Allemagne. Record des exportations et hausse du travail précaire

Par Simon Zeise

En dépit de la plus grande crise économique depuis la Seconde Guerre mondiale, le capital allemand poursuit impitoyablement sa course à l’exportation. En 2021, les exportations des groupes de l’AllemagnDute ont atteint un nouveau niveau record. Par rapport à l’année précédente, les exportations ont augmenté de 14% pour atteindre une valeur marchande de 1375 milliards d’euros. Selon les données de l’Office fédéral des statistiques publiées mercredi 9 février, elles dépassaient même de 3,6% le niveau de l’année 2019, avant la crise.

Les excédents élevés de la balance des paiements courants ont été arrachés par une concurrence exacerbée. Les emplois précaires sont le revers de la médaille des bénéfices exorbitants des entreprises. L’année dernière, le nombre de minijobs [soit des «emplois» rémunérés 450 euros par mois, de courte durée: de 2 mois ou 50 jours calendrier par an] a augmenté de 7,4%, a annoncé mercredi la «Minijobzentrale». A la fin de l’année 2021, plus de 6,2 millions de ces travailleurs et travailleuses précaires étaient déclarés, soit une augmentation de plus de 430’000.

Les Etats membres de l’UE ne peuvent pas rivaliser avec le faible niveau des salaires en Allemagne. En effet, la constitution néolibérale de la zone euro les empêche de respirer: ils ne peuvent pas dévaluer leur monnaie et, pour assurer leur «compétitivité», ils doivent réduire les salaires et les dépenses sociales, autrement dit opérer une «dévaluation interne».

La France, deuxième puissance économique de l’UE après l’Allemagne, ressent de plus en plus la pression. Le ministre français des Finances Bruno Le Maire a déploré mardi février que le déficit de la balance commerciale, qui s’élève désormais à 84,7 milliards d’euros, soit «comme une tache noire sur l’économie». Bruno Le Maire ne voit comme solution qu’un remède de cheval néolibéral: il est urgent de remettre les finances publiques «à l’endroit».

Martin Höpner, directeur du Forschungsgruppe Politische Ökonomie der europäischen Integration [groupe de recherche sur l’économie politique de l’intégration européenne] à l’Institut Max Planck de recherche sur la société, craint que les excédents allemands ne continuent même à augmenter à moyen terme. «Les nouveaux chiffres prouvent que même la crise pandémique n’a pas eu raison des excédents de la balance des paiements courants allemande. L’ordre de grandeur pour 2021 est de près de 7% du PIB», a déclaré Höpner mercredi à jungeWelt. La pression inflationniste actuelle dans la zone euro pourrait permettre au capital exportateur allemand de réaliser de nouveaux gains. Enfin, seuls des accords salariaux «très modérés» ont été conclus en Allemagne en 2021, surtout dans le secteur public. Il reste à voir si d’autres pays suivront l’Allemagne sur ce point. «Si ce n’est pas le cas, des taux d’inflation différents pourraient se pérenniser à moyen terme dans la zone euro», a expliqué Martin Höpner. «Cela donnerait aux exportateurs allemands des avantages supplémentaires en termes de coûts. Si cela se produit, la zone euro sera confrontée à une épreuve qui pourrait se transformer en une nouvelle crise de l’euro.»

Le ministre des Finances Christian Lindner (FDP) a continué d’attiser la crise mardi soir. Lors de l’assemblée annuelle de la Deutsche Bank, il a rejeté un assouplissement du pacte de stabilité de l’UE [ensemble des critères que les Etats de la zone euro doivent respecter en termes de budget, de déficits publics, etc.]. Il n’est pas judicieux d’y toucher et cela enverrait un très mauvais signal, a déclaré Christian Lindner. Il a insisté en outre pour que le «frein à l’endettement» soit à nouveau respecté à partir de 2023. Pour cela, il faut fixer des priorités. «Tout ce qui serait souhaitable ne pourra pas être financé immédiatement. Nous devons nous concentrer sur l’essentiel.» [Une rhétorique aisément compréhensible par le capital helvétique.] (Article publié sur le site jungeWelt, le 10 février 2022; traduction rédaction A l’Encontre)

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