La montée des espoirs et des attentes des salarié·e·s et de vastes couches populaires offre la possibilité pour Syriza de gagner une majorité absolue au plan parlementaire et, de ce fait, d’enregistrer une victoire politique majeure pour la gauche radicale en Grèce.
Cela représenterait (et représentera) une riposte venant «d’en bas» à ceux qui attendent que Syriza soit piégée par une alliance contre nature dans la formation d’un gouvernement [1], à ceux qui développent des scénarios de «gouvernement d’unité nationale», ainsi qu’à ceux qui ont pour projet une simple «rupture momentanée à gauche», la dite «parenthèse Syriza».
La vague des forces sociales qui pousse Syriza repose sur la volonté d’un secteur de la classe laborieuse et sur la promesse, largement ressentie, de mettre fin à l’austérité. Je pense que la majeure partie des couches populaires nous reconnaissent parce que nous nous sommes engagés: à rétablir le salaire minimum à hauteur de 751 euros (niveau avant 2010), à réinstaurer la 13e allocation de retraite pour les retraité·e·s disposant de revenus très bas; à réintroduire le système des conventions collectives; à supprimer les impôts directs sur les revenus annuels inférieurs à 12’000 euros, ainsi que les impôts immobiliers (expropriatoires pour des chômeurs et des revenus dits modestes); il en va de même pour le fuel domestique dans cette période hivernale [la presse rapporte quotidiennement la situation de familles devant vivre sans eau chaude et sans chauffage]. Evidemment, je ne sous-estime pas l’ensemble des autres mesures nécessaires pour faire face à la «crise humanitaire» (voir graphique en fin d’article) dans laquelle est plongée une grande partie de la société.
Syriza doit faire face à ces engagements avec soin et avec la tactique adéquate.
Notre obligation de mettre en œuvre le programme annoncé lors de la Foire internationale de Thessalonique (septembre 2014) est impérative. Ce sont nous qui offrons une réponse à «la bombe» [allusion aux accusations délirantes de certains médias contrôlés par le Capital] du chômage et de la destruction du système de sécurité sociale. La seule voie à emprunter pour atteindre ces objectifs est celle d’une radicalisation graduelle de notre programme et de nos modalités politiques pour le faire, de notre tactique. Il s’agit d’adopter un programme qui, en une formule, soit «un mémorandum à l’envers» qui consiste à prendre l’argent des secteurs fort riches de la société et d’en assurer les modalités de transfert comme de redistribution afin de couvrir de manière systématique les besoins de la large majorité de la société.
Ce qui découle au plan politique de la formule «un gouvernement de gauche» est de la première importance. Tout d’abord, il s’agit de comprendre que ce pouvoir gouvernemental est un nouveau début, et non pas une station terminale. Un tel gouvernement peut et doit ouvrir sur une nouvelle période marquée par des mobilisations et des luttes pour une libération sociale d’ensemble. Ensuite, cette conception d’un gouvernement de gauche doit reposer sur une claire conception des alliances sociales à établir sur des objectifs concrets, dans la dynamique existante et stimulée, afin d’assurer et de conforter la position d’un tel gouvernement au pouvoir. Dès lors, Syriza doit être prête à encourager les mobilisations sociales des masses laborieuses dans leur plus large spectre, dès le jour de la constitution du gouvernement et ne pas être effrayée par cette perspective. De fait, n’est-ce pas ce qui constitue le sens plein et entier du mot d’ordre: imposer à nouveau des conventions collectives?
Le choix d’une telle perspective détermine les limites des alliances possibles au plan politique. L’expression libérée des besoins des travailleuses et travailleurs rend impossible une alliance avec des partis bourgeois, et avec toute formation ou tout cadre provenant de cette origine. Si nous n’obtenons pas une majorité absolue à l’occasion des élections du 25 janvier 2015, la seule solution réside dans le soutien de «l’autre gauche». Soit directement en établissant un gouvernement d’un «bloc de gauche», soit en obtenant un vote de «tolérance» [pour obtenir 151 voix sur un programme indiquant une liste de points précis à mettre en œuvre]. Dès lors, dans la situation présente et les jours à venir, il n’y a pas que Syriza qui doit faire face à des responsabilités historiques. [Allusion est faite ici à la position du KKE – PC – qui, le 20 janvier, à Thessalonique, lors de son principal meeting dans cette région, n’a cessé de dénoncer le double vote illusoire: celui en faveur de la Nouvelle Démocratie et du PASOK (Mouvement socialiste panhellénique qui est au gouvernement en coalition avec la ND de Samaras) et celui en faveur de Syriza qui allait conduire la même politique d’austérité.]
En conséquence de ce qui est indiqué ci-dessus, Syriza va faire face à des tâches fort importantes en assurant le fonctionnement des structures dirigeantes [2], en organisant ses membres, en ayant un fonctionnement démocratique et collectif de l’ensemble de ses membres dans le cadre des structures existantes, donc en leur assurant le contrôle sur les choix faits par Syriza. La partie la plus facile à parcourir est celle des élections et de la bataille électorale. Elle va se terminer sous peu et tout indique que cela sera positif. Alors, le travail difficile va commencer, c’est-à-dire la transformation de la victoire politique en une modification profonde des rapports de forces politiques, en direction d’un nouveau changement à venir. L’histoire nous enseigne en ce domaine que dans de telles circonstances, la capacité d’une «intervention» du «peuple de gauche» a toujours été cruciale pour dénouer les problèmes auxquels la majorité de la population doit faire face. (Article publié sur le site du Red Network; traduction Antonis Martalis)
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[1] Selon la Constitution, le président de la République donne comme tâche au dirigeant du premier parti en termes électoraux de former le gouvernement. S’il ne le peut pas, ne disposant pas d’une majorité absolue ou dans l’impossibilité d’une coalition ou encore d’un soutien venant du parlement mais n’impliquant pas une participation au gouvernement, le président s’adresse au deuxième parti, en l’occurrence la Nouvelle Démocratie; en cas d’échec il fait la même demande au troisième parti. Si aucune solution n’est trouvée, de nouvelles élections sont convoquées dans un délai d’un mois. (Rédaction A l’Encontre)
[2] Dès avant le 29 décembre 2014, date ultime pour nommer un nouveau président de la République, le «bureau présidentiel» de Tsipras a tout fait pour bloquer le fonctionnement régulier des instances de Syriza et le «Congrès électoral» s’est résumé, en substance, à un discours d’Alexis Tsipras, ce qui a suscité de nombreuses récriminations parmi les délégué·e·s. (Rédaction A l’Encontre)
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Maria Bolari est députée de Syriza pour la première circonscription d’Athènes. Elle est candidate pour les prochaines élections. Elle est membre de DEA et du Red Network.
La chute du PIB et la «crise humanitaire»
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