariés] possible sur le marché; que dans le nouveau langage servile les droits s’appellent «privilèges», en méprisant la mémoire de ceux et celles qui ont lutté, se sont sacrifiés et ont connu la prison ou la mort pour de tels droits. Des droits qui ont été conquis en payant un prix élevé doivent aussi être défendus collectivement en payant un prix élevé si nécessaire. Il ne s’agit pas de notre droit individuel – validé par un jugement en date 2005 de la Cour de cassation afin que [lors du 1er Mai] l’on puisse rester à la maison tout en étant rémunéré – mais de tous les travailleurs dans la même mesure.
A ceux qui nous demandent – tous! – de travailler au nom d’EXPO [en utilisant la rhétorique] de l’événement exceptionnel et en nous disant que si nous ne travaillons pas nous porterons atteinte à l’image du pays, nous répondons que la faute est à ceux qui ont voulu fixer le début de l’Exposition universelle lors d’un jour férié, tout en méprisant l’histoire du mouvement ouvrier, avec l’appui des syndicats complices du travail gratuit et intérimaire.
Quelle image devons-nous protéger? Celle de ceux qui sont impliqués dans des enquêtes judiciaires, des gestions mafieuses, des détournements de fonds publics, ou celle des nombreuses démissions du conseil d’administration des firmes? Nous avons dû attendre jusqu’à juin 2014 (seulement 11 mois avant l’inauguration officielle) pour la nomination de Monsieur Cantone à la présidence du comité anticorruption [1]. L’image d’EXPO est [déjà] terrifiante à cause des dommages causés par ces tristes protagonistes.
Aux syndicats qui nous demandent de bien réfléchir dans cette situation, nous répondons que nous réfléchissons depuis une année. Nous avons publié, à plusieurs reprises, des communiqués de presse en annonçant que la Turandot peut se jouer tranquillement le 2 mai.
A Monsieur Paolo Puglisi, secrétaire générale de Slc CGIL Milan, qui propose de dédier la pièce aux morts au travail, dans le but de valoriser la fête du 1er Mai, nous répondons que la seule manière pour valoriser la fête du 1er Mai est de ne pas travailler, dans le respect de son histoire, que la CGIL devrait connaître. Il suffit de lire L’Histoire du 1er Mai , avec la préface de Luciano Lama [2], pour soigner toutes formes d’amnésie.
A Monsieur Puglisi, nous répondons qu’il est une personne misérable, car il est tout simplement ignoble d’instrumentaliser ainsi l’histoire du 1er Mai et de jouer sur la peau des autres (des morts au travail) pour nous ordonner de nous mettre au travail. Il s’agit d’une étrange conception du syndicat, à l’opposé de celle selon laquelle les syndicats devraient représenter l’intérêt des travailleurs. En effet se profile non seulement une volonté de s’y opposer, mais aussi celle de s’opposer à leur propre histoire, celle du 1er Mai socialiste et communiste.
Il y a une seule manière pour aboutir à un accord. La direction doit décaler la date de la première mise en scène de Turandot au 2 mai. De toute façon, la date du 1er Mai ne constitue pas l’ouverture réelle d’EXPO 2015. Celle-ci est prévue pour le 30 avril, lors du concert d’Andrea Bocelli. Mais si vous continuez à insister dans cette demande intéressée, c’est votre problème. Nous rappelons que la direction [du théâtre] nous avait dit – par le biais de Monsieur Lissner – que personne n’aurait dû travailler le 1er Mai. Après avoir tergiversé avec Monsieur Pereira, ils nous ont mis devant le fait accompli [3].
Nous croyons qu’il ne reste plus qu’une chose à dire: bonne fête du 1er Mai à tous!
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[1] Raffaele Cantone est un magistrat italien. Depuis le 27 mars 2014, il est président de l’Autorité nationale anticorruption. Cette institution vise à prévenir les cas de corruption dans l’administration publique. (Réd. A L’Encontre)
[2] Luciano Lama (14 octobre 1921-31 mai 1996) a été un syndicaliste italien, secrétaire de la Confédération italienne du travail (CGIL) de 1970 à 1986. La référence cité est: Massara et al., Storia del primo maggio, Longanesi, Milano, 1978. (Réd. A L’Encontre)
[3] Stéphane Lissner est un directeur de théâtre français. Il a dirigé le théâtre dramatique de Nice en 1978-1983, le théâtre Châtelet de Paris en 1988-1997, l’Orchestre de Paris en 1994-1996 et a été directeur artistique du Teatro alla Scala de Milan d’avril 2005 à août 2014. Il est actuellement directeur de l’Opéra national de Paris. Alexander Pereira est surintendant et directeur artistique du Teatro alla Scala de Milan depuis septembre 2014. Son mandat se termine en décembre 2015. (Réd. A L’Encontre)
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Manifeste du Comité No EXPO
Nous sommes convaincus que cet événement n’est pas une opportunité mais, au contraire, qu’il s’agit d’une catastrophe pour le territoire, pour les biens communs et les caisses de l’Etat. Les raisons du «NO EXPO».
• NO EXPO car nous sommes convaincus, dans l’ère du Web 3.0, que les Exposition universelles sont d’une époque désormais passée et que mis à part des cas exceptionnels (L’EXPO Shanghai 2010), ces grands événements s’accompagnent d’un flop économique et participatif en laissant seulement des décombres dans les régions (comme à Séville en 1992 ou à Saragosse en 2008).
• NO EXPO car «Nourrir la planète – Energie pour la vie» est une farce. Il s’agit seulement d’un slogan derrière lequel se cache une métropole sans projets, idées et avec aucune conscience de soi. Une métropole qui agit comme un monstre dans une région de 500 km carrés en imposant un modèle fait de ciments, autos, bradage du sol, pôles logistiques et spéculation immobilière. Qu’est-ce que nous pouvons enseigner aux paysans du Sud (tout en supposant qu’ils ont besoin de nos conseils)?
• NO EXPO car [lors de cette exposition] on ne parle pas des politiques de l’agro-industrie, des OGM, des monocultures et des graines hybrides qui provoquent la faim des 4/5 de la planète. On ne parlera pas du phénomène de land-grabbing [1] ou des modèles alimentaires imposés […], modèles de développement basés sur le vol des ressources et du futur. Un modèle que les nombreuses campagnes menées par l’Organisation des Nations unie (ONU), y compris celles qui ont été rendues publique en vue de l’EXPO 2015, n’ont pas changé d’une virgule.
• No EXPO car EXPO n’est pas seulement une exposition; depuis 2007, nous avons assisté à la prolifération des grands et petits chantiers, spéculations, constructions dans chaque coin du territoire. Cela a été fait au nom d’EXPO, selon la logique inspirée par le dossier initial de candidature et que le Masterplan adopté par la suite n’a pas beaucoup changé [2].
• No EXPO car EXPO 2015 est né d’un déficit de démocratie et d’un gros conflit d’intérêts: aucun organe élu et de représentation démocratique n’a été impliqué dans la décision d’organiser EXPO 2015 à Milan. Le choix de la zone Rho-Pero [là où EXPO se déroule] a été un grand cadeau fait à Fiera Milano SA, propriétaire d’une grande partie des terrains et qui est aussi dans le comité promoteur d’EXPO, ainsi que membre d’EXPO SA et d’Arexpo [3]. Depuis 2007, nous demandons à grande voix que la zone la plus appropriée pour Expo soir la Fiera ou d’autres zones consacrées à des expositions déjà existantes. La valorisation de la zone et le transfert des ressources des caisses publiques à celles privées (entre coûts de la zone, coûts pour la réalisation EXPO et coûts pour les infrastructures, on dépasse aisément 10 milliards d’euros de financements publics!) sont les vrais objectifs d’EXPO.
• NO EXPO car les mensonges sur «la création d’emploi» (on parlait de 70’000 postes) sont démentis par le modèle de travail qui a été mis en place pour les activités directement liées à EXPO: travail précaire, travail au noir, l’engagement de journaliers, absence des droits, peu de sécurité sur les postes de travail, etc. C’est déjà le cas dans les chantiers Fiera, dans les services et dans les pôles logistiques. Il en sera de même lors du démarrage d’EXPO. Cela confirme que les réelles bénéficiaires de cet événement ne sont pas les citoyens mais les spéculateurs, les mafias et les banques.
• No EXPO car ce sont les citoyens qui vont en supporter le coût en termes de réduction de la dépense publique, de privatisation des biens communs et de destruction des terroirs agricoles et des parcs. De plus, EXPO alimente les phénomènes de la gentrification et des privatisations qui impliquent la destruction et le transfert des richesses publiques vers des secteurs privés dans l’intérêt de quelques personnes en dépit des besoins et des droits de la collectivité.
• NO EXPO car cet événement est insoutenable pour la ville de Milan et pour l’Italie entière en pleine période de crise économique. Les administrations publiques ne peuvent pas en supporter le coût alors que le pays est au bord du krach financier. EXPO constitue un luxe que nous payerons très cher en termes des dettes à long terme. Quelles promesses ont été faites à ceux qui ont financé l’EXPO? Quels types d’autres affaires ont été négociés avec eux?
• En somme, la nôtre c’est une critique faite à un modèle de ville, de développement et d’usage du terroir et des biens communs qui a rendu cette ville invisible, sans cohésion sociale, où la précarité se manifeste aussi bien dans le travail que dans la vie en général, horrible du point de vue du paysage et intolérant vis-à-vis de ceux qui ne se reconnaissent pas dans les logiques du profit. EXPO ne va pas améliorer la ville de Milan. Cet événement n’aborde pas et ne résout aucun des problèmes de la vie quotidienne de gens. Il sert seulement à gonfler les poches des organisateurs.
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[1] Le land-grabbing est un terme qui a été utilisé récemment pour décrire le processus d’accaparement de terres par des grandes entreprises multinationales dans les pays dits en voie de développement. Ce processus s’est accéléré suite à l’envolée des prix des aliments et du pétrole en 2007-2008. (Réd. A l’Encontre)
[2] Ce dossier se base sur la construction des gratte-ciel; l’aménagement de l’ancien quartier Fiera Campionaria (près de la place Amendola ) – constituant le lieu historique réservé aux grandes foires – par le consortium d’entreprise Citylife dont fait parti aussi la compagnie d’assurances Generali ; la construction d’un grand quartier résidentiel, Santa Giulia, dans la zone 4 de Milan; la destruction du «Parc agricole du Sud» de Milan par la construction du projet d’EXPO nommé la «voie de l’eau» et par la construction des nouvelles infrastructures à l’ouest et à l’est de la ville, telles que la ligne à grande vitesse (TGV) sur l’axe Milan-Turin, le pôle logistique d’Arese (banlieue de Milan) qui a été bâti sur l’ancien site de production de l’entreprise Alfa Romeo, la zone de Cascina Merlata (près de la ligne M1) ainsi que l’énorme village d’EXPO. (Réd. A l’Encontre)
[3] Fiera Milano est une société italienne qui s’occupe de l’organisation des grands événements. Elle est parmi les firmes les plus grandes du monde dans ce secteur. Depuis 2002, elle est cotée en bourse. Elle est contrôlée par la Fondation Fiera Milano. En 2005, la société a ouvert un nouvel espace d’exposition de 200’000 m2 à Rho-Pero, dans l’hinterland milanais. C’est ici que la société Fiera a mis à disposition deux grandes zones pour l’accueil de Milano EXPO 2015. Elle assurera le déroulement de la manifestation ainsi que sa promotion internationale. (Rédaction A l’Encontre)
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