Genève: extension des heures d’ouverture des magasins.

Le personnel dit non !

Correspondant

En date du 17 juin 2010, le Grand Conseil du canton de Genève (Suisse) a voté une modification de la loi sur les heures d’ouverture des magasins (LHOM), aggravant les conditions de travail des salarié·e·s du secteur de la vente.

La nouvelle teneur précise que les commerces pourront maintenir les magasins ouverts jusqu’à 20h (19h actuellement et 19h30 le vendredi) tous les soirs de la semaine, à l’exception du samedi ou ceux-ci fermeront à 19h (18h actuellement). Comme prétendue compensation un argument est avancé: l’abandon de la nocturne à 21h, car elle n’habitue pas les client·e·s à faire leurs courses en nocturne. Dixit les rapporteurs de la majorité de la commission de l’économie. D’autre part, les commerces ouvriront trois dimanches par année et un jour férié, soit le 1er dimanche des fêtes de Genève, les deux dimanches précédents la veille de Noël et le 31 décembre. Cette nouvelle mouture de la loi intervient dans un contexte où les syndicats et les associations de commerçants rediscutent du renouvellement de la convention collective de travail du commerce de détail (CCT).

La première attaque d’envergure a eu lieu en 1988. Une initiative lancée par le Groupement des jeunes dirigeants d’entreprise, une association qui a, entre autres, pour objectif de «défendre la libre entreprise et l’économie de marché». Elle demandait l’ouverture des magasins jusqu’à 21h, un soir par semaine. Malgré la volonté de certains syndicats de transiger pour une ouverture moins tardive (20h.) – car cela leur apparaissant comme une possibilité de contrer la volonté des grandes surfaces – les électeurs et électrices du canton ont refusé à 60% la modification proposée. Il faut souligner qu’un large mouvement social – comprenant, entre autres, le Mouvement populaire des familles (MPF), la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), le Ministère protestant dans le monde du travail (MPMT), le Parti socialiste ouvrier (PSO), des syndicalistes, des écologistes, des médecins progressistes et des partis de gauche – s’était mobilisé pour défendre les vendeuses. Il est à signaler que la fédération représentant les petits commerçants ne voulait pas non plus de nocturnes à cette sauce.

Suite à cet échec, la stratégie des commerçants, surtout des grandes surfaces, a consisté à intégrer les syndicats aux modifications d’horaires, en leur proposant d’étendre les CCT et en leur faisant quelques concessions. D’ailleurs, en 2002, en échange d’une convention étendue à l’ensemble du commerce de détail la nocturne à 21h – refusée en 1988 – a été introduite, avec en prime pour les commerçants la fermeture le vendredi à 19h30 et le samedi à 18h. La victoire en votation (60%) des partisans était assurée avec le soutien des syndicats du secteur, des partis vert et socialiste. Les «concessions» obtenues ont été, outre l’extension de la CCT, aux commerces ayant plus de trois salarié·e·s, un salaire minimum de 3500 francs mensuel sans 13e salaire pour les vendeuses sans CFC (certificat fédéral de capacité), 3650 francs avec CFC et 3750 après 5 ans de pratique professionnelle. Cela représente environ 15% du personnel ; la majorité des salaires tourne autour de 4000 francs par mois.

Le schéma est le même aujourd’hui. Depuis plusieurs mois, des discussions ont lieu entre les «partenaires sociaux» qui ont tenté de se mettre d’accord afin qu’une nouvelle CCT se mette en place avec quelques concessions mineures si on les compare avec les dégradations subies en matière de prolongement des horaires.

Lors de l’assemblée, qui a eu lieu deux jours avant le vote du Grand-Conseil, organisée par UNIA et le SIT, les vendeuses, à quatre voix près, ont refusé d’échanger une nouvelle CCT contre des horaires étendus. Ceux-ci étaient étendus à 19h30 tous les soirs, 19h le samedi et deux dimanches par an. Il faut dire que les associations patronales n’ont pas proposé d’amélioration significative. Mais comme le dit le secrétaire syndical d’UNIA, Joël Varone, dans le quotidien Le Courrier: «Le personnel s’est aussi rendu parfaitement compte que la loi (LHOM) durera plus longtemps que la convention collective.»

La participation élevée à cette assemblée, une centaine de salarié·e·s et le nombre de travailleuses et de travailleurs – une quarantaine – qui se sont dits prêts à s’engager dans la récolte de signatures est plus une garantie pour l’avenir que des concessions sur l’extension des horaires. Elles se font toujours au détriment des salarié·e·s.

D’ailleurs les premiers échos que l’on rencontre sur les stands de récolte de signatures nous indiquent bien que les vendeuses ou leurs familles en ont ras le bol de ces horaires et plus largement des conditions de travail qui se dégradent au fil des ans.

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