Par Christophe Forcari
La présidente du Front national vient de se découvrir une nouvelle marotte: l’écologie. Mais pas celle des «ayatollahs verts» dénoncée par le parti d’extrême droite, encore moins celle de «l’écologie radar, punitive et fiscaliste». La défense de l’environnement version Marine Le Pen ne peut être que tricolore. Dans le cadre de son Rassemblement bleu Marine (RBM), elle lance ce mercredi un nouveau collectif dédié à l’écologie – après ceux destinés aux enseignants, aux jeunes entrepreneurs et à la jeunesse.
Ce Collectif Nouvelle Ecologie, «pour une écologie patriote», sera conduit par le conseiller économique de Marine Le Pen, Philippe Murer, ancien membre du PS passé chez les souverainistes de Debout la République (de Nicolas Dupont-Aignan) et qui a débarqué en mai au Front national. Economiste, Philippe Murer est proche de Jacques Sapir, plutôt classé à gauche [toutefois assez complaisant face à la Russie] mais cité par les anti-euro de toutes obédiences.
Objectif: teinter de vert le programme de la candidate à la présidentielle de 2017, alors que la défense de l’environnement ne constituait pas une des priorités du Front national – où l’écologie se limitait à la défense des paysages, des animaux (souvent d’ailleurs pour mieux s’en prendre à l’abattage rituel) et à celle du peuple français, cette «espèce à protéger» face «aux dangers provoqués par l’immigration massive».
Auteur du livre la Transition énergétique: une énergie moins chère, un million d’emplois créés (éd. Mille et Une Nuits), Philippe Murer a pour mission de réconcilier le développement durable avec la ligne sociale-étatiste prônée par la présidente du FN et son protectionnisme ciblé. Selon lui, «la financiarisation de l’économie et la mondialisation sont très loin d’être propices à l’écologie. Ils privilégient le jetable sur le durable. La mainmise du financier dans la sphère économique ne permet pas de financer des projets de développement durable».
Se défendant d’avoir rejoint les rangs d’un parti d’extrême droite, Murer estime que «la nation est le cadre le plus propice à l’adoption de réglementations favorables à l’écologie. La France doit réaliser sa transition énergétique, ce qui entraînera d’autres pays par l’exemple».
Si la lutte contre le réchauffement climatique se mène à l’échelle de la planète, Philippe Murer juge que, pour réaliser sa transition énergétique, la France doit retrouver son indépendance monétaire et la maîtrise de ses frontières douanières. Une écologie souverainiste qui, par conséquent, défend la filière nucléaire et l’exploitation des gaz de schiste, au nom de l’indépendance énergétique de la France. Et, à défaut d’arrêter la pollution aux frontières et de repousser les gaz à effet de serre hors de l’espace Schengen, les défenseurs de cette écologie patriote veulent croire aux vertus d’un exemple national entraînant les autres nations.
«Il faut produire en France et produire local pour consommer local», explique, de son côté, Eric Richermoz, adhérent du Front national de la jeunesse (FNJ) et secrétaire général du nouveau collectif, à 21 ans. «La relocalisation de l’économie vise à réintégrer celle-ci dans le social. C’est maîtriser une économie de subsistance. Le localisme par la base n’est pas très éloigné du survivalisme si l’on considère que le système économique va s’effondrer et que la survie se fera alors à la base», explique quant à lui Laurent Ozon, fondateur du club Maison commune et chargé des questions écologistes auprès de Marine Le Pen de 2010 à 2011 – avant d’être exclu du FN pour avoir tenté d’expliquer les causes qui avaient pu pousser Anders Breivik, le tueur d’Oslo, à commettre ses massacres [1]. Il évolue depuis dans la sphère identitaire.
La défense des circuits courts et des productions locales font également partie des chevaux de bataille des écologistes d’appellation d’origine contrôlée d’EE-LV. «Sauf qu’EE-LV porte un projet idéologique qui tend à mettre l’écologie au-dessus de tout alors que, pour moi, l’écologie doit se conjuguer avec tout», lance Murer, défenseur de la nation traditionnelle française et opposé au «multiculturalisme».
Pour autant les deux responsables du nouveau collectif rejettent tout retour à une vision de l’écologie telle qu’elle avait été définie dans les années 80 par la nouvelle droite. Cette dernière considérait que la défense du peuple et de ses origines, celle des «Français de souche», était la première cause écologiste et donc que «tout était identitaire», souligne Laurent Ozon [2].
«Nous voulons faire entendre une autre voix sur l’écologie», assure plus modestement le jeune Richermoz. Une voix qu’il s’agira de faire cohabiter avec le productivisme patenté du Front national. Un parti capable de défendre à la fois la qualité de l’air et le droit à utiliser sa voiture en toutes circonstances. Un parti dont la chef, dans son programme présidentiel de 2012, ne faisait mention ni du réchauffement climatique ni de la transition énergétique. (10 décembre 2014; publié dans Libération)
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[1] Le tueur norvégien Anders Behring Breivik, qui avait assassiné 77 personnes – des jeunes socialistes pour l’essentiel – en 2011, affirme vouloir créer un parti politique «fasciste» pour porter son combat dans le système démocratique auquel il assure s’être converti, dit-il vendredi 5 septembre 2014. Dans une lettre de 33 pages, il lance «un ultimatum» au ministère norvégien de la Justice, qu’il accuse de l’empêcher de fonder le Parti fasciste norvégien et la Ligue nordique. (Réd. A l’Encontre)
[2] En date du 30 décembre 2019, cinq après la publication de l’article ci-dessus, repris de Libération comme indiqué, Laurent Ozon a fait parvenir au site A l’Encontre la remarque suivante: «Contrairement à ce que vous [Christophe Forcari de Libération] écrivez, je n’ai jamais écrit (ni d’ailleurs pensé) que «tout est identitaire».
La rédaction de A l’Encontre espère que cette «rectification», au titre de «droit de réponse légal», a aussi été communiquée par son auteur à la rédaction de Libération. (Réd. A l’Encontre)
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