Les grands groupes pétroliers et gaziers ont gardé secrets de terribles rapports durant des décennies. Ils pourraient maintenant en payer le prix

Par Chris McGreal

Après avoir exercé pendant un siècle un pouvoir économique et politique hors de l’ordinaire, les géants étatsuniens du pétrole doivent rendre des comptes pour avoir été à l’origine de la plus grande menace existentielle de notre époque.

Une vague sans précédent de poursuites judiciaires, intentées par des villes et des Etats américains, vise à obliger l’industrie pétrolière et gazière à rendre des comptes pour ce qui est de la dévastation environnementale causée par les combustibles fossiles – et dans le même mouvement à dissimuler ce qu’elle en savait tout au long des années passées.

Les villes côtières qui s’efforcent de contenir la montée du niveau de la mer, les Etats du Midwest qui voient les ouragans détruire les cultures et les maisons, et les communautés de pêcheurs dont les prises diminuent à cause du réchauffement des eaux, tous ceux-là exigent maintenant que les conglomérats pétroliers paient des dommages et intérêts et prennent des mesures urgentes pour réduire les dégâts supplémentaires causés par l’utilisation des combustibles fossiles.

Mais ce qui est encore plus frappant, c’est que les quelque deux douzaines de poursuites judiciaires sont étayées par des accusations selon lesquelles l’industrie a gravement aggravé la crise environnementale en menant pendant des décennies une campagne de mensonges et de tromperie pour supprimer les mises en garde de ses propres scientifiques concernant l’impact des combustibles fossiles sur le climat et ainsi tromper le public des Etats-Unis.

L’écologiste Bill McKibben a un jour qualifié le comportement de l’industrie des combustibles fossiles de «dissimulation la plus importante de l’histoire des Etats-Unis». Aujourd’hui, pour la première fois depuis des décennies, les poursuites judiciaires ouvrent la voie à l’obligation de rendre des comptes au public, un processus qui, selon les militants du climat, pourrait rivaliser avec le déclin de l’industrie du tabac, qui avait dissimulé les véritables dangers du tabagisme.

«Nous sommes à un point d’inflexion», a déclaré Daniel Farber, professeur de droit à l’Université de Californie à Berkeley et directeur du Center for Law, Energy, and the Environment. «Les choses doivent empirer pour les compagnies pétrolières», a-t-il ajouté. «Même si elles ont de bonnes chances de gagner par endroits la bataille judiciaire, la découverte clarifiée de comportements fautifs – elles savaient que leur produit était mauvais et mentaient au public – affaiblit vraiment la capacité de l’industrie à résister à la législation et à des décisions.»

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Depuis des décennies, les principales compagnies pétrolières et gazières du pays ont intégré les éléments de la science du changement climatique et les dangers posés par les combustibles fossiles. Année après année, les cadres supérieurs des firmes l’ont entendu de la bouche de leurs propres scientifiques, dont les avertissements étaient explicites et souvent graves.

En 1979, une étude d’Exxon (voir Assessing ExxonMobil’s climate change communications, par Geoffrey Supran) affirmait que la combustion de combustibles fossiles «entraînera des effets environnementaux dramatiques» au cours des prochaines décennies. «Le problème potentiel est important et urgent», concluait l’étude.

Mais au lieu de tenir compte des résultats de la recherche qu’elles finançaient, les grandes sociétés pétrolières se sont concertées pour enterrer les conclusions et fabriquer un contre-récit afin de saper le consensus scientifique croissant autour de la science du climat. La campagne de l’industrie des combustibles fossiles visant à créer l’incertitude a porté ses fruits pendant des décennies en brouillant la compréhension du public sur les dangers croissants du réchauffement planétaire et en bloquant l’action politique.

L’urgence de la crise ne fait aucun doute. Un projet de rapport des Nations unies (23 juin), qui a fait l’objet d’une fuite la semaine dernière, prévient que les conséquences de la crise climatique, notamment la montée des eaux, la chaleur intense et l’effondrement des écosystèmes, vont fondamentalement remodeler la vie sur Terre dans les décennies à venir, même si les émissions de combustibles fossiles sont freinées.

Afin d’enquêter sur l’ampleur des tromperies de l’industrie pétrolière et gazière – et sur les conséquences désastreuses pour les collectivités à travers le pays – le Guardian publiera une série d’articles, pendant un an, sur les efforts sans précédent déployés pour obliger l’industrie des combustibles fossiles à rendre des comptes.

Les procédures judiciaires devraient durer des années. Les villes de Californie ont intenté les premières poursuites en 2017. Elles ont été bloquées par des conflits de compétence, les compagnies pétrolières se battant avec un succès limité pour les faire passer des tribunaux d’Etat aux tribunaux fédéraux où elles pensent que la loi est plus favorable.

Mais les militants du climat voient des opportunités bien avant que les verdicts soient rendus aux Etats-Unis. La procédure judiciaire devrait s’ajouter aux révélations déjà accablantes ayant trait aux secrets bien gardés des géants de l’énergie. Si l’histoire est un guide, ces développements pourraient à leur tour modifier l’opinion publique en faveur des réglementations que les compagnies pétrolières et gazières ont passé des années à combattre.

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Une série d’autres victoires récentes pour les militants du climat indique déjà un changement dans le pouvoir de l’industrie.

Le mois dernier, un tribunal néerlandais a ordonné à Shell de réduire ses émissions mondiales de carbone de 45% d’ici à la fin de la décennie. Le même jour, à Houston, un fonds spéculatif activiste a imposé l’entrée de trois nouveaux administrateurs au conseil d’administration de la plus grande société pétrolière étatsunienne, ExxonMobil, pour qu’il s’occupe des questions climatiques. Les investisseurs de Chevron ont également voté en faveur de la réduction des émissions des produits pétroliers qu’elle vend.

Au début du mois, les promoteurs de l’oléoduc Keystone XL ont annulé le projet après plus d’une décennie d’opposition incessante pour des raisons environnementales. Et cela bien qu’un tribunal fédéral ait rejeté l’année dernière un procès intenté par 21 jeunes Américains qui affirment que le gouvernement a violé leurs droits constitutionnels en exacerbant le changement climatique, l’administration Biden a récemment accepté des pourparlers de règlement dans un geste symbolique visant à apaiser les jeunes électeurs.

Toutefois, les avocats étatsuniens affirment que les raisonnements juridiques qui sous-tendent les jugements des tribunaux étrangers ont peu de chances d’avoir beaucoup de poids aux Etats-Unis et que le droit interne est largement non vérifié à ce propos. En effet, en 2018, un tribunal fédéral a rejeté la première tentative de la ville de New York de forcer les grandes compagnies pétrolières à couvrir les coûts de la crise climatique en déclarant que sa nature globale exigeait un recours politique et non juridique.

D’autres poursuites régionales se frayent un chemin dans les tribunaux. De Charleston, en Caroline du Sud, à Boulder, dans le Colorado, en passant par Maui, à Hawaï, des collectivités cherchent à obliger l’industrie à utiliser ses énormes bénéfices pour payer les dégâts et à obliger les entreprises énergétiques à traiter la crise climatique pour ce qu’elle est: une urgence mondiale.

Des municipalités comme Imperial Beach, en Californie – la ville la plus pauvre du comté de San Diego, dont le budget est inférieur au salaire annuel du directeur général d’Exxon – font face à la montée des eaux sur trois côtés sans disposer des fonds nécessaires pour construire des barrières de protection. Elles affirment que les compagnies pétrolières ont créé une «atteinte aux droits du public» en alimentant la crise climatique. Elles cherchent à récupérer le coût de la réparation des dommages et de la construction de diverses protections.

La plainte pour atteinte aux droits du public, également portée par Honolulu, San Francisco et Rhode Island, suit une stratégie juridique qui a fait ses preuves dans d’autres types de litiges. En 2019, le procureur général de l’Oklahoma a obtenu une indemnisation de près d’un demi-milliard de dollars contre le géant pharmaceutique Johnson & Johnson pour sa commercialisation mensongère de puissants analgésiques sur ordonnance, au motif qu’elle a créé une atteinte aux droits du public en contribuant à l’épidémie d’opioïdes dans l’Etat.

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D’autres procès sur le climat, dont un intenté au Minnesota, allèguent que les campagnes de tromperie et de déni de la crise climatique menées par les compagnies pétrolières constituent une fraude. Le Minnesota poursuit Exxon, Koch Industries [les frères Koch étaient les principaux supporters de Trump et du courant républicain le plus réactionnaire] et l’American Petroleum Institute pour violation de la législation de l’Etat en matière de pratiques commerciales trompeuses, de publicité mensongère et de fraude contre les consommateurs dans le cadre de ce que l’action en justice qualifie d’entorses et de mensonges sur la science du climat.

L’Etat du Midwest, qui a vu les températures augmenter plus rapidement que les moyennes étatsunienne et mondiale, a déclaré que les températures caniculaires et les ouragans ont dévasté l’agriculture et inondé les maisons, en exposant le plus les familles à faible revenu et les minorités.

Le procureur général du Minnesota, Keith Ellison, affirme dans sa plainte (24 juin 2020) contre American Petroleum Institute, ExxonMobil Oil Corportation, Koch Industries, etc. que pendant des années, Exxon a orchestré une campagne visant à enterrer les preuves des dommages environnementaux causés par la combustion de combustibles fossiles «avec un succès inquiétant».

«Les défendeurs [ceux contre lesquels est intentée une action en justice] ont dépensé des millions de dollars en publicité et en relations publiques parce qu’ils avaient compris qu’une compréhension exacte du changement climatique affecterait leur capacité à continuer à faire des profits en menant leurs affaires comme d’habitude», a déclaré Keith Ellison dans sa plainte.

Selon Daniel Farber, les affaires fondées sur des allégations selon lesquelles l’industrie pétrolière a menti ont les meilleures chances de succès. «Dans la mesure où les plaignants peuvent mettre en évidence une mauvaise conduite, comme le fait de dire à tout le monde que le changement climatique n’existe pas alors que vos scientifiques vous ont dit le contraire, cela pourrait rassurer les tribunaux sur le fait que les plaignants n’essaient pas de prendre le contrôle du système énergétique américain», a-t-il déclaré.

Combattre les faits

Presque toutes les actions en justice s’appuient sur les dossiers de l’industrie pétrolière elle-même pour affirmer qu’elle a dissimulé la menace croissante que ses produits font peser sur la vie.

Shell, comme d’autres compagnies pétrolières, a profité de décennies pour se préparer à ces conséquences après avoir été prévenue par ses propres recherches. Déjà en 1958, l’un de ses cadres, Charles Jones, a présenté un document à l’American Petroleum Institute (API) – une structure qui représente les intérêts de tout le secteur pétrolier et gazier – mettant en garde contre l’augmentation des émissions de carbone provenant des gaz d’échappement des voitures. D’autres recherches ont suivi tout au long des années 1960, conduisant un comité consultatif de la Maison-Blanche à s’inquiéter de «changements climatiques mesurables et peut-être marqués» d’ici à l’an 2000. Les propres rapports de l’API signalaient des «changements de température significatifs» d’ici la fin du XXe siècle. La plus grande compagnie pétrolière des Etats-Unis, Exxon, entendait la même chose de ses chercheurs.

Année après année, les scientifiques d’Exxon ont enregistré les preuves des dangers de la combustion des combustibles fossiles. En 1978, son conseiller scientifique, James Black, a averti qu’il existait une «fenêtre de cinq à dix ans avant que la nécessité de prendre des décisions difficiles concernant les changements de stratégie énergétique ne devienne critique».

Exxon a installé des équipements sur un superpétrolier, l’Esso Atlantic, pour surveiller le dioxyde de carbone dans l’eau de mer et dans l’air. En 1982, les scientifiques de l’entreprise ont établi un graphique traçant avec précision l’augmentation de la température du globe à ce jour.

«Les années 1980 ont révélé un consensus établi parmi les scientifiques», indique la plainte du Minnesota contre Exxon. «Un document interne d’Exxon de 1982 […] déclare explicitement que la science était “unanime” et que le changement climatique allait “entraîner des changements significatifs dans le climat de la Terre”.» Puis la surveillance sur le pétrolier l’Esso Atlantic a été soudainement interrompue et d’autres recherches déclassées.

«Il y a près de 40 ans, l’équipe scientifique d’Exxon a prédit exactement où nous allions si nous continuions à brûler des combustibles fossiles, et ses estimations correspondent presque parfaitement aux relevés actuels des polluants de dioxyde de carbone (CO2) qui réchauffent actuellement la planète.»

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La suite a été ce que Naomi Oreskes, coauteur du rapport America Misled, a appelé une «campagne systématique et organisée par Exxon et d’autres compagnies pétrolières pour semer le doute sur la science et empêcher toute action significative».

Le rapport accuse les entreprises du secteur de l’énergie de polluer non seulement l’air, mais aussi «le paysage de l’information» en reproduisant le manuel des fabricants de cigarettes, qui consiste à sélectionner les données, à utiliser de faux experts et à promouvoir des théories du complot pour s’attaquer à un consensus scientifique croissant.

Bon nombre des poursuites judiciaires s’appuient sur une série de documents d’Exxon conservés à l’Université du Texas et découverts par la Columbia Journalism School et le Los Angeles Times en 2015.

Parmi ces documents figure un mémo d’Exxon datant de 1988, qui définit une stratégie visant à promouvoir une «approche scientifique équilibrée», c’est-à-dire à accorder le même poids aux preuves tangibles et au négationnisme en matière de changement climatique. Cette démarche a porté ses fruits dans certains médias jusque dans les années 2000, lorsque l’industrie pétrolière a repositionné le réchauffement planétaire comme une théorie et non comme un fait, contribuant ainsi au négationnisme climatique le plus profondément enraciné de tous les pays développés.

Exxon a placé des publicités dans les principaux journaux américains pour semer le doute. L’une d’elles, parue dans le New York Times en 2000, sous le titre «Unsettled Science» [la science en suspens, non établie], comparait les données climatiques à des prévisions météorologiques changeantes. Elle prétendait que les scientifiques étaient divisés, alors qu’un consensus écrasant soutenait déjà les preuves d’une crise climatique croissante, et affirmait que les prétendus doutes signifiaient qu’il était trop tôt pour agir.

Le président-directeur général d’Exxon, Lee Raymond, a déclaré aux dirigeants de l’industrie en 1996 que «les preuves scientifiques restent peu concluantes quant à l’influence des activités humaines sur le climat mondial». «C’est un saut long et dangereux que de conclure que nous devrions, par conséquent, réduire l’utilisation des combustibles fossiles», a-t-il déclaré. Or, des documents montrent que les scientifiques de son entreprise disaient à la direction d’Exxon que le véritable danger résidait dans le fait de ne pas faire exactement cela.

En 2019, Martin Hoffert, professeur de physique à l’Université de New York, a déclaré lors d’une audience du Congrès qu’en tant que consultant d’Exxon sur la modélisation du climat dans les années 1980, il a travaillé sur huit articles scientifiques pour l’entreprise qui montraient que la combustion de combustibles fossiles avait «de plus en plus une influence perceptible sur le climat de la Terre».

Martin Hoffert a déclaré qu’il «espérait que ces travaux contribueraient à persuader Exxon d’investir dans le développement de solutions énergétiques dont le monde a besoin». Ce ne fut pas le cas.

«Exxon faisait publiquement la promotion de points de vue que ses propres scientifiques savaient erronés, et nous le savions parce que nous étions le principal groupe à travailler sur cette question. C’était immoral et cela a considérablement freiné les efforts déployés pour lutter contre le changement climatique», a déclaré Martin Hoffert. «Ils ont délibérément créé le doute alors que des recherches internes confirmaient la gravité de la menace. En conséquence, à mon avis, des maisons et des moyens de subsistance seront probablement détruits et des vies perdues.»

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Exxon a travaillé aux côtés de Chevron, Shell, BP et de plus petites entreprises pétrolières pour détourner l’attention de la crise climatique croissante. Ils ont financé l’American Petroleum Institute (API), qui a élaboré un plan de plusieurs millions de dollars pour s’assurer par la désinformation que «le changement climatique ne soit pas un problème». Selon ce plan, «la victoire sera acquise» lorsque «la reconnaissance des incertitudes fera partie de l’“opinion communément admise”».

L’industrie des combustibles fossiles a également utilisé ses ressources considérables pour verser des milliards de dollars dans le lobbying politique afin de bloquer les lois défavorables et de financer des organisations de façade aux noms neutres et à consonance scientifique, telles que la Global Climate Coalition (GCC). En 2001, le Département d’Etat américain a déclaré à la GCC que le président George W. Bush avait rejeté le Protocole de Kyoto visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre «en partie, sur la base de votre contribution».

A elle seule, la société Exxon a financé plus de 40 groupes visant à nier la science du climat, dont le George C Marshall Institute, qui, selon une plainte, a orchestré une «fausse pétition» niant le changement climatique mondial dû à l’homme. Cette pétition a ensuite été dénoncée par la National Academy of Science comme «une tentative délibérée d’induire les scientifiques en erreur».

Analyser en profondeur

Pour Sharon Eubanks, la conspiration visant à nier la science avait un air très familier. A partir de 2000, elle a dirigé l’équipe juridique du ministère américain de la Justice contre neuf fabricants de tabac dans l’une des plus grandes affaires civiles intentées en vertu de la loi Rico (Racketeer Influenced and Corrupt Organizations), conçue pour lutter contre le crime organisé.

En 2006, un juge fédéral a estimé que l’industrie avait passé des décennies à commettre une énorme fraude sur le public américain en mentant sur les dangers du tabac et en poussant la consommation de cigarettes auprès des jeunes.

Sharon Eubanks a déclaré que lorsqu’elle a examiné la stratégie de l’industrie des combustibles fossiles, elle y a immédiatement reconnu le manuel du Big Tobacco.

«Les grandes compagnies pétrolières ont adopté exactement le même type de comportement que les fabricants de tabac qui ont été reconnus responsables de fraude à grande échelle», a déclaré Sharon Eubanks. «La dissimulation, le déni du problème, le financement de scientifiques pour remettre en cause la science. Voilà le même schéma. Et certains des mêmes avocats représentent à la fois l’industrie du tabac et les grandes compagnies pétrolières.»

Le danger pour l’industrie des combustibles fossiles est que les parallèles ne s’arrêtent pas là. La procédure judiciaire obligera probablement les conglomérats pétroliers à remettre à la justice des années de communications internes révélant ce qu’ils savaient du changement climatique, quand et comment ils ont réagi. Compte tenu de ce qui a déjà été révélé par Exxon, il est peu probable que ces communications aident l’industrie à se défendre.

Sharon Eubanks, qui conseille désormais les procureurs généraux et d’autres personnes poursuivant l’industrie pétrolière, a déclaré que la découverte de notes de service internes de l’entreprise dans le cadre d’une plainte de l’Etat du Minnesota a marqué un tournant dans son action contre les grands cigarettiers. Ces notes comprenaient un langage qui parlait du recrutement de jeunes gens comme «fumeurs de remplacement» pour ceux qui mouraient de la cigarette. «Je pense que le public a été particulièrement stupéfait par le contenu de ces documents et par le fait qu’ils évoquaient la nécessité de disposer de plus gros sacs pour ramener à la maison tout l’argent qu’ils allaient gagner en incitant les gens à fumer», a déclaré Sharon Eubanks.

La mise en lumière des communications internes des fabricants de tabac a modifié l’humeur du public et la politique, contribuant à ouvrir la porte à une législation visant à réduire le tabagisme, à laquelle l’industrie avait résisté avec succès pendant des décennies.

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Daniel Farber, professeur de droit à Berkeley, a déclaré que ce processus de découverte comporte un danger similaire pour les compagnies pétrolières, car il est susceptible de révéler encore plus de preuves ayant trait à leur recherche de tromper l’opinion. Selon lui, cela réduira à néant toute tentative des géants de l’énergie de prétendre devant les tribunaux qu’ils ignoraient les dommages qu’ils causaient.

Selon Daniel Farber, il sera également difficile pour l’industrie pétrolière de résister au poids des poursuites américaines, de l’activisme des actionnaires et de l’évolution de l’opinion publique et politique. «Cela pourrait les pousser à conclure un accord ou à soutenir une législation qui dégage une partie de leur responsabilité en échange de concessions majeures, tel le paiement d’une taxe importante pour financer les réponses au changement climatique.»

Selon Daniel Farber, l’alternative pour le mouvement consiste à tenter sa chance auprès de juges et de jurés qui pourraient être de plus en plus enclins à prendre la crise climatique au sérieux. «Ces derniers peuvent penser qu’il s’agit d’une urgence qui nécessite une réponse. Et dès lors que les compagnies pétrolières devraient être tenues responsables des dommages qu’elles ont causés et cela pourrait être très coûteux», a-t-il déclaré. «Si les multiples initiatives juridiques perdent, c’est catastrophique en fin de compte.» (Article publié dans The Guardian, le 30 juin 2021; article fait en collaboration avec Covering Climate Now; traduction par la rédaction A l’Encontre)

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