Ukraine. «Quand une Ukrainienne de la diaspora partage la vie quotidienne d’une Odessa rudoyée par l’agression militaire»

The “Embassy of Humor in Ukraine.” Photo: Yana Lysenko.

Par Yana Lysenko   

A l’approche du premier «anniversaire» de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, le climat politique créé en Occident divise de plus en plus le point de vue des populations sur l’agression russe et des souffrances ukrainiennes. La politisation croissante de la guerre pour divers intérêts idéologiques occupe plus d’espace dans le discours que les propos des Ukrainiens qui endurent la brutalité du terrorisme russe contre les civils. Pendant ce temps, des médias des Etats-Unis comme le New York Times n’hésitent plus à suggérer que la population est fatiguée de la guerre et qu’il est peut-être temps pour l’Ukraine d’envisager de mettre un terme à ce conflit. Une recherche rapide sur Google de l’expression «l’Ukraine fatigue» donne des dizaines d’articles d’importantes publications états-uniennes, dont beaucoup ont été écrits au cours des deux derniers mois. Il s’agit probablement d’un effort concerté pour influencer et refléter l’opinion publique états-unienne, après que des cercles ont récemment laissé entendre que l’aide future à l’Ukraine pourrait finir par être réduite.

Alors que la souffrance des Ukrainiens devient chaque jour plus terrible, les discussions politiques et les publications en Occident s’éloignent de plus en plus de la souffrance ukrainienne [1]. Chaque mois où la guerre se poursuit, les Ukrainiens sont contraints de s’adapter par des moyens auparavant impensables. Les pannes d’électricité à l’échelle nationale et les fréquentes coupures dues aux tirs de roquettes russes au cours des derniers mois continuent de priver une grande partie de l’Ukraine d’électricité, parfois pendant plusieurs jours, ce qui complique tous les aspects de la vie quotidienne.

Pendant les trois mois et demi que j’ai passés à Odessa, la ville portuaire ukrainienne que tant de membres de ma famille et d’amis appellent encore leur foyer, la situation a radicalement changé, l’agression russe devenant de plus en plus cruelle après des événements tels que le bombardement du pont de Kerch et la retraite de Kherson. Lorsque je suis partie fin novembre, la vie dans la ville était très différente de ce qu’elle était à mon arrivée.

Tout au long du mois d’octobre et avant les attaques massives à la roquette de la Russie qui ont marqué le 15 novembre comme un autre tournant dans la vie quotidienne d’Odessa, diverses parties de la ville ont dû faire face à des pannes aléatoires qui duraient généralement plusieurs heures. En se promenant dans n’importe quelle partie de la ville le soir, un pâté de maisons d’un quartier semblait complètement obscur, alors que le pâté de maisons suivant disposait de la lumière. Pendant ce temps, l’administration régionale d’Odessa et l’administration nationale ont fréquemment recommandé aux habitants d’économiser l’électricité pour aider les autres villes ukrainiennes victimes de coupures de courant à la suite des tirs massifs de roquettes russes dans tout le pays en octobre, notamment ceux qui ont touché le centre de Kiev le 10 octobre. Moins de trams circulaient dans les rues, tandis que les piétons, les automobilistes et les chauffeurs de bus apprenaient patiemment à cohabiter sur les routes en l’absence de feux de circulation et de feux pour piétons. Malgré les circonstances, les habitants d’Odessa se sont adaptés.

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Dans la soirée du 15 novembre, la ville d’Odessa est plongée dans le noir. Après des heures d’alerte suite aux raids aériens le matin même, les attaques massives à la roquette lancées par la Russie à travers l’Ukraine ont plongé la ville d’Odessa et 10 millions d’Ukrainiens à travers le pays dans le noir, sans lumière ni Internet et, dans de nombreux endroits, sans chauffage. Contrairement à ce qui s’était passé un ou deux jours auparavant, tous les lampadaires, les feux pour piétons et les feux de circulation de la ville ne fonctionnaient plus. Le service téléphonique et les réseaux de communication sont devenus inutilisables 99% du temps, ce qui a rendu pratiquement impossible la recherche d’informations sur les brusques changements.

Le lendemain matin, pour tenter de faire des courses alors qu’il faisait encore jour, j’ai parcouru différentes rues du centre-ville en essayant de trouver un accès aux informations, en espérant qu’une seule barre de connexion apparaisse sur mon portable afin de me permettre de consulter Internet ou de passer un appel téléphonique. Dans tout le centre-ville, les employé·e·s des magasins et bureaux, tous dans la pénombre, travaillaient à la lumière de bougies ou de lampes de poche de smartphones; d’autres commerces étaient fermés. En raison des pannes de courant des semaines précédentes, certains cafés s’étaient équipés de générateurs. Le ronflement des générateurs, alignés le long des trottoirs, rendait toute conversation à l’extérieur presque impossible (bien qu’il finisse par devenir un bruit de fond). Les gens se sont pressés à l’intérieur des cafés éclairés pour recharger leurs téléphones, même s’ils ne disposaient pas du wifi. Beaucoup se tenaient également dans les halls des centres commerciaux, qui disposaient du wifi et de prises électriques, car ces espaces appartenaient à de grandes entreprises qui s’étaient manifestement préparées longtemps à l’avance à ce genre de situation. Pour les entreprises qui ne disposaient pas de générateurs, en obtenir s’est avérée difficile, car la soudaine hausse de la demande dépassait de loin l’offre. Comme me l’a dit un homme travaillant dans un café, «ce n’est même pas que les générateurs sont chers en ce moment; il n’y en a tout simplement pas à acheter».

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S’adapter aux changements radicaux de la vie quotidienne dans de telles circonstances est un défi constant – on ne peut jamais s’habituer complètement à ne pas avoir d’électricité chez soi. Dans les hauts immeubles d’habitation une période particulièrement difficile a été ressentie: de nombreux immeubles de neuf étages datant de l’ère «soviétique» n’ont plus d’ascenseurs. Les résident·e·s ont donc été contraints d’emprunter les escaliers, ce qui a rendu difficile pour les personnes âgées et les personnes à mobilité réduite de quitter leur appartement (elles continuent à avoir du mal à le faire alors que les coupures de courant se poursuivent). Alors que de nombreuses tours résidentielles plus récentes et plus luxueuses de la ville (souvent de 20 à 25 étages) disposaient de générateurs de secours pour avoir un usage minimal des ascenseurs, l’alimentation en électricité des appartements nécessitait toutefois des générateurs à chaque étage. Nombre de ces immeubles (autrefois très recherchés) dépendaient fortement de l’électricité, tant pour le chauffage de l’appartement que pour les cuisinières. Les anciens immeubles soviétiques et pré-soviétiques utilisaient davantage le gaz, ce qui permettait de cuisiner même sans lumière. J’ai eu la chance d’habiter au premier étage d’un appartement pré-soviétique avec mon compagnon. Nous avons donc pu préparer de la nourriture sur notre cuisinière à gaz même dans l’obscurité, bien que le réfrigérateur ne fonctionnait pas et que nous n’avions pas de chauffage.

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Les tirs de roquettes désastreuses pour les infrastructures civiles n’ont pas pu relever d’une coïncidence si l’on a à l’esprit qu’un front froid, accompagné des premières chutes de neige de la saison, s’était produit plus au nord du pays quelques jours auparavant, ce qui a eu un impact sur les conditions de chauffage et le maintien des températures. La formule «Laissez-les geler» semble parfaitement correspondre à la logique de l’armée russe. Le premier jour des pannes d’électricité, je me suis approchée d’une femme travaillant dans l’un des nombreux kiosques à cigarettes de la ville. Elle était assise dans le noir. Je lui ai demandé si elle avait du chauffage à l’intérieur. Elle m’a répondu que comme il n’y avait pas d’électricité, elle était assise dans le froid. Bien que la mairie d’Odessa ait annoncé quelques jours avant les attaques à la roquette que la plus grande partie de la ville devrait déjà être chauffée, le chauffage n’avait pas encore été enclenché dans de nombreux endroits et les attaques contre les infrastructures ont encore prolongé ce délai. Les personnes qui dépendaient d’une forme quelconque de chauffage électrique, que ce soit comme source principale de chaleur ou comme moyen de secours en cas de panne, n’avaient donc aucune possibilité de se chauffer. Le Service d’urgence de l’Etat ukrainien a instauré une série de règles concernant l’utilisation en toute sécurité des sources de chaleur alternatives (parmi lesquelles les anciens fourneaux) et des sources de lumière, ainsi que les risques potentiels qu’elles présentent en cas de mauvaise manipulation. Selon l’administration de la ville d’Odessa et le Service d’urgence, plus de 800 incendies liés à ces solutions alternatives ont été recensés en Ukraine depuis le début de l’année 2023, rendant dangereux même l’accès au chauffage et à l’électricité.

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La difficulté d’accès aux moyens de paiement n’a fait que rendre encore plus problématiques les conditions de la vie quotidienne. Aucun système de carte de crédit ne fonctionnant, on ne pouvait utiliser partout que de l’argent liquide, mais les banques étaient fermées et tous les distributeurs automatiques de billets des centres commerciaux manquaient de liquidité dès le milieu de l’après-midi. En me promenant entre quatre centres commerciaux différents dans le centre de la ville, chacun ayant trois ou quatre distributeurs différents, je les ai tous trouvés vides – sauf un devant lequel s’était formée une file d’attente d’environ 15 personnes… avant d’être lui aussi à sec. Soudain, la fragilité du système économique contemporain est apparue plus évidente que jamais – une «leçon marxiste» inattendue et troublante sur la monnaie et la valeur, et la façon dont elles deviennent arbitraires en temps de crise. Les générations plus âgées qui ont vécu la débâcle économique de la dissolution de l’Union soviétique en 1991 et l’effondrement du bloc de l’Est semblent fréquemment partager une même attitude: elles comprennent l’importance de l’argent liquide de réserver – surtout dans une monnaie stable (le dollar) – et de la valeur marchande de la possession d’or. Dans ce contexte, la valeur élevée et la convoitise des billets en dollars en Ukraine deviennent très claires car lorsque l’argent n’existe que sur une carte de crédit ou de débit dont l’utilisation est impossible, cet argent n’existe pas.

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Odessa a persévéré et a travaillé sans relâche pour rétablir les lignes électriques: en deux jours, les lumières ont commencé à clignoter dans les rues et Internet est plus ou moins réapparu. Bien sûr, il est alors devenu évident que les pannes allaient faire partie de la vie quotidienne et que le rétablissement de l’électricité serait probablement temporaire. Une semaine plus tard, des roquettes russes ont frappé à nouveau l’infrastructure électrique, laissant cette fois-ci de nombreux habitant·e·s sans eau courante. Les supermarchés se sont retrouvés à court de bouteilles d’eau de toutes tailles, alors que les clients se précipitaient pour faire des provisions de secours. Dans un acte d’un cynisme indescriptible, il est devenu évident que la Russie a attendu que les villes ukrainiennes rétablissent l’électricité, pour ensuite l’endommager grâce à une autre série d’attaques. Pendant ce temps, ma famille de l’autre côté de la frontière, en Moldavie, m’a envoyé un message indiquant que les tirs de roquettes russes avaient provoqué des coupures de courant dans leur région, ainsi que dans d’autres parties de la Moldavie (ce que le gouvernement moldave a également confirmé). Les connexions de l’infrastructure électrique de la Moldavie avec l’Ukraine avaient causé le même problème la semaine précédente – une marque tangible de l’impact de la guerre au-delà de l’Ukraine.

En dépit de ces difficultés, il est infiniment encourageant de voir que les habitant·e·s d’Odessa parviennent à faire face à l’adversité avec amabilité et humour, en continuant à essayer de mener leur vie quotidienne. Alors que je rechargeais mon téléphone et que j’attendais un ami dans un café, le générateur qui alimentait l’établissement est tombé en panne sèche, coupant à l’intérieur toutes les lumières et l’électricité. Les clients se sont assis en silence pendant une seconde, puis ont réagi collectivement par une explosion de rires. Deux mères de famille assises à une table voisine allument la lampe de poche de leur téléphone portable et la donnent à leurs deux jeunes enfants, qui se poursuivent dans le café comme si de rien n’était. Des musiciens se produisent toujours sur la rue Derybasivska [l’une des principales artères de la ville], comme ils l’avaient fait presque quotidiennement les mois précédents. La deuxième semaine, les coupures de courant se sont produites pour la première fois alors que j’étais assise dans un salon de manucure. Les jeunes femmes qui tenaient le salon ont demandé à leur voisin qui avait un générateur de rediriger un peu de courant vers leur salon, car elles insistaient pour que les soins puissent être menés à bien. Le voisin a volontiers accepté et elles ont pu poursuivre leur travail. Les habitant·e·s d’Odessa refusent de baisser les bras, et réagissent avec une détermination personnelle et une volonté d’aider et de soutenir les autres. Les petits actes de bonté commis au hasard peuvent sembler insignifiants, mais ils témoignent d’un sens aigu de la solidarité et du dévouement, difficile à imaginer pour de nombreuses personnes en dehors de l’Ukraine, surtout dans des pays individualistes comme les Etats-Unis, où les besoins de chacun l’emportent toujours sur ceux des autres.

Cette persévérance marque profondément ma mémoire des événements des dernières semaines avant mon départ d’Odessa. Elle relève du refus de succomber à l’immobilisme du désespoir. J’ai découvert un exemple éloquent dans l’expérience de ma tante, une femme d’Odessa résolue et emblématique. Elle avait rencontré des difficultés apparemment sans fin. Son anniversaire devait se fêter le jour suivant le début d’une autre panne totale. Après avoir dépensé son salaire pour acheter des produits d’épicerie afin de préparer sa fête, elle s’est inquiétée que tout se gâte parce qu’il n’y avait pas d’électricité pour les maintenir à bonne température. Lorsque nous sommes arrivés l’après-midi suivant, pour la fêter, sa table débordait de nourriture cuisinée. Elle nous a dit plus tard que sa fille et elle étaient restées debout jusqu’à une heure du matin la veille pour faire cuire tout ce qu’elles pouvaient, cela dans l’obscurité. Et elles avaient préparé le reste tôt le matin. Dans des circonstances aussi difficiles, quelque chose d’apparemment aussi anodin qu’une fête d’anniversaire devient un acte de résistance.

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Les Ukrainiens et les Ukrainiennes ont vécu l’enfer depuis près d’un an maintenant, mais ils parviennent encore à en rire et à en plaisanter, afin de continuer à vivre. L’un des traits essentiels qui a marqué une partie de ma jeunesse à Odessa n’est autre que son célèbre sens de l’humour. Il représente une partie déterminante de son identité et de son histoire en tant que ville. Il constitue une grande source de fierté pour ses habitant·e·s et pour l’Ukraine dans son ensemble. Odessa revendique son identité unique et singulière, à la fois pour elle-même mais aussi en tant que partie prenante de l’identité ukrainienne, plus grande et plurielle. Tout au long de la guerre, les pages du site Telegram d’Odessa ont publié de très nombreux mèmes et blagues pleins d’esprit comme une réponse typiquement «odessienne» à une crise qui touche toute l’Ukraine. Une illustration incluse dans un article d’une page de mèmes d’Odessa affirme: «Odessa kak ona est» («Odessa telle qu’elle est», formule publiée principalement en russe) qui se traduit par: «C’est toujours le plus sombre avant l’aube»: DTEK Odessa Electrical Networks.

Pendant ce temps, la Maison des clowns d’Odessa («Budinok Klouniv» ou «Dom Klounov») [voir la photo en haut de l’article], dans la rue Olhiivska, présente régulièrement des spectacles comiques pour les enfants et les adultes, malgré la guerre, aidant les visiteurs à se détacher quelque peu de la tragédie constante de la guerre. Dirigé depuis longtemps par Borys Barskyi, natif d’Odessa et célèbre «artiste du peuple d’Ukraine», ce théâtre coloré arbore à l’entrée un panneau intitulé «Ambassade de l’humour en Ukraine» [voir photo]. Il rappelle toujours aux passants l’identité de la ville. Il ne faut pas sous-estimer le fait qu’Odessa continue à maintenir son statut de capitale de l’humour en Ukraine en pleine guerre. Odessa joue un rôle important dans cette guerre. Il faut disposer de beaucoup de force politique, culturelle et sociale pour assumer l’horreur et la transformer en plaisanterie.

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En racontant mon expérience de ces derniers mois à Odessa, je ne cherche qu’à souligner pourquoi nous devons continuer à être solidaires des Ukrainiens contraints de faire des sacrifices aussi importants pour le maintien de leur souveraineté. La solidarité exige de la patience. Lorsque autant de facettes de la vie quotidienne dépendent d’éléments aussi essentiels que l’électricité ou l’Internet, même la possibilité d’aller à l’école ou de travailler sombre dans la précarité. Les Ukrainiens et Ukrainiennes qui travaillent à distance risquent de perdre leur emploi par manque d’accès régulier à Internet – en particulier ceux qui travaillent pour des entreprises situées à l’étranger – alors que les difficultés économiques de l’économie de guerre rendent ces emplois plus essentiels que jamais. Les classes laborieuses ukrainiennes n’ont pas toujours le privilège d’avoir accès à un générateur, qui est souvent coûteux et nécessite de grandes quantités de gaz tout aussi onéreux. Garder cela à l’esprit et conserver un sentiment d’empathie malgré les manipulations pour devenir résigné ou indifférent déterminera l’avenir du soutien international à l’Ukraine. (Article publié sur Left East, le 13 février 2023; traduction rédaction A l’Encontre)

Yana Lysenko est doctorante en littérature comparée et en études slaves à l’Université de New York. Sa thèse porte sur l’histoire culturelle d’Odessa aux XXe et XXIe siècles. Elle s’intéresse également aux mouvements de solidarité et de libération d’Europe de l’Est, à la diaspora et à la décolonisation.

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[1] Certes, les récents reportages, à l’occasion du dit anniversaire de l’agression russe, soulignent les diverses souffrances de la population ukrainienne, mais très rarement saisissent l’impact profond et durable des destructions multiples d’infrastructures, de bâtiments, d’une économie, au sens large, qui se fragmente et dans certaines régions se désagrège, sans mentionner l’exil forcé de millions de personnes qui prolonge un recul démographique précédant la guerre; tout cela provoquant des traumatismes persistants que tous les «après-guerres» révèlent. Les reportages sur l’ingéniosité de la «société civile» pour se défendre et survivre ne constituent qu’une facette partielle d’une réalité que d’aucuns camouflent avec lf formule: «la reconstruction de l’Ukraine», reconstruction dans laquelle la place des investissements extra-ukrainiens ne s’inscrira pas dans un processus effectif d’«autodétermination populaire». (Réd. A l’Encontre)

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