Allemagne. Die Linke: un premier de classe… impopulaire

Par Ines Schwerdtner

Il est extrêmement rare que le leader du FDP (Freie Demokratische Partei), Christian Lindner, soit d’accord avec le Parti de gauche (Die Linke). Dans le talk-show de Sandra Maischberger sur la chaîne ARD, Christian Linder a cependant dû admettre que Die Linke veut alléger la charge fiscale qui pèse sur les revenus moyens et que, en principe, ce n’est pas du tout une mauvaise idée. La coprésidente [depuis le 27 février 2021] de Die Linke, Janine Wissler, n’a pas seulement précisé dans le programme que son parti soulagerait la plupart des habitants du pays; elle a également reproché à Lindner ses positions contradictoires sur le frein à l’endettement et les investissements.

Des instituts tels que le Centre Leibniz pour la recherche économique européenne (ZEW) sont d’accord avec la tête de la liste rouge: avec la gauche au gouvernement, la charge sur les revenus faibles et moyens serait réduite et le budget national serait augmenté de 36,8 milliards d’euros. Avec les libéraux (FDP), en revanche, le budget de l’Etat serait allégé de 87,6 milliards d’euros, selon le ZEW. En outre, ce sont surtout les hauts revenus qui bénéficieraient d’un gouvernement sous direction du FDP.

Comment se peut-il qu’un parti de hauts revenus, avec son programme contradictoire, obtienne actuellement 12 % des voix, dans les sondages, et puisse devenir le faiseur de roi dans une coalition de type Jamaïque (CDU, CSU et FDP) ou de type feu tricolore (SPD, Verts et FDP)? En tout cas, cela ne peut pas être dû à sa compétence économique. Mais peut-être est-ce dû à un vide politique lors de la crise du coronavirus, que le FDP a habilement utilisé pour critiquer le gouvernement sur les questions de fond.

Die Linke, en revanche, a semblé partiellement inoffensif pendant la pandémie, mais ce parti a travaillé avec diligence sur des concepts aptes à être mis en œuvre. Il y a peu de temps, le chef du groupe parlementaire, Dietmar Bartsch, a présenté un plan pour un impôt équitable sur le revenu. Une semaine avant, Jörg Schindler– qui dirige la politique du parti à l’échelle fédérale – a parlé d’un nouveau concept d’Etat-providence, et une semaine avant d’un programme d’emplois liés à la crise climatique. Des concepts présentés à un rythme hebdomadaire. Et même la presse, par ailleurs plutôt dédaigneuse, est d’humeur positive.

Par rapport au FDP, qui peut flirter avec les coalitions, Die Linke n’a aucune option de pouvoir gouvernemental. Bien qu’une coalition rouge-rose-verte (Die Linke, SPD, Verts) soit concevable au niveau du gouvernement fédéral – et actuellement également possible en termes mathématiques – politiquement, aucun parti à part Die Linke n’est prêt à s’engager sur ce terrain. Et même Die Linke devrait, pour rester crédible, soumettre sa participation à l’établissement des lignes rouges strictes en matière de politique étrangère et de mesures de politique sociale. En particulier sur la question des missions étrangères de l’armée, leur position – comme le montre aujourd’hui l’Afghanistan – a fait ses preuves. Cependant, cela rend la perspective plus difficile pour le SPD et les Verts, car les conflits sont préprogrammés. En termes de politique gouvernementale, ils préfèrent se déplacer vers le centre plutôt que d’expérimenter avec la gauche.

Le problème du parti Die Linke pourrait donc être qu’il est utile mais qu’il n’a pas de bons arguments pour cela. Il est le premier de la classe, mais personne ne veut avoir affaire avec lui. En outre, les personnes peu intéressées et les abstentionnistes ne voient pas non plus une alternative dans Die Linke. Il est peut-être temps que Die Linke convainque non seulement les instituts scientifiques et les journalistes, mais aussi ceux qui bénéficieraient grandement de ses propositions politiques: la majorité de la société, mais surtout ceux qui sont au bas de l’échelle. Die Linke aurait alors une base d’adhésion supérieure aux 7% actuels et pourrait intégrer ses propositions dans les négociations pour une coalition, au lieu de les laisser à nouveau disparaître dans un tiroir. (Article paru sur le site de l’hebdomadaire Der Freitag du 18 août 2021; traduction de la rédaction de A l’Encontre)

Ines Schwerdtner est rédactrice en cheffe du magazine Jacobin.

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