Les travailleurs de Leroy-Somer sont en grève depuis le mercredi après-midi 17 décembre. Leroy-Somer est une entreprise qui a une présence internationale. Elle est contrôlée par la firme américaine Emerson Electric Company, basée à Ferguson, dans le Missouri! Leroy-Somer fabrique des moteurs, des alternateurs et des variateurs. C’est un fournisseur de la firme helvétique Schindler pour des modèles de treuils à câbles pour les nouveaux ascenseurs.
Leroy-Somer compte environ 2100 personnes sur Angoulême (préfecture du département de la Charente, dans la région du Poitou-Charentes). Pour le moment, il y a environ 250 grévistes qui tiennent les piquets de grève dans deux départements de la boîte (à Rabion: zone industrielle d’Angoulême et dans la Fonderie) pour empêcher l’entrée des camions et paralyser les approvisionnements et les expéditions (notamment des moteurs pour Schindler).
La grève a démarré lors du rassemblement d’une soixantaine de grévistes devant son propre Centre de Formation d’Entreprise (CFE) – créé en 1989 – où se tenait la réunion pour l’annonce de la prime d’intéressement. En fait, il n’y avait aucune prime et ça a mis le feu aux poudres. Les grévistes ont bloqué les entrées et sorties, la direction a dû s’échapper par une porte dérobée et traverser un champ (le CFE est un peu dans la campagne charentaise et c’était très humide…) pour être récupérée par un taxi. Les dirigeants «syndicaux» de la CFE-CGC (Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres), très collabos, ont, eux, été retenus plus de trois heures!
Jeudi 18 décembre la grève a donc démarré avec les piquets devant les deux départements. Elle a été reconduite pour le vendredi 19 et l’AG a décidé de continuer à occuper les portes tout le week-end des 20 et 21 décembre. Un planning a été mis en place pour que les grévistes s’inscrivent. Dimanche après-midi, les familles ont été invitées. Un premier problème: comment gérer la période de fermeture, jusqu’au 5 janvier.
C’est essentiellement la CGT qui est à l’initiative, surtout au travers des militants de base et des syndiqués combatifs. En fait, c’est le ras-le-bol qui éclate car, depuis 2008, la prime d’intéressement – qui représentait entre un 13e et même un 14e mois selon les années – a été réduite à rien.
La direction ne ramène pas trop sa fraise pour le moment. La revendication aujourd’hui, c’est un 13e mois pour tous et, dans l’immédiat, le partage non hiérarchisé de l’enveloppe de la «prime exceptionnelle de 20% du salaire brut de novembre» que veut donner la direction pour tenter de faire passer la pilule. Les NAO (Négociation annuelle obligatoire) vont commencer à la rentrée.
A noter qu’un mouvement de grève a aussi eu lieu en début de semaine, à la DCNS de Ruelle; la DCNS est groupe industriel actif dans l’industrie navale. Il est contrôlé par l’Etat français et par Thales. Le 20 décembre, la CGT du Géant Casino a organisé un débrayage de deux heures avec défilé dans l’hypermarché, pour les salaires et contre le travail du dimanche. Une cinquantaine de personnes y ont participé. Ce qui est plutôt bien. Le syndicat CGT a aussi appelé à faire grève le dimanche 21 décembre contre l’ouverture du magasin.
Le samedi matin 20 décembre, la grève se poursuit à Leroy Somer. Les piquets tiennent bien à Rabion et Fonderie avec un bon nombre de grévistes qui se relaient pour la nuit et la journée.
Des renforts sont venus de l’Union locale CGT de Ruffec en Charente, près de Cognac et Angoulème) avec des victuailles pour le repas de midi. Ce qui a donné lieu à un repas très sympa et fraternel. C’est un vrai succès pour la continuation du mouvement.
Beaucoup de discussions sur la suite du mouvement. Les plus mobilisés veulent continuer pendant les vacances pour empêcher la direction de faire des expéditions (sortie de matériels). La question: comment gérer la période du 24 décembre au 5 janvier, afin d’être dans la meilleure position pour initier les Négociations annuelles obligatoires (NAO).
La grève a été largement popularisée dans les réseaux et dans la presse et les militants syndicaux d’autres boîtes passent discuter. Donc cela s’est bien passé pour le week-end. Dimanche l’invitation aux familles à venir passer un moment a été plutôt réussie: plusieurs dizaines de grévistes sont venus en famille. Il y avait plein de gâteaux et de chocolats.
La nuit a été assurée, mais la fatigue commence à se faire sentir chez les camarades les plus investis. D’autant plus que la décision de l’AG de dimanche soir de bloquer les sites des Agriers et de Mansle a été en partie appliquée. Un piquet s’est mis en place à 1 heure du matin aux Agriers et a été tenu jusqu’à 11 heures. Il n’y avait pas grand monde qui bossait dans ce département de LS (Leroy-Somer) et peu de camions. Rassembler tous les départements est une tâche importante et assurer une permanence de responsables de même. Car, par exemple, un directeur a sollicité un responsable syndical pour lui demander de laisser sortir deux «colis» (des gros moteurs électriques) pour les livrer à un client «qu’on risque de perdre si on ne le fait pas».
Le camarade a réuni aussitôt celles et ceux qui étaient aux piquets pour prendre leur avis. Petite discussion et vote unanime à main levée pour ne pas laisser entrer la camionnette. Argument simple: «Nous c’est notre boulot qu’on risque de perdre»! C’est le seul moment où la direction a donné signe de vie. Même les journalistes ne peuvent pas avoir d’entretien avec eux. Demain ça continue et il y aura sans doute un peu de monde pour réveillonner le 25 décembre.
La direction a fait une «ouverture». Les grévistes se sont réunis avant de donner suite à cette démarche patronale. Ils ont établi leurs revendications: répartition égalitaire de la prime d’intéressement, augmentation des salaires de 100 euros par mois au 1er janvier, ouverture des discussions pour le 13e mois et paiement des jours de grève. Une Assemblée générale a voté ces revendications à l’unanimité.
Les militants CGT ont annoncé, par téléphone, cette décision au patron en précisant que si des discussions devaient se tenir, c’était sur le lieu de la grève à la fonderie. Il n’était pas question qu’une délégation syndicale se rende au siège de la boîte. Du coup, plus aucune nouvelle de la Direction… Les copains rigolaient car le patron se désolait au téléphone: «Vous n’allez pas passer Noël à l’usine, dehors dans la rue, pensez à vos enfants.» Les copains lui ont répondu c’était ça qui allait se passer et qu’il en était seul responsable et qu’il y avait les moyens de l’éviter en nous donnant satisfaction. Manifestement Leroy-Somer ne s’attendait pas à autant de détermination chez les grévistes.
Ultime manœuvre: la direction a fait intervenir le Medef (organisation patronale) auprès de l’Union départementale CGT. La représentante patronale a été pleurer auprès de la secrétaire de l’UD sur le sort de ces travailleurs qui allaient passer la Noël devant l’usine. Plus politique, elle a ensuite fait part de ses craintes de voir le mouvement des Leroy donner des idées dans les autres boîtes…
La secrétaire de la CGT lui a répondu que ce n’était pas elle qui décidait mais les grévistes et que donc elle ne pouvait rien pour elle.
Ce soir, une délégation du PCF est passée et a remis force panières d’huîtres, foie gras, fromage et fruits pour le réveillon. Hier un responsable PCF avait déjà remis 500 euros aux grévistes en soutien. Ceci dit, pas mal de gars de boîtes passent discuter (DCNS, SAFT, Renault, EDF, Schneider, copains de Sud Solidaires, etc.) et les travailleurs de Leroy-Somer apprécient beaucoup. (25 décembre 2014)
Tous les messages de solidarité des syndicalistes de Suisse peuvent être envoyés à l’adresse d’A l’Encontre: redaction@alencontre.org
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