Grèce. Quand un accord entre Samaras et Recep Tayyp Erdogan menace les réfugiés politiques turcs

Rencontre Samaras et Erdogan le 4 mars 2013
Rencontre Samaras et Erdogan le 4 mars 2013

Par OkeaNews

Vendredi 19 avril 2013 avait lieu, en Grèce, le procès de deux militants turcs. La cour suprême devrait se prononcer ce vendredi 26 avril sur le sort réservé à ces deux réfugiés politiques, Zeki Gorbuz et Comert Bulent Aytunc [des militants turcs menacés étaient présents lors de la manifestation du 21 avril 2013 qui faisait revivre la mémoire du coup d’Etat des colonels en date du 20 avril 1967].

Alors que la presse turque mentionne des accords entre les deux pays concernant les extraditions, suite à la visite du premier ministre Antonis Samaras (Nouvelle démocratie) à Ankara, un groupe d’avocats pour les droits des migrants et des réfugiés a publié un communiqué appelant à la solidarité.

Durant le procès, le procureur a suivi la ligne du groupe d’avocat précisant que les deux militants ne devraient pas être extradés en Turquie où ils risquent un procès injuste. Présente au procès, la sœur de Zeki Gorbuz a pu s’exprimer, notamment sur les abus sexuels dont elle a été la victime en Turquie.

Le Mouvement militant du groupe pour la liberté et les droits démocratiques (KEDDE), qui a été le dénonciateur de l’accord entre les autorités turques et grecques, a indiqué qu’il n’y a aucune garantie de la sécurité des dissidents turcs s’ils sont forcés de repartir.

«Les personnes arrêtées en vertu de la loi antiterroriste turque sont soumises à une longue détention avec un délai indéterminé tout en n’ayant pas accès à leur dossier avant le début du procès (qui peut se dérouler deux ans plus tard)», indique un communiqué sur le site web du groupe: «Cela pourrait aussi signifier qu’ils deviennent soumis à la compétence et au jugement de tribunaux spéciaux, pour lesquels la Turquie a été plusieurs fois condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg, puisque ces tribunaux font usage… d’aveux extorqués sous la torture comme moyen de “preuve”.»

Si le groupe d’avocats était plutôt serein après le procès, rien ne dit que la sécurité des deux réfugiés est complètement assurée: la décision finale pourrait en effet être politique.

Dans l’attente de cette décision, le site Okeanews propose ci-dessous la traduction de l’appel à solidarité du groupe d’avocat pour les droits des migrants et des réfugiés.

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Solidarité avec les militants et réfugiés politiques turcs et kurdes en risque imminent d’extradition vers la Turquie. Aucun réfugié politique ne doit être extradé en Turquie

La détérioration de la protection des droits civils, politiques, sociaux et des libertés ont progressé sous le gouvernement grec actuel, en partie à cause de la crise économique. Dans ce contexte et suivant la visite du premier ministre Samaras à Ankara et l’annonce d’une plus proche coopération entre les gouvernements grecs et turcs, les autorités grecques, qui, dans le passé, décrétaient seulement avec réticence des mandats d’arrêts internationaux contre les réfugiés turcs, se sont engagées ces mois derniers dans une réelle chasse aux sorcières contre tous ceux qui sont recherchés pour leurs actions politiques en Turquie.

Conformément à l’accord gouvernemental, les autorités grecques ont déjà cinq réfugiés avec pour objectif de les extrader. Leur détention continue encore aujourd’hui. Au moins l’un deux a été dépourvu de ses libertés depuis le 12 février, c’est-à-dire plus de deux mois.

Parallèlement à ces arrestations d’activistes turcs et kurdes, un nombre alarmant de publications dans la presse turque a mentionné des accords entre les deux gouvernements sur l’extradition des personnes recherchées et sur un accord secret bilatéral antiterroriste avec des récompenses financières, alors que les portraits des réfugiés en Grèce sont publiés avec leurs noms, leurs arrestations par les autorités grecques étant prévues.

Tous les réfugiés arrêtés ont été persécutés en Turquie pour des raisons politiques et ont été sujets à la torture, alors que d’autres ont fait la grève de la faim dans les prisons turques.

Tous les réfugiés arrêtés ont fait une demande d’asile envers les autorités grecques. Certaines de ces demandes ont été mises en attente depuis plus d’une dizaine d’années, avec néanmoins une recommandation positive par les Comités (p.d 61/99) sur une reconnaissance officielle en tant que réfugiés. Ce retard des autorités grecques a maintenu les réfugiés politiques turcs et kurdes en otage depuis plusieurs années, même s’ils faisaient face à un risque imminent d’extradition vers la Turquie.

Si ces extraditions ont lieu, les cinq réfugiés arrêtés courent le risque d’être torturés et emprisonnés après des procès injustes, à cause de leurs activités politiques.

Le groupe d’Avocats pour les Droits des Immigrants et des réfugiés entend rappeler qu’il y a une centaine de personnes, parmi lesquelles des journalistes, des militants pour les droits des salariés, des étudiants et des avocats, qui sont systématiquement persécutés dans la Turquie moderne à cause de leurs croyances politiques et parce qu’ils sont pro-kurdes, sous prétexte de la loi antiterroriste. Ils sont présentés devant des cours spéciales sur la base de préjugements injustes et de confessions obtenues sous la torture. Au mois de mars 2013, l’«Athens Bar Association» (Association des membres du Barreau d’Athènes) a condamné les récentes arrestations d’avocats en Turquie en invoquant la loi antiterroriste, avec comme motif qu’ils «terrorisent la population turque». Les rapports sur la torture des personnes arrêtées par les autorités turques continuent d’apparaître. De même, le meurtre récent des trois femmes activistes kurdes à Paris, dont l’une était reconnue comme une réfugiée politique, et le refus d’une requête turque pour une extradition vers l’Allemagne, soulèvent de sérieuses questions et problèmes.

Deux des cinq personnes menacées d’extradition, Zeki Gorbuz et Comert Bulent Aytunc ont été arrêtées le 12 février 2013 à Patras, alors que le premier se présentait à la police pour une procédure de demande d’asile, accompagné par le deuxième qui aidait pour la traduction.

Le 26 mars 2013, les demandes pour leur extradition ont été examinées en première instance par le Conseil d’appel de Patras qui a voté contre cette extradition vers la Turquie unanimement et en ligne avec l’avis du Procureur, reconnaissant les raisons politiques derrière leur persécution. Zeki Gurbuz était surveillé par les autorités turques depuis ses études, à cause de ses activités politiques et celles des membres de sa famille. Il a été victime de torture, sa sœur et sa femme ont été persécutées par les autorités turques, sa sœur à cause à cause de son action contre les tortures sexuelles et sa femme à cause de son travail de journaliste. Il est recherché par les autorités turques à cause de ses tendances politiques à gauche et de ses convictions pro-kurdes, sur la base d’accusations préparées par la Cour de la sécurité nationale. Il a également fait la grève de la faim de 2000 à 2001, il s’était battu contre les «cellules blanches» [cellules d’isolement strict des prisonniers politique contre lesquelles un mouvement de grève de la faim avait été engagé, ces cellules sont qualifiées officiellement de type F] et les détentions solitaires, dont l’objectif est d’épuiser physiquement et psychologiquement les opposants politiques à l’État turc.

Malgré le rejet de la demande d’extradition en première instance, et apparemment à cause des accords expliqués ci-dessus et des pressions exercées par les autorités turques, le bureau du procureur de Patras a fait appel. Le cas doit être entendu en dernière instance le 19 avril.

Le groupe d’avocats rappelle que les extraditions de personnes qui sont persécutées dans leur pays pour des raisons politiques ou qui sont menacées de torture ou de toute autre forme de mauvais traitement en cas de retour ou qui risquent d’avoir à faire à un procès injuste, sont une violation flagrante de la constitution grecque, du droit grec, de la convention des réfugiés de 1951 (Art 33) et de la charte européenne des droits fondamentaux (art 18 et 19) et de la Convention européenne des droits de l’Homme (art 3 et 6).

Nous proclamons notre solidarité envers les activistes turcs et les réfugiés politiques. Nous demandons que personne ne soit extradée vers la Turquie. […]

Groupe d’avocats pour les droits des migrants et des réfugiés

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Pour communiquer votre solidarité, les lectrices et lecteurs peuvent s’adresser au numéro suivant:00 30 210 8259 449 et demander le mail pour message. (Réd. A l’Encontre ; le titre de l’article est celui de la rédaction de A l’Encontre)

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