Rédaction A l’Encontre
La loi de sécurité nationale qui a été imposée par Pékin à l’ancienne colonie britannique (dont les lois sécuritaires avaient été maintenues dans le régime du «un pays, deux systèmes») continue à être l’enjeu d’un conflit politique et démocratique à Hong Kong. Sous les traits d’une description se voulant un «constat objectif», Peter Kammerer, dans une tribune libre publiée le 14 juillet dans le South China Morning Post, affirme: «La loi sur la sécurité nationale de Hong Kong a été rédigée de telle manière que ce qui constitue exactement une violation n’est pas clair. C’est ce que veut Pékin pour s’assurer que nous redoutions ce que nous disons et faisons. Nous connaissons les sanctions, cependant, de sorte que l’incertitude a pour effet que ceux d’entre nous qui ressentent une indignation justifiée face à la réduction des libertés peuvent être tentés de tenir leur langue. Le dilemme est donc de savoir comment exprimer notre mécontentement, protéger nos droits et faire en sorte que ce qui est garanti par la Loi fondamentale soit respecté et appliqué. La recherche de l’indépendance de Hong Kong est évidemment interdite, tout comme l’appel au renversement du parti communiste. Mais pouvons-nous critiquer les décisions des gouvernements chinois ou de Hong Kong? La Loi fondamentale promet «un degré élevé d’autonomie» et le «suffrage universel» pour la ville, mais nos libertés de parole et d’expression et le droit de manifester ont été bafoués, alors pouvons-nous demander leur rétablissement tels qu’ils étaient le 1er juillet 1997? Pékin ne voit pas les choses de cette façon; ce que certains habitants de Hong Kong veulent n’a pas d’importance pour ce qui a trait à la préservation des pouvoirs. Ce qui est perçu comme perdu a disparu et ne reviendra pas sous le régime actuel.»
Le South China Morning Post est propriété du groupe géant Alibaba – l’Amazon de Chine –, ce qui explique certainement la mise en relief, en tête de la tribune libre de Kammerer, d’une constatation ayant le trait d’une injonction: «Continuer à vivre et faire ce que nous pouvons pour rester en sécurité est le prix à payer pour être un Hongkongais en ces temps difficiles.»
Camille Magnard, le chroniqueur de la revue de presse internationale de France Culture, le 14 juillet, développe la thématique de l’autocensure à partir de l’exemple des librairies de Hong Kong: «D’après un reportage débusqué dans le Chronicle Herald publié au Canada: les éditeurs hongkongais font retirer des boutiques les livres d’écrivains associés au mouvement pro-démocratie de ces dernières années. Par crainte de la nouvelle loi qui criminalise tout ce qui pourrait se rapporter à de la «sédition» voire du «terrorisme» la plupart des éditeurs ont préféré faire eux-mêmes ce choix déchirant de condamner tous les ouvrages qui portaient par exemple les mots «liberté» ou «révolution». «Tout le monde cherche à éviter les ennuis, et se résigne à souffrir en silence», dit l’un de ces éditeurs aux reporters du Chronicle Herald.»
Camille Magnard poursuit: «Et pourtant, 600’000 Hongkongais ont participé dimanche aux primaires du camp démocrate pour les prochaines législatives [prévues en date du 6 septembre 2020], malgré la nouvelle loi de sécurité nationale. Le site Hong Kong Free Press y a vu un signal fort envoyé par la population du territoire pour dire qu’elle veut encore croire à la possibilité d’élections libres et ouvertes.»
Le lundi 13 juillet, la cheffe du gouvernement pro-Pékin Carrie Lam a, selon le Hong Kong Free Press, affirmé: «Si le but de cette élection dite primaire est d’atteindre l’objectif ultime de… rejeter, de résister à toute initiative politique du gouvernement de la SAR [Special Administrative Region of the People’s Republic of China] de Hong Kong, alors elle peut entrer dans la catégorie de la subversion du pouvoir de l’Etat… qui est maintenant l’un des quatre types d’infractions prévues par la nouvelle loi sur la sécurité nationale». La mise en garde visant les centaines de milliers de personnes ayant participé aux primaires annonce le cadre dans lequel Pékin envisage les élections législatives de septembre. (14 juillet 2020)
Soyez le premier à commenter