Par Jamal Mansour
Il ne fait aucun doute qu’en tant que Syriens, au cours des douze dernières années, nos capacités individuelles et collectives de patience, de tolérance, d’endurer les «traumas» et autres chocs psychologiques, de vivre horreurs et malheurs ont été mis à l’épreuve. Cela va de l’expérience de subir la violence systématique du régime d’Assad contre les individus lors des rassemblements pacifiques des premiers mois de la révolution en 2011, jusqu’à devoir faire face aux conséquences de la guerre totale sur des sociétés entières, jusqu’à entrer dans l’enfer de l’expérience de l’arrachement à la maison, au quartier, à la ville et à la patrie, et à devoir supporter les fardeaux du déplacement et de l’asile avec leur lot d’humiliation chez nos frères arabes, et les difficultés chez nos frères étrangers, jusqu’à assumer, petit à petit, l’idée que notre ruine était non seulement colossale, mais qu’elle serait de longue durée, sinon éternelle.
Tout cela, nous l’avons éprouvé et l’éprouvons quotidiennement chacun dans notre exil, qu’il soit à l’intérieur ou à l’extérieur de la Syrie, en y faisant face avec plus ou moins de succès.
Aucun de nous ne fut épargné par les nouvelles difficultés venues s’ajouter aux épreuves de notre destin de Syriens, patience et endurance. Nos chers frères de la Ligue arabe ont refusé, avec la générosité qui est la leur, de ne pas y participer! L’empressement et la course des représentants officiels des régimes arabes à «tourner la page du passé» et «remettre la Syrie dans le giron arabe» étaient leur cadeau fait à des millions de Syriens et d’Arabes. Ils se sont conclus par l’accueil de Bachar Al Assad [le 18 mai] mettant fin à son isolement presque total, 12 ans après la décision de geler l’adhésion de la Syrie à la Ligue arabe.
Quelles sont les raisons qui ont poussé le système officiel arabe à mettre en scène cette représentation particulière? Pourquoi cette exagération dans l’hospitalité et la mise en avant du retour d’Assad parmi ses «frères» autocrates? Y a-t-il des messages derrière cette scène? A qui s’adressent exactement ces messages, et que signifient-ils pour nous, citoyens syriens et arabes?
Le premier séisme: le «printemps arabe» et la rupture
Beaucoup d’eau a coulé sous de nombreux ponts en Syrie et dans la région, après le débordement de colère et de frustration des masses arabes qui se sont exprimées dans les manifestations pacifiques du «printemps arabe». Ce qui a commencé par des révolutions pacifiques de masse a ouvert les portes à de larges pans des sociétés arabes donnant l’espoir de reprendre le contrôle de leur destin, de faire évoluer la gouvernance autoritaire et impénétrable qu’ils ont subie pendant des décennies, et d’améliorer la gestion de leurs conditions de vie. Mais ces révolutions se sont rapidement noyées et ont été englouties dans les sables mouvants de la violence maximale utilisée par les régimes autoritaires, dans les interventions extérieures qui ont compliqué la situation déjà complexe et dans les contre-révolutions qui ont réinstallé des structures autoritaires pires que celles contre lesquelles les gens s’étaient révoltés initialement.
Le destin d’aucun des pays des révolutions arabes n’a été pire que ce qu’il a été en Syrie. Le régime d’Assad a piégé la société syrienne de l’intérieur et allumé la mèche en alimentant et en exacerbant les différends entre groupes sectaires et régionaux, en la bombardant (littéralement et au sens figuré) avec des barils d’explosifs et des armes de destruction massive interdites par toutes les juridictions. Le bilan catastrophique que le monde reconnaît désormais et que nous connaissons en tant que Syriens est: entre 306 000 et 580 000 martyrs et morts, plus de 5,3 millions de réfugié·e·s sont officiellement enregistrés auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), environ 6,9 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays et 14,6 millions de citoyens à l’intérieur des frontières de la Syrie ont besoin d’aide humanitaire, selon les chiffres du Bureau des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA). Tout cela sans compter les dommages matériels si patents causés au système économique syrien, détruit directement et délibérément par les mains du régime et de ses alliés. Iraniens et russes en premier lieu, mais aussi par les mains du reste des belligérants intervenant sur le sol syrien. Il y a donc environ 110 000 bâtiments endommagés (selon les estimations de 2017) par cette guerre meurtrière, dont 27,7% ont été complètement détruits, tandis que 35,3% ont été totalement endommagés (les rendant inutilisables). Ainsi, si le coût de la reconstruction de ce qui a été détruit depuis 2012 jusqu’à aujourd’hui fait l’objet de désaccords entre observateurs et spécialistes, tous s’accordent sur son ampleur. Le prix d’une reconstruction oscille entre des projections «optimistes» qui l’estiment à 400 milliards de dollars, et d’autres plus sombres (et plus réalistes, selon mon estimation) au chiffre colossal de 1200 milliards de dollars. Soit entre 9 et 27 fois le PIB syrien en 2012!
Le consensus, jusqu’au début de cette année, était à l’image du consensus arabe officiel, il tenait le régime syrien pour responsable des situations tragiques que le pays a connues au cours de la dernière décennie. Des déclarations du ministre émirati des Affaires étrangères Abdallah ben Zayed devant la conférence des «Amis de la Syrie» à Paris en 2012, dans laquelle il se plaignait que «le régime syrien se moque de la communauté internationale», à celles du représentant de l’Arabie saoudite auprès des Nations Unies Abdullah Al-Mouallimi et son célèbre discours «Ne les croyez pas», la position arabe officielle est restée ouvertement négative envers le régime d’Assad et hostile à toute possibilité de rapprochement, de négociation ou de coordination avec lui.
La faille: brouille avec Washington et rapprochement avec Moscou et Pékin
La position arabe officielle envers le régime a commencé à se fissurer à partir de la fin de l’ère Obama en 2015. La faille entre l’alliance traditionnelle des Etats du Golfe, de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis en particulier, d’une part, et Washington, d’autre part, a commencé à apparaître clairement à ce moment-là. Les pays arabes ont accusé Washington de sacrifier ses engagements traditionnels sur l’autel de son accord nucléaire avec l’Iran, notamment en ce qui concerne l’expansion régionale de l’Iran au Yémen et en Syrie. Leur colère contre Washington a atteint un point où les dirigeants de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis ont boycotté le sommet de Camp David en mai 2015, et le roi saoudien n’a pas reçu Obama lors de sa dernière visite en Arabie saoudite en 2016. A la suite de cette secousse, les deux pays ont ressenti le besoin de chercher des alternatives dans leurs tractations régionales – et leur compétition entre eux et avec l’Iran – sur des impératifs d’hégémonie régionale et de sécurité.
Il n’y a pas eu de changements significatifs dans leurs relations, sauf dans la forme, à l’époque de Trump, car son approche «contractuelle» basée sur l’échange de bénéfices plutôt que sur une alliance stratégique n’a pas rassuré ces pays. La rencontre publique et le style provocateur des déclarations de Trump concernant les investissements saoudiens d’un montant d’environ 450 milliards de dollars, lors de la visite du prince héritier saoudien, ont crûment exprimé le changement et la détérioration des relations. Et cette tendance se poursuit avec l’administration Biden actuelle. Au cours de sa campagne électorale et au début de son mandat, ce dernier s’est engagé à «punir l’administration saoudienne» pour les violations des droits de l’Homme au Yémen et l’assassinat de Jamal Khashoggi [en octobre 2018 dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul]. Mais il est rapidement revenu sur ses menaces.
Cependant, le dommage dans les relations était fait et a imposé à la fois à l’Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis des révisions majeures dans leurs stratégies à l’égard des dossiers régionaux, dont le plus important est le dossier syrien.
Les dirigeants, saoudiens et émiratis, voient la situation régionale sous le prisme d’opportunité limitée dans le temps par la fin de leur phase pétrolière. Car chacun d’eux cherche à diversifier ses sources de revenus, à élargir le cadre de son économie et à asseoir son leadership dans la région en prévision de l’épuisement de sa richesse pétrolière, comme l’a clairement indiqué le programme saoudien «Vision 2030», par exemple. L’Arabie saoudite, sous la direction du prince héritier Mohammed ben Salmane, cherche à assumer le leadership dans le monde arabe et à contenir d’autres prétendants (émirati et qatarien, notamment) sous couvert d’une hégémonie saoudienne montante. Cela explique les permutations rapides articulées dans la politique interne et externe de l’Arabie saoudite, qui peuvent être déduites des changements structurels intervenus dans la gestion de plusieurs dossiers. Au lieu de la dépendance traditionnelle vis-à-vis des Etats-Unis, le rapprochement accéléré avec la Russie et la Chine se produit à plusieurs niveaux, dont le plus important est économique et politique.
Du côté saoudien vis-à-vis de la Russie, l’accord (dans le cadre de «l’OPEP Plus» – 13 pays de l’OPEP plus 10 autres pays) maintient les taux de production de pétrole sans les augmenter, contre la volonté états-unienne affichée d’augmenter la production et de réduire les prix pour soutenir les efforts de contrôle de l’inflation. La position saoudienne en tant que médiateur entre la Russie et l’Ukraine, et entre la Russie et certains milieux occidentaux au cours de la guerre russo-ukrainienne, affiche une neutralité plus proche des intérêts de la Russie que de ceux de l’Occident et des Etats-Unis.
Tout cela s’est reflété également sur la position de l’Arabie saoudite concernant la question syrienne, pour laquelle la Russie joue le rôle principal depuis 2015 car, petit à petit, l’Arabie saoudite a commencé à restreindre sa campagne médiatique contre le régime, jusqu’à atteindre le moment actuel. Quant à la Chine, le rythme d’amélioration des relations entre Riyad et Pékin s’est accéléré jusqu’à culminer avec la visite du président chinois Xi Jinping, au cours de laquelle des accords d’une valeur de 30 milliards de dollars ont été signés sous le titre «Aligner l’initiative [chinoise] de la Ceinture et de la Route avec Vision 2030 [de l’Arabie saoudite]». L’un de ses résultats a été la signature récente de l’accord de trêve entre l’Arabie saoudite et l’Iran à Pékin, sous le parrainage affiché de la Chine, qui a été considérée comme un coup porté contre les Etats-Unis.
Le deuxième séisme: «l’abstinence», puis «le flirt», puis «la rencontre»
Ces deux voies, la voie de l’affaiblissement des relations arabes avec Washington et la voie de «l’ouverture» à la Russie et à la Chine, ont affecté la position arabe sur le régime syrien. Tout cela ajouté à l’échec de la révolution et la guerre qui en a résulté sur le terrain syrien a achevé d’offrir des options différentes aux pays arabes. L’intervention russe en 2015 a modifié le rapport de force sur le terrain en Syrie en faveur de la consolidation de la position du régime, puis de redonner à celui-ci l’initiative et d’éliminer les foyers de résistance les plus dangereux pour lui (Alep en 2016, puis la Ghouta en 2018). Cela a entraîné de nombreux régimes régionaux à reconsidérer leurs alliances en Syrie, afin d’inverser la voie vers le rétablissement des relations avec le régime d’Assad.
Les Emirats arabes unis ont été les premiers à initier la réouverture de leur ambassade à Damas, et Bahreïn a rapidement suivi fin 2018. Cependant, ces deux initiatives se sont limitées à une froide reconnaissance diplomatique et à quelques formalités, sans réelle normalisation des relations. L’épée de l’objection états-unienne et ses sanctions sont restées inchangées. De plus, le régime d’Assad restait «toxique» et les sanctions contre lui intouchables pour deux raisons principales: sa cruauté criminelle en Syrie et son hostilité verbale et réelle contre les Etats arabes pendant la guerre, et l’intrusion de l’Iran dans tous les rouages du régime en Syrie. Le régime était considéré comme faisant partie du «paquet» du dossier des relations avec l’Iran. Les approches à son égard étaient liées aux développements qui traversaient une période très difficile, en particulier lors du retrait des Etats-Unis de l’accord nucléaire [en mai 2018], de l’assassinat de Qassem Soleimani [commandant de la Force Al-Qods du corps des Gardiens de la révolution islamique en janvier 2020] et l’escalade qui s’en est suivi. Il semblait que l’Iran pourrait avoir à payer un prix concernant la Syrie, ce qui a notamment poussé l’Arabie saoudite à faire preuve de sévérité envers le régime syrien. Les relations sont restées tièdes, limitées et circoncises au Bahrein et aux Emirats en raison d’un «veto» saoudien affiché à la réhabilitation du régime. Ce n’est un secret pour personne qu’il existe une concurrence entre l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis pour assumer le rôle régional le plus important, malgré l’existence d’intérêts communs et une coordination à plusieurs niveaux entre eux.
Cependant, il semble que la guerre russe contre l’Ukraine, en particulier son impact sur la position de la Russie en Syrie, et l’expansion de l’Iran malgré ses facteurs internes de faiblesse à la suite des mouvements populaires et de protestations et l’impact prolongé des sanctions sur son économie, a encore une fois changé la direction de l’aiguille de la boussole.
Al-Assad s’est ainsi rendu aux Emirats [en mars 2022] à un moment symbolique qui ne semblait pas avoir été laissé au hasard (le onzième anniversaire de la révolution syrienne), bien que cela ait semblé en apparence être une simple «visite de travail». Ce fut un signe de fin de son isolement.
Il semble que l’Arabie saoudite, pour sa part, ait appliqué sérieusement sa décision de 2022 de mettre fin à la phase de tension avec l’Iran, dans le but d’assurer sa sécurité régionale et d’arrêter son hémorragie sécuritaire et matérielle au Yémen, son point faible. Il apparaît que l’évaluation stratégique saoudienne repose sur l’acceptation de la perte de ses positions à la fois en Syrie et au Liban au profit de l’influence iranienne, en contrepartie de l’abandon iranien au Yémen. Il s’agirait d’acheter un «répit» qui permettrait la mise en place des programmes «Vision 2030» et la formation d’une sphère d’influence économique saoudienne qui lui offrirait, à l’avenir, une force et une influence qui changeraient l’équilibre des pouvoirs face à l’Iran, brisé économiquement en raison d’années de sanctions internationales sévères et d’une gestion désastreuse de ses ressources. Ainsi, le traitement du dossier du retour de la Syrie dans «le giron arabe» a commencé à être évoqué dans les médias arabes (et en Arabie saoudite en particulier) avec timidité.
Cependant, l’année 2023 a commencé par un mouvement émirati surprenant, lorsque le ministre émirati des Affaires étrangères Abdullah bin Zayed a effectué une visite officielle à Damas, où il a rencontré le dirigeant du régime. Il semble que les «capteurs» émiratis aient pressenti l’intensification des contacts saoudo-iraniens, et aient voulu prendre l’initiative d’envoyer des signaux positifs à l’Iran, en normalisant la situation du régime d’Assad en Syrie.
Un mois après cette visite, un tremblement de terre se produisit dans le nord-ouest de la Syrie et le sud de la Turquie, et donna aux timides efforts de normalisation un regain d’audace et de publicité, et au fur et à mesure leur rythme s’accélérait: Al-Assad se rendit bientôt au Sultanat d’Oman puis aux Emirats, où il s’est vu accorder une réception officielle caractérisée par une «ovation» et le tir de vingt et un coups de bienvenue!
Ces visites ont été rapidement suivies par des délégations affluant vers la Syrie, accélérant le rythme des discussions sur la nécessité de «mettre fin à l’éloignement» et de «ramener les eaux dans leur lit», et aboutissant à la visite du ministre saoudien des Affaires étrangères Faisal bin Farhan à Damas le 18 avril 2023. Cette visite a marqué le retour du régime syrien comme régime arabe officiel, tel que nous l’avons vu au sommet de Djeddah [en mai], et cela sous le prétexte médiatique de la nécessité des considérations humanitaires imposées par le tremblement de terre, «l’aide au peuple syrien frère» et autres prétextes.
«Les tyrans de la Terre sont frères!»
Tout cela aurait pu être compréhensible et justifié par des considérations de sécurité régionale, de pragmatisme politique, de nécessités de développement économique, ou autres. Les faits sur le terrain indiquent que le régime d’Assad a réussi à s’accrocher au pouvoir à tout prix, sacrifiant tout ce qui était précieux: abandonnant l’indépendance et la souveraineté nationale – se rendant complètement dépendant des agendas de ses deux principaux parrains, la Russie et l’Iran – en fragmentant sectairement et régionalement la société syrienne, mais aussi en faisant exploser le pays au sens réel et métaphorique, en faisant preuve de cruauté criminelle, en utilisant des armes chimiques dans sa guerre contre ses citoyens, en recourant à l’économie de la drogue pour accumuler des richesses et combler le déficit financier causé par sa guerre contre les Syriens. Mais la réalité est qu’il a réussi à s’accrocher au pouvoir et qu’il est resté un acteur pour qui voudrait traiter la question syrienne de quelque manière que ce soit.
Cependant, il reste totalement évident que les crimes commis par le régime d’Assad, dont les médias officiels des «frères» arabes ont regorgé dans les moindres détails pendant une décennie, persistent à être condamnés.
Cela soulève la question: cette hospitalité et cette célébration du régime étaient-elles inévitables? Etait-ce dû à une forme de «pragmatisme»? Etait-il nécessaire de recevoir le régime dans une instance officielle comme celle-ci de cette manière, malgré toutes les remarques sur la marginalité de son impact réel? Quel est le message derrière cette mise en scène, et à qui s’adressait-il? Il aurait été possible de comprendre ce retour s’il avait été orchestré de manière feutrée ou timide, par exemple, et de le justifier par les nécessités du pragmatisme du moment avec l’envoi d’un message symbolique déclarant: «Nous savons qu’il est un criminel, mais nous sommes obligés de traiter avec lui.»
Au lieu de cela, le message symbolique réel de la scène du Sommet arabe a été adressé principalement aux peuples arabes: «Votre printemps arabe a été enterré une fois pour toutes. Nous avons remonté le temps. Nous vous gouvernerons quoi qu’il arrive. Même ceux d’entre nous qui commettent des crimes, comme l’a fait Bachar al-Assad, ont leur place parmi nous. C’est notre club, le club des dirigeants absolus. Nous sommes en désaccord les uns avec les autres, nous nous battons, nous voulons la chute les uns et des autres. Mais au bout du compte, nous sommes solidaires et interdépendants, car nos intérêts sont plus importants que toute autre considération.» [1]
Ce message est comme une mutilation symbolique d’un cadavre, une profanation, un acte semblant sortir directement des pratiques du régime d’Assad telles que connues par les célèbres «documents Cesar». La délivrance de ce message a été la chose la plus importante du Sommet – car comme toujours, les sommets arabes n’aboutissent à aucune décision significative ou d’une quelconque valeur. Oui, le «printemps arabe» est terminé, mais ce retour victorieux d’un criminel de guerre dans le giron de ses «frères» insultant au passage le sang de centaines de milliers de ses concitoyens, nous enseigne qu’en tant que peuples, nous faisons face à une longue bataille pour obtenir nos droits les plus élémentaires contre une clique qui s’accroche au pouvoir à tout prix. Et que nous devons apprendre de cette clique à nous serrer les coudes et à faire preuve de solidarité en nous dressant contre eux, tout comme ils le font en nous affrontant. (Article paru le 23 mai 2023 dans Aljumhuriya; traduction française de l’arabe pour A l’Encontre par Suzanne Az)
_______
[1] Salam Kawikibi, directeur du CAREP (Centre arabe de recherches et d’études politiques), résumait ainsi le sens de la réintégration de la Syrie dans la Ligue arabe: «Les régimes qui se ressemblent se retrouvent enfin. Les régimes qui accueillent Assad ne sont pas très différents de lui, ils sont aussi acharnés contre leurs populations. Ils ont tué avec des tronçonneuses leurs journalistes dans le cas de l’Arabie Saoudite, ils ont maté des soulèvements populaires pacifiques comme en Algérie, ils ont plus de 60 000 prisonniers politiques comme l’Egypte, ils financent toutes les contre-révolutions arabes… Donc Assad se retrouve dans un milieu très amical, très réceptif de ses pensées. Son écartement [de la Ligue arabe] n’était pas basé sur des principes, des valeurs, des droits de l’homme. C’était un écartement pour des différends personnels entre lui et certains leaders arabes.» (France Culture, le 18 mai 2023)
Soyez le premier à commenter