Par Kenny Stancil
Alors qu’Israël poursuit son assaut meurtrier contre les Palestiniens dans l’ensemble des territoires occupés, une nouvelle analyse publiée lundi soir 17 mai montre que si les élus du Congrès étatsunien approuvent le budget fédéral dévoilé le mois dernier par le président Joe Biden, les Etats-Unis donneraient 1,3 milliard de dollars de plus à l’armée israélienne qu’à la réponse climatique mondiale.
Bien que Biden n’ait pas encore publié sa demande officielle de budget pour l’exercice 2022, il en a partagé un aperçu, qui a été fortement critiqué par les courants progressistes.
Dans son analyse, Stephen Semler, cofondateur du Security Policy Reform Institute, a cité deux extraits de la proposition de dépenses de la Maison Blanche:
- «La demande discrétionnaire répond directement à l’urgence climatique, en fournissant 2,5 milliards de dollars pour les programmes climatiques internationaux.» (p. 25)
- «La demande discrétionnaire finance entièrement les engagements des États-Unis envers leurs principaux alliés au Moyen-Orient, y compris Israël.» (p. 26)
Comme l’explique Stephen Semler: «Financer pleinement les engagements des États-Unis envers… Israël comprend le fait de donner à l’État d’apartheid 3,8 milliards de dollars d’aide militaire annuelle – 3,3 milliards de dollars d’aide bilatérale à la sécurité “de base” plus 500 millions de dollars supplémentaires pour les systèmes de défense antimissile [1] – comme indiqué [dans] le protocole d’accord décennal que l’administration Obama-Biden a conclu avec Israël en 2016.» [2]
En réponse à cette analyse, Left Flank Veterans, un groupe de vétérans anti-guerre, a déclaré que les priorités de dépenses de Biden indiquent que le président pense que «préserver l’apartheid est plus important que de lutter contre le changement climatique».
«La préservation de l’apartheid est plus importante que la lutte contre le changement climatique pour @POTUS https://t.co/mqxb7c9rQE
– Left Flank Veterans (@Left FlankVets) 11 mai 2021
Stephen Semler a écrit que «selon l’Accord de Paris (et selon la science), les contributions financières des États-Unis à la réponse climatique mondiale devraient être plus élevées de plusieurs ordres de grandeur».
Basav Sen, directeur du projet de justice climatique à l’Institute for Policy Studies (IPS), a récemment déclaré sur la chaîne Common Dreams que la promesse de Biden de réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre des États-Unis d’ici à la fin de la décennie «est loin d’être suffisante». Il a encouragé l’administration à «s’engager à payer notre juste part pour l’atténuation et l’adaptation au climat dans le Sud mondial», qualifiant les engagements actuels de «terriblement insuffisants». «Ce n’est pas de la charité, c’est de la responsabilité», a-t-il expliqué. «En tant que premier pollueur mondial cumulé de gaz à effet de serre, nous sommes redevables aux pays du Sud, qui sont confrontés aux graves conséquences du changement climatique alors qu’ils ont si peu contribué à ses causes.»
Selon une analyse récente des politiques climatiques «équitables» menée par les Amis de la Terre, ActionAid et le Sunrise Movement, les États-Unis devraient réduire leur pollution carbonée de 70% par rapport aux niveaux de 2005 d’ici à 2030, verser au moins 8 milliards de dollars au Fonds vert pour le climat des Nations unies et fournir jusqu’à 3000 milliards de dollars pour la relance économique verte et l’allégement de la dette sans conditions dans les pays pauvres.
«Selon le droit international des droits de l’homme, poursuit Semler, l’aide militaire américaine à Israël devrait être nulle.»
Le 27 avril, Human Rights Watch a publié un rapport, basé sur plus de deux ans de recherche et de documentation, qui affirme que l’oppression systématique des Palestiniens par le gouvernement israélien en Israël et dans les territoires occupés constitue un crime d’apartheid et de persécution.
Ces derniers jours, les progressistes [parmi lesquels des élus du Parti démocrate: Alexandria Ocasio-Cortez, Bernie Sanders, Rashida Tlaib…] ont dénoncé l’administration Biden pour avoir refusé de condamner les frappes aériennes meurtrières d’Israël sur Gaza et pour ne pas avoir tenu Israël pour responsable après que ses forces de sécurité ont envahi l’esplanade de la mosquée Al-Aqsa pour attaquer des fidèles pacifiques, ce qui faisait partie d’une attaque plus large contre les Palestiniens qui protestaient contre les tentatives des colons d’expulser les Palestiniens du quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est occupée.
«Le fait que Biden soit prêt à échouer de manière aussi spectaculaire sur ces deux points [atténuation de l’urgence climatique et opposition aux crimes de guerre potentiels] mérite une réponse unifiée du Congressional Progressive Caucus sur ce qu’il [le caucus des progressistes] compte faire une fois que Biden aura retiré sa demande officielle de budget», a ajouté Stephen Semler.
Lindsay Koshgarian, directrice de programme du National Priorities Project à l’IPS (Institute for Policy Studies) – spécialisée sur les thèmes relevant du budget fédéral –, a déclaré mardi 11 mai à Common Dreams que «la somme de 2,5 milliards de dollars en aide climatique internationale, comparée à plus de 3 milliards de dollars en aide militaire à un seul pays, serait risible si elle n’était pas si dangereuse». «Ce sont les priorités budgétaires du passé», a ajouté Lindsay Koshgarian. «Les États-Unis ont aujourd’hui l’occasion de joindre le geste à la parole. Pouvons-nous investir davantage pour sauver le monde que pour l’armer? Pouvons-nous accorder suffisamment d’importance aux droits de l’homme pour empêcher nos dollars de subventionner des violations des droits de l’homme telles que le système d’apartheid et les expulsions forcées qui ont lieu aujourd’hui en Israël?» (Article sur le site de Common Dreams, en date du 11 mai 2021; traduction rédaction A l’Encontre)
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[1] Les médias multiplient les déclarations énumérant les milliers de roquettes lancées par Hamas en direction d’Israël. Le très officiel Times of Israel du 14 mai donne un exemple de l’efficacité du «Dôme de fer» (bouclier antimissile) qui permet de mieux interpréter l’impact de ces centaines de roquettes lancées depuis Gaza. Selon les déclarations de l’armée israélienne reproduites par ce quotidien, à partir d’un échantillon, le décompte est le suivant: «200 des 480 roquettes tirées de Gaza vers Israël depuis lundi [10 mai] ont été interceptées par ce système et quelque 150 roquettes sont tombées à l’intérieur de la bande de Gaza». En outre, l’armée déclare ne neutraliser que les roquettes dont la trajectoire, rapidement mesurée, peut aboutir à toucher des zones habitées. Une des questions fort importante – qui n’entre pas dans la comparaison milliers de roquettes du Hamas et missiles puissants bien ciblés d’Israël – a trait au prix de chacun des missiles d’interception: «chaque tir de batterie revient à environ 50 000 dollars», ce qui permet de comprendre l’utilité des 500 millions pour les systèmes de défense antimissiles. En outre, silence est généralement fait sur le mortier à guidage laser, le «Iron sting», «conçu pour frapper des cibles avec précision dans des terrains ouverts ou des zones urbaines», selon le ministre de la Défense Benny Gantz. L’usage de cette arme explique aussi des tirs sur des «terrains ouverts», c’est-à-dire des terrains agricoles, dans Gaza, dont la «neutralisation» accroît la pénurie de biens alimentaires dans un Gaza soumis à un blocus des plus stricts. (Réd.)
[2] Le Washington Post, le 17 mai 2021, dans un article de Jacqueline Alemany, a indiqué que «l’administration Biden a approuvé la vente d’armes à téléguidage de précision d’une valeur de 735 millions de dollars à Israël». Selon le Washington Post, «l’essentiel de la vente proposée concerne les munitions d’attaque directe conjointes, ou JDAMS – Joint Direct Attack Munition –, c’est-à-dire des kits qui transforment les bombes dites «muettes» en missiles à téléguidage de précision». Or, le Congrès n’a été informé de cette proposition de vente que le 5 mai, environ une semaine avant le début des bombardements sur Gaza. Divers élus et assistants parlementaires ont souligné que peu de transparence existait «dans les délibérations de la Commission des affaires étrangères». Ce qui permet que des «accords sensibles» soient approuvés sans avoir été vraiment examinés par le Congrès qui dispose de 15 jours, «une fois la notification officielle effectuée… pour s’y opposer par une résolution de désapprobation non contraignante». (Réd.)
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