Turquie. «Face au consensus nationaliste et à la déraison militariste. Nous condamnons la guerre d’Erdogan contre Afrin»

Police antiémeute arrêtant, le 21 janvier, une femme protestant contre l’opération «Rameau d’olivier»

Par SDY-Sosyalist Demokrasi icin Yeniyol – Cours nouveau pour une Démocratie socialiste

Après des semaines de préparation morale, de pression diplomatique et de désinformation massive l’Etat turc a finalement attaqué l’enclave à majorité kurde d’Afrin, située dans le nord-ouest de la Syrie. En jouant habilement sur les clivages entre Washington et Moscou, le Président turc a réussi à lancer une opération militaire d’envergure composée de frappes aériennes, de déploiement de milices islamistes et de l’incursion sur le sol syrien des troupes de l’armée turque prêtes à l’offensive.

Nous condamnons fermement cette guerre, cyniquement dénommée «Rameau d’olivier», qui n’aura d’autre conséquence que d’aggraver les tensions entre les peuples turcs, kurdes et arabes, de repousser toute espérance de vie commune et dont l’ultime objectif est incontestablement la consolidation du régime dictatorial d’Erdogan.

Pour contrer le processus d’autodétermination en cours dans le Kurdistan syrien, inacceptable pour le régime islamo-nationaliste turc, Ankara désire avec cette offensive mettre en place une «zone de sécurité» de trente kilomètres à partir de sa frontière. Ce projet d’occupation du sol syrien est présenté comme un rempart contre la présence des forces du PYD [Parti de l’Union démocratique] – et sa branche armée, les YPG [Unité de protection du peuple] soutenus par Washington dans la lutte contre Daech [dans le cadre de la coalition militaire créée en 2015: Forces démocratiques syriennes] à sa frontière. Alors qu’il bénéficie de l’assentiment de la Russie et n’étant confronté qu’à une faible réaction de la part des Etats-Unis, le régime Erdogan, en quête d’une victoire sur le plan de sa politique étrangère, présente cette opération militaire comme une offensive de «sécurité nationale» avec une forte connotation «anti-occidentale/anti-impérialiste».

Malgré une polarisation extrême entre les partisans d’Erdogan et ses opposants, la rhétorique fondée sur la «sécurité nationale», en avivant les dispositions historiques militaristes et nationalistes du pays, a réussi à rassembler toutes les franges de la société turque, les différentes sensibilités politiques et les diverses fractions de la bourgeoisie derrière les trompettes de la guerre. Principal parti d’opposition, le CHP (Parti républicain du peuple), républicain et laïciste – membre de l’Internationale socialiste –, comme à chaque tournant critique n’a pas raté l’occasion de se ranger aux côtés de l’AKP (Parti de la justice et du développement) pour annoncer son «soutien total à l’opération militaire»…

En ajoutant l’état de guerre à un état d’urgence déjà bien répressif, le régime Erdogan atteint aujourd’hui un niveau sans précédent dans la criminalisation de toute opposition à la guerre. Alors que le HDP (Parti démocratique des peuples), parti de gauche issu du mouvement kurde, a les mains totalement liées en raison de la répression qui le frappe, plusieurs journalistes et activistes anti-guerre ont été arrêtés dès les premiers jours de l’opération, principalement en raison de messages pacifistes postés sur les réseaux sociaux. Des artistes et des intellectuels sont mis au ban pour ne pas s’être prononcés en faveur de la guerre. La moindre critique envers l’opération militaire est identifiée à un «soutien au terrorisme» et une «trahison envers la patrie».

La lutte pour la démocratie en Turquie ne peut se passer d’un combat contre le militarisme, «tant celui qui est dirigé vers l’extérieur que celui dirigé vers l’intérieur», comme le disait cette figure historique de l’antimilitarisme révolutionnaire, Karl Liebknecht. Ceci est d’autant plus vrai dans une conjoncture où l’immunité judiciaire est assurée pour les civils qui se mobiliseraient afin de réprimer un coup d’Etat et «tout autre événement s’inscrivant dans son prolongement», bref pour défendre le régime. Elle est légalisée par un décret-loi; un contexte marqué aussi par l’existence de nombreuses formations paramilitaires qui n’est plus un secret.

Est-ce que le recours à la guerre va encore une fois sauver Erdogan et renforcer son hégémonie affaiblie, comme cela s’était réalisé en 2015 lorsque les résultats obtenus par le HDP avaient déstabilisé le régime Erdogan qui décida alors de jouer la carte de la guerre? Cela dépend de la capacité de mobilisation et de résistance dont feront preuve les différentes composantes de l’opposition démocratique – avec la gauche radicale en tête – qui n’ont pas encore plié devant la déraison militariste et l’aveuglement nationaliste; une capacité exercée, il est vrai, dans des conditions de répression inouïes.

Oui, les militants et activistes anti-guerre, solidaires des revendications démocratiques du peuple kurde ont des raisons d’être intimidé devant la déferlante nationaliste-fascisante. Toutefois, les raisons pour continuer à prôner la paix sont beaucoup plus nombreuses et tellement plus humaines. C’est pour cela que nous refuserons de nous taire, de manquer à notre devoir internationaliste, nous refuserons de nous soumettre au régime guerrier, autocratique et corrompu d’Erdogan.

  • Non à la guerre contre Afrin! Retrait immédiat des troupes militaires turques!
  • Soutien au droit d’autodétermination démocratique du peuple kurde et de tous les peuples du Moyen-Orient!
  • Aucune confiance envers les forces impérialistes; la libération des peuples de Syrie ne passera que par leur combat commun!
  • Vive l’Internationalisme prolétarien, vive l’antimilitarisme révolutionnaire! (23 janvier 2018)

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