Par The Irrawaddy
Le lundi 6 décembre 2021, un tribunal de la junte du Myanmar a condamné les dirigeants civils détenus, la conseillère d’Etat Daw Aung San Suu Kyi et le président U Win Myint, chacun à quatre ans de prison, après qu’ils ont été reconnus coupables de sédition et de violation des restrictions sanitaires liées au Covid-19.
Le Dr Myo Aung, président évincé du Conseil de Naypyidaw (capitale administrative), a également été condamné à deux ans de prison pour sédition en vertu de l’article 505(b) du Code pénal lors de l’audience qui s’est tenue dans la capitale du Myanmar.
Plus de dix mois après l’arrestation de Suu Kyi à la suite du coup d’Etat du 1er février qui a évincé le gouvernement civil de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), il s’agit des premiers verdicts prononcés contre elle. Elle fait l’objet de dix autres accusations intentées par le régime militaire, qui sont généralement considérées comme forgées de toutes pièces. Il s’agit notamment de possession illégale de talkies-walkies, d’affaires de corruption et de violations présumées de la loi sur les secrets d’Etat.
Avec les séances hebdomadaires du procès, d’autres verdicts contre Suu Kyi sont attendus dans le courant du mois de décembre. Si elle est reconnue coupable dans chaque cas, elle risque un total de 104 ans de prison. Les observateurs estiment que ces accusations sont strictement motivées par des considérations politiques et que la junte tente de l’exclure définitivement de la vie politique.
«Les lourdes peines prononcées contre Aung San Suu Kyi sur la base de ces accusations bidon sont le dernier exemple en date de la détermination de l’armée à éliminer toute opposition et à étouffer les libertés au Myanmar», a déclaré Ming Yu Hah, la responsable régionale adjointe pour les campagnes d’Amnesty International. «La décision grotesque et frauduleuse du tribunal s’inscrit dans une politique épouvantable de représailles arbitraires: plus de 1300 personnes ont été tuées et des milliers d’autres arrêtées depuis le coup d’Etat militaire de février», a-t-elle ajouté.
La directrice régionale adjointe d’Amnesty a également exhorté le monde à ne pas oublier les milliers de détenus du Myanmar qui ne bénéficient pas de la notoriété de Daw Aung San Suu Kyi et qui sont actuellement emprisonnés «simplement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits».
Suu Kyi, 76 ans, U Win Myint, 69 ans, et le Dr Myo Aung sont actuellement détenus dans un lieu inconnu à Naypyidaw. Bien qu’il n’ait pas été mentionné s’ils seront envoyés en prison, on pense que Daw Aung San Suu Kyi sera très probablement soumise à une arrestation domiciliaire. Elle a d’ailleurs déjà été assignée à résidence pendant près de 15 ans par l’ancien régime militaire, avant d’être libérée en 2010.
Lundi 6 décembre, le tribunal du régime a déclaré que Daw Aung San Suu Kyi, U Win Myint et le Dr Myo Aung étaient responsables des déclarations du Comité exécutif central de la LND publiées la deuxième semaine de février, selon des sources proches du tribunal. Ces déclarations de la LND des 7 et 13 février dénonçaient l’usage de la force par la junte pour s’emparer du pouvoir et appelaient le public à résister au régime militaire. L’article 505(b) du Code pénal du Myanmar punit de deux ans d’emprisonnement au maximum toute personne considérée comme provoquant la peur ou l’alarme suite à une offense contre l’Etat ou pour avoir troublé la «tranquillité publique».
La conseillère d’Etat a également été condamnée à deux ans d’emprisonnement pour avoir enfreint les restrictions sanitaires du Covid-19 en «saluant» un convoi de partisans de la LND passant devant sa résidence de Naypyidaw à l’approche des élections générales de novembre 2020. Suu Kyi portait un masque et un écran facial au moment des faits.
Selon des sources proches des accusés, il est probable qu’ils fassent appel des verdicts.
Lundi 6 décembre, Daw Aung San Suu Kyi s’est également rendue au tribunal pour entendre les poursuites engagées contre elle pour possession illégale de talkies-walkies, au titre desquelles elle est accusée d’avoir enfreint la loi sur l’importation et l’exportation et la loi sur les télécommunications. La défense et l’accusation ont présenté leurs arguments finaux sur ces affaires.
Mardi 7 décembre, Suu Kyi devra faire face à une autre accusation de violation des restrictions sanitaires liées au Covid-19 en vertu de la loi sur la gestion des catastrophes nationales, lorsque devrait comparaître le témoin de la défense, détenu, le Dr Zaw Myint Maung, ancien ministre en chef de la région de Mandalay.
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Selon The Irrawaddy du 7 décembre 2021, le chef de la junte, Min Aung Hlaing, a commué la peine de quatre ans en une peine de deux ans. La télévision Myawady TV de la junte a annoncé que «la déclaration de grâce du chef de la junte réduisant les peines de U Win Myint et de Daw Aung San Suu Kyi de deux ans sur quatre» était fondée sur la section 401 du Code pénal, ce qui les «maintient en détention dans le lieu actuel pour les deux années d’emprisonnement restantes» (contrairement à l’annonce initiale du tribunal d’une peine encourue en résidence surveillée).
The Irrawaddy continue: «Dans le pays et à l’étranger, nombreux sont ceux qui ont réagi à la décision du régime comme à un coup de publicité, car tout d’abord les dirigeants du gouvernement civil évincé n’auraient pas dû être arrêtés et inculpés.» (Extraits d’articles publiés sur le site The Irrawaddy, les 6 et 7 décembre 2021; traduction rédaction A l’Encontre)
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