Débat. «Défendre et transformer: mobiliser les travailleurs et travailleuses pour la justice climatique»

Par Jeremy Anderson

La mobilisation du mouvement syndical mondial en faveur de la justice climatique et de la transition juste [1] est l’un des défis majeurs de notre époque. Cependant, pour les travailleurs et travailleuses de nombreux secteurs, il n’est pas clair comment les questions climatiques les affecteront spécifiquement, et comment ils devraient y répondre. Jusqu’à présent, une grande partie du débat sur la transition juste s’est concentrée sur les travailleurs des industries qui font (et feront) face à des pertes d’emploi. Ce type de luttes est important. Mais pour construire une vision de transformation structurelle capable de mobiliser les travailleurs de tous les secteurs, partant de la base, nous devons intégrer un plus large éventail de branches d’activité.

Dans cet article, j’aborderai trois questions. Premièrement, j’expliquerai pourquoi la justice climatique et la transition juste sont des questions fondamentales pour le mouvement syndical. Deuxièmement, je passerai en revue les débats sur la transition juste, et en particulier le contraste entre les approches axées sur les travailleurs et les approches de transformation structurelle. Je soutiendrai que nous devons construire un pont entre les deux perspectives, en particulier dans les scénarios où il est important d’engager les travailleurs et travailleuses sur l’avenir de leurs industries spécifiques. Troisièmement, j’analyserai trois scénarios différents du secteur des transports qui illustrent les divers défis auxquels les travailleurs sont confrontés: les transports publics comme exemple d’expansion d’un secteur, l’aviation comme exemple de contraction d’un secteur et le transport maritime comme exemple d’adaptation.

Justice climatique et transition juste

Se mobiliser pour la justice climatique signifie s’attaquer à l’immense menace du réchauffement de la planète et du changement climatique d’origine humaine (anthropocène). Le consensus scientifique présenté par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est clair. L’augmentation de la température moyenne doit être contenue à 1,5 degré, sinon nous risquons une perte massive de vies humaines et une extinction massive d’autres espèces. Pour rester dans la limite de 1,5 degré, les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent diminuer de 45% d’ici à 2030, et atteindre un niveau net nul d’ici à 2050.

Jusqu’à présent, la réponse de toutes les sociétés, mais surtout celles des grands pays capitalistes du «Nord», a été nettement insuffisante. Mais le rapport révèle que bien que la majorité des pays représentés aient revu leurs ambitions à la hausse pour atteindre les objectifs d’émissions de CO2, leur impact combiné ne suffit pas. L’ONU Environnement affirme ainsi qu’ils sont «en route pour atteindre seulement 1% de réduction des niveaux d’émissions d’ici à 2030 comparé aux niveaux de 2010». Nous devons agir plus rapidement, et il y a quatre raisons pour lesquelles il s’agit d’une question syndicale.

La première raison est claire: la menace pour la vie et les moyens de subsistance signifie qu’il s’agit d’une question de justice sociale fondamentale.

La deuxième raison est la transition juste. La justice sociale et une bonne vie pour tous dans le présent sont aussi importantes que la préservation de la vie dans le futur. Alors que les sociétés s’efforcent de faire face à la crise climatique, leurs structures fondamentalement inégales seront aggravées, et les moins privilégies en souffriront davantage. Dans le secteur des transports, les menaces pour la sécurité que représentent les turbulences croissantes dans le ciel et les tempêtes en mer ne sont que deux exemples de la manière dont les travailleurs sont en première ligne des nouveaux risques créés par le réchauffement climatique.

La troisième raison est que la justice climatique ne peut être atteinte que par une action de masse des travailleurs et du mouvement syndical. La crise climatique ne peut être affrontée qu’avec l’engagement croissant des travailleurs et des collectivités.

Le grand écart ici est le rôle vital que les travailleurs devront jouer pour que la transition fonctionne dans la pratique. Comme nous l’avons vu lors de la pandémie de Covid-19, les compétences et l’expertise de nombreux travailleurs et travailleuses sont sous-évaluées et négligées. La transition vers la décarbonation dans de nombreux secteurs sera difficile. Il sera nécessaire de faire appel à ces compétences pour que la transition fonctionne dans la pratique. Les travailleurs organisés sont le meilleur moyen de mobiliser ces compétences. Les syndicats doivent donc mettre leurs membres au courant de ces questions et actifs sur ces thèmes.

A l’heure actuelle, le rôle actif des travailleurs est largement négligé dans les approches politiques dominantes, en particulier dans le contexte des politiques néolibérales ayant trait au rôle de l’Etat et du capital, mais aussi dans les alternatives de gauche telles que la décroissance et les nouveaux contrats verts (Green New Deal). Bien que les alternatives de gauche tentent de prendre en compte les résultats inégaux auxquels les travailleurs sont confrontés, elles n’ont pas fait assez pour conceptualiser le rôle actif des travailleurs et travailleuses dans la réalisation d’une transition juste.

La quatrième raison est que la transition juste est l’un des principaux champs de bataille pour la construction d’une société plus juste. Il ne s’agit pas seulement de défendre ce que les classes laborieuses possèdent actuellement. Depuis la crise financière de 2008, nous sommes confrontés à un paradoxe. Les fondements économiques, politiques et intellectuels du néolibéralisme se sont effondrés, et pourtant, en l’absence d’une alternative convaincante, le néolibéralisme continue d’envahir la vie économique et sociale. La crise climatique est un choc externe qui fait basculer la société vers un système différent, mais le type de système reste indéterminé.

Si les syndicats sont actifs dans le domaine de la justice climatique, nous pouvons faire en sorte que la transition transforme nos sociétés en quelque chose de plus juste, de plus attentionné et de plus égal. Mais les syndicats ont besoin de plus que des idées audacieuses et des politiques intelligentes. Nous devons également trouver des moyens d’engager et de mobiliser nos nombreux membres. Etre présent à la table des décisions est une chose; nous devons également y apporter un rapport de force, un pouvoir.

Pour les syndicats, la politique de transition juste ne se limite donc pas à la protection des travailleurs et des collectivités. Il s’agit également de savoir comment mobiliser les travailleurs pour qu’ils agissent sur les questions climatiques. Jusqu’à présent, les débats sur la transition juste ont suggéré deux manières différentes d’y parvenir: l’approche centrée sur les travailleurs et l’approche en termes de changement de système.

L’approche centrée sur les travailleurs versus l’approche de la transformation structurelle

L’approche centrée sur le travailleur part du point de vue de l’atténuation des impacts sur des groupes particuliers de travailleurs dans des branches d’activité particulières. Une grande partie du débat sur la transition juste a porté sur les travailleurs qui risquaient de perdre leur emploi. Il s’est souvent concentré sur ceux des mines de charbon ou d’autres secteurs d’extraction de combustibles fossiles. Les travailleurs de ces secteurs ont déjà perdu leur emploi ou risquent de le perdre à l’avenir.

Les syndicats ont proposé un certain nombre de solutions différentes pour atténuer les pertes d’emplois, allant de la recherche d’un report de la fermeture aussi longtemps que possible (comme dans l’industrie charbonnière allemande – Galgóczi, 2020), à la négociation de l’accès à des programmes de reconversion, au redéploiement vers d’autres emplois – éventuellement avec des garanties sur les niveaux de salaire, les niveaux de compétences, les droits syndicaux et les forfaits de réinstallation – et à des compensations en argent. Les directives de l’OIT sur la transition juste fournissent également un cadre qui souligne l’importance du «dialogue social» dans un cadre tripartite (OIT, 2015).

L’une des principales faiblesses de toutes ces mesures est qu’il est difficile de garantir que les travailleurs et travailleuses occupant un emploi syndiqué recevront un emploi équivalent au même niveau de compétences. En raison des facteurs complexes qui composent la vie professionnelle, il est peu probable qu’ils se retrouvent dans une position similaire en termes de revenus, de conditions de travail et de satisfaction professionnelle. C’est particulièrement le cas dans les industries qui sont fortement liées à des régions géographiques spécifiques.

En raison de ces difficultés, les travailleurs de certaines industries ont peu confiance dans les mesures de transition juste. Des études montrent que dans certains lieux et certaines professions, la transition juste suscite une réaction négative chez les travailleurs, car ils la considèrent comme synonyme de destruction de leurs moyens de subsistance et de leur mode de vie, sans rien de comparable pour les remplacer (Cha et al. 2020).

Certains affirment que nous avons besoin d’un programme beaucoup plus ambitieux pour transformer l’économie dans son ensemble. Selon ces arguments du changement structurel, il n’est tout simplement pas possible de trouver des solutions viables si nous considérons ces industries de manière isolée. La seule façon de relever le double défi de la décarbonation rapide de l’économie et du plein emploi est de construire un système entièrement nouveau.

Sweeney et Treat (2018), de Trade Unions for Energy Democracy, plaident en faveur d’une approche fondée sur un pouvoir social qui implique de s’éloigner résolument du modèle économique néolibéral fondé sur des incitations à l’investissement du secteur privé. Au lieu de cela, selon eux, nous avons besoin d’un changement radical dans le domaine de la propriété, le contrôle et l’investissement publics, car c’est la seule façon d’atteindre les objectifs de décarbonation. En outre, ce n’est qu’en pensant à la transition juste au niveau du système, par opposition aux besoins de secteurs spécifiques de travailleurs, que nous pourrons générer les changements nécessaires à la construction d’une économie durable capable d’offrir des moyens de subsistance décents à l’ensemble des classes laborieuses.

Les arguments en faveur d’un Green New Deal suivent une logique similaire. Il existe de nombreuses versions différentes du Green New Deal, mais toutes impliquent une vision du changement structurel basé sur l’investissement de l’Etat dans les industries prioritaires (décarbonation), et l’affirmation du contrôle démocratique du financement public. Dans les versions les plus favorables aux travailleurs, des versions impliquent des exigences en matière de création d’emplois avec des normes de travail assurées, y compris en termes de politique salariale (Cnuced, 2019).

Selon cette ligne d’argumentation, nous devons penser à la transition juste pour la société dans son ensemble, et ne pas nous laisser piéger par des perspectives sectorielles qui nous empêchent de voir la situation dans sa globalité. Les visions de changements structurels audacieux sont importantes pour engager les travailleurs dans une mobilisation pour la justice climatique. Des problèmes surgissent toutefois si la vue d’ensemble devient trop abstraite et trop éloignée de la réalité des emplois existants et des identités professionnelles des travailleurs, qui sont souvent au cœur de la mobilisation syndicale.

Le problème réside en partie dans le fait que les débats sur la transition juste se sont fortement concentrés sur les travailleurs confrontés à la fermeture ou à la contraction d’un secteur. Les travailleurs d’autres secteurs sont confrontés à des scénarios tout à fait différents, qui exigent à leur tour des réponses stratégiques différentes.

La transition juste au-delà du scénario de fermeture de secteurs

En plus du scénario de fermeture de branches d’activité, je pense qu’il y a quatre autres scénarios qu’il est important de comprendre. La contraction de l’industrie s’applique à des secteurs tels que l’aviation, qui pourrait devoir se réduire afin d’atteindre ses objectifs à court terme. L’adaptation s’applique à des secteurs tels que le transport maritime, qui doivent continuer, mais qui peuvent nécessiter une base technologique et structurelle différente. Les secteurs d’activité où une expansion sera nécessaire sont, par exemple, les transports publics, où la décarbonation nécessite davantage de bus et de trains et moins de trajets en voiture particulière. Le développement de nouveaux secteurs concerne par exemple les parcs éoliens solaires et offshore, qui sont récemment récents et dans lesquels n’existent pas des normes établies en matière de rapports de travail définis. Nous ne traiterons pas ici ce quatrième scénario.

Les scénarios mentionnés ne sont pas strictement limités: il y a des chevauchements entre les différents scénarios. Les travailleurs de l’aviation, par exemple, peuvent être confrontés à la fois à une contraction, à une adaptation et à une expansion. Mais il est important d’identifier ces différents défis afin que les travailleurs puissent faire le lien entre la transition et leur propre expérience.

Dans des scénarios tels que la contraction, l’adaptation et l’expansion de la branche d’activité, nous devons jeter un pont entre les approches axées sur les travailleurs et les approches propre aux transformations structurelles d’apparence plus abstraite. Un thème commun qui relie ces différents secteurs est l’importance de la mobilisation des identités professionnelles. Contrairement à ce qui se passe dans un scénario de fermeture d’une branche d’activité, ces secteurs continueront à fonctionner sous une forme ou une autre, et leurs travailleurs peuvent avoir de fortes identifications avec ces industries. Si nous esquissons une vision de la façon dont ces branches peuvent fonctionner de manière durable à l’avenir, cela peut créer un pont entre la focalisation étroite de l’approche axée sur les travailleurs et l’approche plus abstraite de la transformation du système.

Un pont

Le travail de l’ITF (International Transport Workers’ Federation) dans le secteur des transports publics est un bon exemple de ce genre de pont. La Politique populaire des transports publics (PPTP) de l’ITF préconise la décarbonation par le développement des services de transport public et un transfert modal de la voiture particulière vers le bus et le train, ainsi qu’une meilleure prise en charge de la marche et du vélo. Elle met l’accent sur la valeur d’usage social des transports publics, notamment l’accès aux transports publics pour tous les groupes sociaux, ainsi que sur un changement politique et économique décisif avec des recours à l’investissement et à la propriété publics. Enfin, elle appelle à des normes de travail élevées, qualifiées et à des bonnes conditions de travail.

La PPTP est une proposition forte pour les travailleurs et les collectivités. Elle associe la décarbonation à la sécurité de l’emploi, à des normes de travail élevées et à la propriété publique. Toutefois, les travailleurs du secteur n’auront pas automatiquement accès à de bons emplois et à des normes assurées. Des exemples actuels dans des villes telles que Bogota et Manille démontrent les risques pour les travailleurs de ces secteurs. Le remplacement de la flotte actuelle de minibus par de nouvelles versions électriques peut jouer un rôle majeur dans la réduction des émissions. Mais les gouvernements et les employeurs cherchent à licencier les travailleurs existants et à faire venir une nouvelle main-d’œuvre. Dans ces villes, les syndicats luttent pour le droit des travailleurs actuels à conserver leur emploi et à garantir une transition équitable.

Même avec ces luttes, le fait que les travailleurs des transports publics se trouvent dans un scénario d’expansion du secteur signifie qu’ils ont des avantages stratégiques par rapport aux travailleurs d’autres secteurs. L’aviation, en revanche, est l’un des secteurs où il est le plus difficile d’intégrer les travailleurs à une transition juste. L’aviation émet plus de gaz à effet de serre que tout autre mode de transport. Il existe des défis technologiques majeurs pour réduire les émissions, et le secteur a été lent à investir dans la décarbonation. Il faudra attendre au moins 20 à 30 ans pour voir apparaître des technologies révolutionnaires telles que les carburants à l’hydrogène et les avions à batterie. Les options à plus court terme telles que l’amélioration de la conception des avions, les carburants alternatifs et l’électrification des opérations aéroportuaires pourraient réduire les émissions. Mais la rapidité avec laquelle ces changements peuvent être introduits est incertaine.

Tout cela fait que l’avenir des travailleurs de l’aviation est incertain et qu’ils craignent de perdre leur emploi. L’aviation est devenue une cible symbolique pour les mouvements sociaux et les ONG qui appellent à une réduction radicale du secteur. Cette critique a créé un état d’esprit défensif chez certains salarié·e·s du secteur de l’aviation, qui ont déjà été confrontés à des attaques systématiques sur les conditions de travail au cours des deux dernières décennies.

Le secteur de l’aviation reste fortement syndiqué dans certains pays. Il s’agit également d’une industrie qui a une valeur d’usage social et qui ne peut être facilement remplacée. Afin de mobiliser les travailleurs de l’aviation pour la justice climatique, nous avons besoin de plus qu’un récit de transformation structurelle de l’économie. Nous avons besoin d’une vision de ce à quoi pourrait ressembler un secteur de l’aviation durable, avec de bons emplois syndiqués et une plus grande démocratie sur le lieu de travail. Cette vision nécessitera certains changements structurels, tels que le transfert de certains vols court-courriers vers des modes de transport à plus faibles émissions, comme le rail, ce qui pourrait entraîner une diminution des emplois par rapport aux niveaux d’avant le Covid-19. Elle pourrait également impliquer des changements dans les emplois existants afin de refléter une plus grande utilisation des technologies de réduction des émissions, comme l’électrification des opérations aéroportuaires et la production de carburants alternatifs. Le point essentiel est que nous devons montrer qu’il existe un chemin vers une industrie durable, afin que les salarié·e·s puissent voir où ils s’intégreront.

L’une des raisons pour lesquelles nous devons illustrer la voie vers une industrie aéronautique durable est l’importance des identités professionnelles. L’identification des travailleurs à leur profession ou à leur secteur a longtemps été une arme à double tranchant pour le mouvement syndical. Par exemple, l’identification du personnel de cabine en tant que salarié·e·s de l’aviation peut générer de puissantes solidarités entre eux, tant au niveau national qu’international. Dans le même temps, elle peut également les empêcher de voir au-delà de la perspective de leur secteur. Le mouvement syndical doit souvent trouver un équilibre entre ces tensions, en particulier lorsqu’il s’agit de justice climatique et de transition juste. Il est important de montrer la voie vers une industrie aéronautique durable afin de mobiliser l’identification des salarié·e·s à leur secteur, ainsi que les solidarités qui se sont créées autour de lui.

Le transport maritime représente un autre défi, celui de l’adaptation. Le transport maritime a un accès technologique plus directe vers la décarbonation. Sur le plan technologique, il est plus facile de développer des méthodes de propulsion alternatives en mer que dans les airs. De plus, tout le monde s’accorde à dire qu’il est important de maintenir le secteur du transport maritime afin de transporter des marchandises essentielles aux besoins sociaux. Cependant, la nécessité de décarboner le transport maritime est tout aussi urgente: 80% des marchandises dans le monde sont transportées par voie maritime, et les émissions du transport maritime se situent à un niveau similaire à celui de l’aviation. En outre, les gouvernements et les employeurs ont mis du temps à fixer des objectifs d’émissions qui font sens pour le secteur du transport maritime.

Il est urgent que le transport maritime s’adapte pour passer à une industrie à zéro émission. A l’heure actuelle, la principale préoccupation des travailleurs n’est pas la perte d’emplois, mais les changements dans les pratiques de travail. L’un des changements les plus probables sera l’introduction de carburants alternatifs. Certains de ces carburants, comme l’ammoniac, pourraient réduire l’empreinte carbone du transport maritime de 50%. Il existe également une grande variété d’autres changements dans la gestion opérationnelle qui seront nécessaires pour rendre le transport maritime plus efficace.

Le défi de la mobilisation des gens de mer autour de la justice climatique et de la transition juste est double. Tout d’abord, il est nécessaire d’éduquer les gens de mer sur les raisons pour lesquelles ces questions sont importantes pour eux. Les océans sont l’un des fronts décisifs de la crise climatique, en termes d’élévation du niveau des mers, de menaces pour la vie marine et d’augmentation des tempêtes et des phénomènes météorologiques dangereux. Comme leur lieu de travail se trouve sur l’océan, les marins ont un rôle naturel de gardiens de la mer. Cependant, après plusieurs décennies d’immobilisme de la part des employeurs en termes de prévention des désastres écologiques, les syndicats ont un rôle important à jouer dans la sensibilisation des marins aux changements nécessaires.

Deuxièmement, il est vital que les marins jouent un rôle actif dans l’élaboration des changements qui auront lieu. La santé et la sécurité sont des questions essentielles, et étant donné les dangers des carburants alternatifs tels que l’ammoniac, il est vital que les marins ne soient pas mis en danger par des technologies non éprouvées et des systèmes peu sûrs. Il est désormais évident que l’ensemble du système de formation des gens de mer devra également changer. Les projections actuelles montrent que les différents types de carburant nécessiteront une formation beaucoup plus régulière sur les divers types de moteurs et systèmes de propulsion à carburant. L’introduction d’une plus grande numérisation pourrait changer la nature des emplois existants. Certains employeurs réclament un programme d’investissements massifs pour accélérer les changements nécessaires. L’industrie du transport maritime est à l’aube de changements majeurs. Les syndicats de marins doivent jouer un rôle actif dans l’élaboration de ces changements, tant au niveau mondial que sur le lieu de travail.

Au-delà des préoccupations liées aux pertes d’emploi

La justice climatique et la transition juste sont des questions fondamentales pour les syndicats. Dans la transition vers une économie durable, le mouvement syndical mondial doit à la fois défendre ce que les travailleurs et travailleuses ont actuellement et transformer le système en quelque chose de meilleur, avec des normes de travail plus élevées et plus de démocratie sur le lieu de travail. Pour y parvenir, nous devons mobiliser la large base du mouvement syndical. Pour ce faire, nous devons aborder ces questions sous de multiples angles. En particulier, nous devons élargir notre compréhension de la transition juste en allant au-delà des préoccupations relatives aux pertes d’emploi.

En examinant trois scénarios différents du secteur des transports, avec les transports publics comme exemple d’expansion d’un secteur, l’aviation comme exemple de contraction et le transport maritime comme exemple d’adaptation, j’ai discuté des défis stratégiques auxquels sont confrontés les travailleurs dans différentes parties de l’économie. Un point commun à tous ces scénarios est la nécessité de jeter un pont entre les questions axées sur le lieu de travail et un récit plus ample du changement structurel.

L’une des tâches essentielles du mouvement syndical est donc d’engager les travailleurs sur la justice climatique au niveau des secteurs afin de construire des visions pour chacun d’eux avec ses traits spécifiques, ce qui permet de montrer la voie vers une économie durable. En outre, construire un récit plus ample signifie aller au-delà des questions de décarbonation pour aborder des thèmes plus fondamentaux ayant trait au pouvoir et à l’objectif stratégique. La pandémie de Covid-19 a démontré l’importance de construire nos économies autour de ce qui compte vraiment pour nos sociétés. Engager les travailleurs et travailleuses autour de l’avenir de leurs secteurs impliquera logiquement des débats sur l’utilité réelle de ces branches, et donc sur le type d’économie mondialisée que nous voulons vraiment. (Article publié sur le site Global Labour Column, le 2 septembre 2021; traduction rédaction A l’Encontre)

Jeremy Anderson est responsable du transport durable à la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF), qui mobilise les syndicats de tous les secteurs du transport afin qu’ils agissent pour la justice climatique.

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[1] L’expression transition juste» est définie ainsi: «cadre élaboré par le mouvement syndical pour englober une série d’interventions sociales nécessaires pour garantir les droits et les moyens de subsistance des travailleurs lorsque les économies se tournent vers la production durable, pour lutter contre le changement climatique et protéger la biodiversité». (Réd.)

Références

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