Royaume-Uni. Contrats «zéro heure»: ils flambent

B2B_0Par Jérémy Hebras

Selon l’Office national des statistiques (ONS) britannique, l’augmentation du nombre de contrats «zéro heure» au Royaume-Uni entre avril-juin 2014 et avril-juin 2015, a été de 19%. Dans son Rapport publié le 2 septembre 2015, l’ONS dénombre officiellement 744’000 contrats de ce type, soit 2,4% de la population active.

Les contrats «zéro heure» sont très précaires dans la mesure où ils ne garantissent ni volume horaire ni salaire minimum. Le salarié est susceptible d’être appelé la veille au soir pour travailler et son activité peut s’arrêter tout aussi brutalement. Une clause d’exclusivité peut aussi être imposée au titulaire d’un tel contrat, même si le rapport note que les entreprises interrogées n’ont pas eu recours à cette pratique. Ces contrats, dont la flexibilité est poussée à l’extrême, sont un frein pour trouver un logement, voire pour accéder à un crédit. Et ils se concentrent sur les mêmes catégories de travailleurs [1].

54% de ces contrats sont occupés par des femmes, contre 47% pour ce qui concerne tous les autres contrats (CDI, CDD…). L’ONS estime aussi à 20% la part des étudiant·e·s dans les contrats «zéro heure». Enfin, 64% de ces contrats concernent une activité à temps partiel.

On note une surreprésentation des jeunes dans les contrats «zéro heure», ainsi que des plus de 65 ans. 34% des personnes en contrat «zéro heure» sont âgés de 16 à 24 ans et 6% ont plus de 65 ans, contre respectivement 12% et 4% pour les personnes employées sous d’autres formes de contrats.

La précarité des contrats «zéro heure» se ressent aussi sur la durée de ces contrats. Sur les 744’000 personnes recensées par l’ONS, près de 300’000 ont passé moins d’un an chez le même employeur. Ce chiffre passe à 146’000 pour une durée d’un à deux ans et à 158’000 pour deux à trois ans «au service» du même patron. [Dans un document datant de mars 2015, le syndicat UNISON recensait – à partir du Labour Force Survey – la hausse du nombre de contrats n’assurant pas un minimum d’heures de travail: ils sont passés de 1,4 million en janvier 2013 à 1,8 million en août 2014.]

Certes, si l’on considère le stock de contrats zéro heure (2,4% de la population active), «il ne faut pas conclure à un raz-de-marée», nuançait, juste avant les élections britanniques de juin 2015, un économiste à l’OFCE et spécialiste du Royaume-Uni. Outre-Manche, l’emploi précaire est surtout alimenté par les self-employed (indépendants, auto-entrepreneurs…), qui représentent 15% de l’emploi total. Mais tout comme ces cohortes de non-salariés qui n’ont pas accès aux droits élémentaires des salariés (épargne retraite, assurance-chômage…) et qui ont vu leur revenu diminuer en moyenne de 20 à 25% depuis la crise économique de 2008, les salarié·e·s en contrats zéro heure ne bénéficient pas de congés payés, ni d’indemnité maladie.

L’évolution à la hausse de ces contrats zéro heure soulève des interrogations dans un contexte où les clignotants de l’économie britannique sont passés au vert. Alors que sur la même période (avril 2014/avril 2015), le Royaume-Uni enregistrait une croissance de 3% de son PIB et voyait son taux de chômage chuter de 6,4% à 5,6%, ce type d’emploi précaire ne s’est pas résorbé, ni transformé en emploi durable. Bien au contraire. Une mauvaise nouvelle pour les droits sociaux des salariés […]. (Publié dans Alteréco du 9 septembre 2015)

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[1] Selon Le Monde du 13 août 2015: «Depuis quelques semaines, le quotidien britannique The Guardian s’évertue à recenser les entreprises les plus gourmandes de zero-hours contracts. Le journal a même établi un classement des entreprises où le contrat était le plus utilisé. En tête, McDonald’s, qui emploie quelque 82’000 salariés sous ce statut précaire, soit 90% de ses effectifs. Depuis son arrivée sur le marché britannique, en 1974, McDonald’s a constamment eu recours à ce type de contrat, selon le quotidien britannique. Mais le géant américain est loin d’être la seule société mise en cause. Fin juillet, The Guardian révélait que Sports Direct, le premier vendeur d’articles sportifs de Grande-Bretagne, employait 90 % de ses effectifs – soit 2’ 000 personnes – sous le zero-hours contract. Plus surprenant, le palais royal n’échappe pas à la polémique: les 350 saisonniers de Buckingham déjà à temps partiel, sont embauchés sous ce statut.

A ce jour, le Guardian a recensé 180’000 zero-hours contracts dans le privé. Selon un rapport de la chambre des communes, les principaux secteurs concernés sont l’hôtellerie et la restauration, à l’image des chaînes de fast-food comme Burger King et Subway.

La fonction publique n’est pas en reste. La santé en est le deuxième employeur avant l’enseignement, où la part des effectifs embauchés en zero-hours contract atteignait respectivement 13% et 10% en 2011. En avril 2013, le Financial Times estimait que les hôpitaux publics de Grande-Bretagne employaient 100’000 personnes sous ce statut. Une augmentation de 24% en deux ans.»

La journaliste du Monde Claire Rainfroy ajoute: «A l’incertitude de travailler et d’être rémunéré s’ajoute l’absence de congés payés et d’indemnités maladie, auxquels le statut ne donne pas droit. Dans certains cas, en particulier pour les saisonniers du palais de Buckingham, les salariés sont interdits de travailler pour un autre employeur.» (Rédaction A l’Encontre)

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