Par Jean-Pierre Boillat
En conclusion de son ouvrage, l’auteur affirme que «la nouvelle édition historique des œuvres de Marx, dite MEGA 2, permet de reconstituer le parcours dans lequel (…) Marx structure progressivement sa pensée écologique comme critique du capitalisme. (…) Elément constitutif de la critique de l’économie politique, sa théorie écologique peut de façon cohérente être déduite de sa théorie de la valeur, et logiquement, son projet socialiste inclut sans aucun doute possible la remise en état d’un métabolisme social et naturel gravement perturbé sous le capitalisme».
Trois chapitres structurent la première partie du livre, intitulée «Ecologie et économie». Dans le premier, l’auteur met au jour la conviction de Marx qu’il faut analyser «l’aliénation de la nature comme genèse de la modernité». Le sol devient une marchandise, les producteurs perdent tout lien avec la terre et sont séparés de leurs moyens de production d’origine. Ce tournant dans la relation de l’être humain à la terre permet de comprendre la spécificité du mode de production moderne.
Dans le chapitre consacré au métabolisme de l’économie politique, Kohei Saïto montre, au travers de l’analyse de différents textes de Marx, que la nature est bien la substance de toute richesse. Pourquoi? Parce que tout ce qui vit sur terre est obligé d’échanger avec son environnement. N’est-ce pas ce que l’on nomme aujourd’hui «écologie»?
A la fin du chapitre 3, intitulé «Le Capital comme théorie du métabolisme», l’auteur constate qu’aujourd’hui la mission historique du capitalisme, c’est-à-dire «le développement des forces productives», s’est réalisée. Une nouvelle étape doit être franchie dans le sens de la liberté et du développement des capacités humaines. Les écrits de Marx nous montrent que cette transition vers une nouvelle période de l’histoire de l’humanité ne peut s’effectuer automatiquement: elle requiert une théorie et une pratique socialistes.
Dans une deuxième partie, l’auteur analyse diverses polémiques que les écrits de Marx sur le thème de l’écologie ont suscitées.
Sganarelle, le personnage de comédie créé par Molière tire son nom du verbe italien «sganare», qui veut dire dessiller les yeux. En remettant à l’ordre du jour ces écrits de Marx, Kohei Saïto montre que leur auteur n’est pas ce productiviste prônant la maîtrise de la nature par les humains. Il nous aide à ouvrir les yeux et à imaginer une sortie du capitalisme dans lequel nous mijotons à feu plus ou moins doux. (Novembre 2021)
L’ouvrage, 350 pages, a été co-édité par les Editions Page 2 et Syllepse. Il est paru en juillet 2021.
Oui,
La fin de la nature (l’aboutissement de l’anthropocène) ne signifie pas la suprématie de l’humanité,le contrôle par l’homme sur la nature, mais la défaite, la déroute, l’incapacité de la société humaine à contrôler, à SE contrôler, donc la fin de l’humanité actuelle, un basculement vers une ère géologique (la logique de Gaïa) débarassée de l’illogique, de la démente et délétère humanité : est-il encore envisageable de remettre en état une homéostasie fonctionnelle de la planète avec l’espèce humaine telle qu’elle s’est révélée bornée ??