Grèce: le mouvement des indignés exige «qu’ils s’en aillent tous!»

Par Georges Kopp et Jérome Duval

La Grèce se trouve à nouveau dans l’œil du cyclone de la crise des dettes publiques et la proie des vautours de la «troïka» (FMI, Banque centrale européenne et Union européenne), qui négocie avec le gouvernement du «socialiste» Papandréou la prochaine tranche du «plan de sauvetage» en échange de nouvelles mesures anti-sociales. Mais, depuis le 25 mai 2011, le pays est secoué par une mobilisation populaire similaire à celle du mouvement des indignés espagnols, avec des rassemblements quotidiens de milliers de personnes sur les principales places publiques de dizaines de villes dans tout le pays. Ainsi, ce 29 mai, près de 100’000 personnes ont manifesté sur la désormais célèbre Place Syntagma à Athènes, en face du Parlement.

Au septième jour consécutif de protestation, le mardi 31 mai au soir, 50’000 manifestant-e-s se sont à nouveau réunis sur la «Puerta del Sol grecque» à Syntagma et ont empêché pendant plusieurs heures la sortie les députés qui se trouvaient à l’intérieur du Parlement. Ce n’est que vers minuit que les parlementaires ont pu quitter l’édifice par un couloir ouvert par la police. Les occupants affirment qu’ils ne quitteront pas la place Syntagma «tant que le gouvernement, la troïka et la dette ne s’en iront pas». Ils exigent une «Démocratie directe, maintenant!», ainsi que l’«Egalité, la justice et la dignité!» (voir l’appel ci-dessous). Des manifestants ont accroché un immense calicot sur la façade du Ministère des finances avec le slogan: «Luttez pour le renversement: Grève générale!».

Ce mardi également, une manifestation de soutien aux occupants de la Place Syntagma a eu lieu à l’Université d’Athènes, avec la participation du chanteur le plus célèbre du pays, Mikis Theodorakis. Dans sa prise de parole, le chanteur a dénoncé la vente du patrimoine de l’Etat et vertement critiqué la caste politicienne grecque. «Nous vivons une immense tragédie nationale et je rend responsable les deux principaux partis d’avoir placé la Grèce au bord de l’abîme», a déclaré Theodorakis.

Parallèlement, d’autres mobilisations sectorielles se poursuivent, comme celle du mouvement des chômeurs et une nouvelle grève de 24 heures est convoquée pour le 15 juin par les organisations syndicales.

Echec des politiques d’ajustement

La mobilisation populaire des «indignés» grecs se produit dans l’attente d’un accord entre le gouvernement et la troïka afin de débloquer la cinquième tranche «d’aide» de 12 milliards d’euros prévue pour ce mois de juin. En 2010, la Grèce a été forcée de demander l’aide de l’Union européenne, de la Banque centrale européenne et du FMI et a obtenu un prêt de 110 milliards d’euros en échange d’un plan d’austérité et de réformes radicales.

Malgré huit grèves générales de protestation, ces mesures ont provoqué un «bain de sang social» en supprimant des milliers d’emplois publics, une vague de privatisations sans précédent et la réduction du niveau de vie et des droits sociaux des travailleurs grecs. En 2010, la population a vu ses revenus baisser de 9% et le taux de chômage officiel est passé de 9% en 2009 à plus de 13% en 2011.

Les élites capitalistes font monter la pression pour exercer leur odieux chantage sur le peuple grec; le FMI vient d’annoncer son refus de verser sa quote-part de 3,3 milliards d’euros à la Grèce tant qu’il n’y aura pas de garanties d’un remboursement de ces sommes. Le Premier ministre grec, Georges Papandréou, a affirmé quant à lui que si ces 12 milliards d’euros n’étaient pas débloqués au plus vite, la Grèce sera «en faillite» dès juillet prochain. L’octroi de cette nouvelle tranche impliquerait à nouveau des hausses des taxes, des suppressions d’emplois publics, la réduction des salaires et des privatisations.

En dépit (ou plutôt à cause) de tous les «sacrifices» déjà imposés aux travailleurs depuis plus d’un an, l’économie grecque est au plus mal, le déficit public est de 10,5% et la dette publique s’élèvera à 166% du PIB en 2012 selon les prévisions. Après que l’UE a repoussé tout scénario de restructuration de la dette grecque, les agences de notation viennent une fois de plus d’abaisser la note du pays, estimant qu’il est au bord du «default» de remboursement et qu’il n’est pas encore «apte» à demander de l’argent sur le marché, contrairement à ce qui avait été prévu il y a un an au moment du prêt accordé par l’UE et le FMI.

Autrement dit, les «marchés» et leurs laquais de la «troïka» exigent aujourd’hui d’accélérer un «remède» qui, sans surprise, s’est révélé pire que le mal. Le peuple grec a donc mille fois raison d’exiger «qu’ils s’en aillent tous!».

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Déclaration de l’Assemblée populaire de la Place Syntagma
à Athènes, 27-28 mai

Depuis longtemps, on prend des décisions pour nous, sans nous.

Nous sommes des travailleurs, des chômeurs, des pensionnés, des jeunes… Nous sommes venus sur la Place Syntagma pour lutter pour nos vies et pour notre futur.

Nous sommes ici parce que nous sommes conscients que les solutions à nos problèmes ne peuvent venir que de nous-mêmes.

Nous faisons un appel à tous les Athéniens, travailleurs, chômeurs et jeunes, pour qu’ils viennent à Syntagma et pour que toute la société remplisse les places et prenne sa vie entre ses mains.

Là, sur ces places, nous donnerons forme à nos pétitions et revendications.

Nous lançons un appel à tous les travailleurs qui vont faire grève à l’avenir pour qu’ils viennent et restent à Sintagma.

Nous ne quitterons pas les places tant que ceux qui nous ont amenés à venir ici ne seront pas partis: le gouvernement, la Troïka (FMI, Banque mondiale, Union européenne), les banques et tous ceux qui nous exploitent.

Nous leur envoyons un message: la dette n’est pas la nôtre.

Démocratie directe, maintenant!

Egalité, justice et dignité!

On ne perd une lutte que lorsqu’on ne la commence pas!

Assemblée populaire de la Place de Syntagma
Athènes, 28 mai 2011

(Traduction française pour le périodique La Gauche)

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