Gaza. «Le pire depuis le début de la guerre»

(Photo: OMS)

Le 30 mai, l’OCHA (Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU) «avertit que la situation catastrophique à Gaza est la pire depuis le début de la guerre». Il souligne que «les frappes se sont poursuivies dans toute la bande de Gaza, en particulier dans le nord, où le dernier hôpital encore partiellement opérationnel, Al Awda, a été contraint d’évacuer ses patients hier soir après avoir été frappé à plusieurs reprises ces derniers jours. Les attaques se sont également poursuivies plus au sud, à Deir al-Balah, dans les camps d’Al-Bureij et d’An-Nuseirat. […] Les déplacements se sont poursuivis dans toute la bande de Gaza, avec près de 200 000 personnes déplacées au cours des deux dernières semaines seulement. Hier, les autorités israéliennes ont émis un nouvel ordre de déplacement couvrant environ 30% du territoire total de Gaza, dans le nord de Gaza, l’est de la ville de Gaza et Deir al-Balah.»

En tant que «puissance occupante» – selon le droit international – le gouvernement israélien aurait l’obligation, comme l’affirme l’OCHA, d’assurer «l’entrée de quantités beaucoup plus importantes de fournitures essentielles par plusieurs points de passage et itinéraires». Or, le gouvernement israélien privatise et militarise une prétendue aide humanitaire, prenant appui sur la structure fantoche Gaza Humanitarian Foundation qui fait appel à des mercenaires et est appuyée par l’armée israélienne.

A ce propos, Philippe Lazzarini, commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), a publié sur les réseaux sociaux, le 1er juin, que cette opération israélo-états-unienne «est devenue un piège mortel… Ce système humiliant a contraint des milliers de personnes affamées et désespérées à marcher pendant des dizaines de kilomètres pour se rendre dans une zone pratiquement détruite par les bombardements intensifs de l’armée israélienne.» Philippe Lazzarini ajoute que «l’acheminement et la distribution de l’aide doivent être à grande échelle et sûrs. A Gaza, cela ne peut se faire que par l’intermédiaire des Nations unies, y compris l’UNRWA.» Et il appelle Israël «à lever le blocus de l’aide humanitaire, en place depuis trois mois, et à permettre un accès sûr et sans entrave, car c’est le seul moyen d’éviter une famine massive, notamment parmi un million d’enfants». Dans un entretien donné à Middle East Eye le 2 juin, Philippe Lazzarini déclare: «Si Gaza n’est plus désormais un territoire pour les Palestiniens, ils considéreront qu’il s’agit de leur deuxième Nakba.» (Réd. A l’Encontre)

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«Comme si ces centres de distribution d’aide distribuaient la mort, à la place»

Radio-Canada Info, 31 mai 2025.

Par Maha Hussaini et Mohammed al-Hajjar (Gaza) et Ahmed Aziz à Khan Younis (Palestine occupée)

Les forces israéliennes ont commis un nouveau massacre le 1er juin visant des Palestiniens qui cherchaient de l’aide dans la bande de Gaza, tuant au moins 32 personnes et en blessant des dizaines d’autres, a déclaré dimanche le ministère palestinien de la Santé.

Selon des témoins oculaires et des responsables locaux, les forces israéliennes ont ouvert le feu directement sur des civils rassemblés à deux points de distribution de nourriture américano-israéliens à Rafah et dans le centre de Gaza.

Au moins 31 personnes ont été tuées à Rafah et une dans le centre de Gaza, tandis que plus de 200 ont été blessées, dont beaucoup gravement.

Le ministère de la Santé [de Gaza] a accusé Israël d’utiliser le nouveau mécanisme d’aide comme un «piège pour commettre des massacres» et un outil pour «le déplacement forcé de la population de Gaza».

Il a ajouté que les personnes tuées dans le «massacre» présentaient des blessures par balle à la tête ou à la poitrine, ce qui indique une intention claire de tuer.

A Rafah, des milliers de personnes ont reçu l’ordre de faire la queue à environ 500 mètres du point de distribution de la Gaza Humanitarian Foundation situé au rond-point Al-Alam, a déclaré le journaliste local Mohammed Ghareeb à Middle East Eye.

Alors que la foule approchait de la zone, les forces israéliennes ont ouvert le feu dans toutes les directions, ont déclaré des témoins oculaires.

«Je me tenais parmi la foule, mais lorsque les gens ont commencé à se précipiter vers le point de distribution, je n’ai pas pu les suivre car des centaines de personnes poussaient pour avancer», a déclaré Marwa al-Naouq.

«Puis un quadricoptère [drone] est apparu et a commencé à tirer sur eux. Après cela, l’armée israélienne a ouvert le feu directement sur la foule, et les «forces de sécurité» américaines appuyant la GHF ont tiré des grenades lacrymogènes. Des dizaines de personnes ont été tuées et blessées alors que les gens couraient dans toutes les directions pour tenter de s’échapper.»

Marwan al-Hems, directeur des hôpitaux de campagne à Gaza, a décrit la scène comme un «massacre et un carnage». «L’occupation a pris pour cible des personnes affamées, comme si ces centres de distribution d’aide distribuaient la mort à la place.»

Les hôpitaux du sud de Gaza ont été submergés, les patients s’entassant dans les couloirs et gisant sur le sol faute de lits et de fournitures médicales, a déclaré Marwan al-Hems. «Nous avons essayé de sauver autant de personnes que possible, mais nous en avons perdu certaines en raison d’une pénurie de sang», a-t-il ajouté.

Le Hamas a accusé Israël d’utiliser l’aide humanitaire comme une arme, affirmant que le système de distribution de nourriture s’inscrivait dans le cadre d’une campagne plus large de génocide.

L’armée israélienne a affirmé «ne pas avoir connaissance de blessés causés par les troupes [de l’armée israélienne]».

Embuscade

A Rafah et dans le centre de Gaza, des témoins oculaires ont décrit les incidents comme des «embuscades» menées par les forces israéliennes. En coordination avec le «personnel de sécurité» américain travaillant pour la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), des civils affamés ont reçu l’ordre, aux premières heures du jour, de se rendre à un point de rassemblement près du pont de Wadi Gaza, officiellement pour recevoir de l’aide.

Au lieu de cela, ils ont été accueillis par des tirs directs, selon le Bureau des médias du gouvernement basé à Gaza. Beaucoup restent «pris au piège sous des tirs continus à proximité du centre d’aide», a rapporté le bureau.

Une scène similaire s’est déroulée à Rafah, où des milliers de personnes s’étaient rassemblées pendant la nuit pour recevoir de la nourriture. «Ils nous ont dit d’aller dans cette zone humanitaire pour recevoir de la nourriture, puis ils nous ont tués», a déclaré Arafat Siyam, un survivant, à MEE. Le frère de Siyam a été tué.

Les deux hommes étaient arrivés sur le site d’aide vendredi 30 mai à 23 heures, dans l’espoir de ramener de la nourriture à leurs enfants affamés. «Les Américains nous mentent. Depuis quand se soucient-ils de l’aide humanitaire?  Ils appellent ça un poste humanitaire, puis ils nous tuent là-bas.»

Selon le bureau des médias, les forces israéliennes ont tué au moins 49 Palestiniens et blessé 305 autres dans les centres de distribution gérés par la GHF depuis le début de l’opération, le 27 mai.

La GHF, une organisation américaine en proie à des controverses soutenue par Israël, a été créé pour contourner l’infrastructure humanitaire de l’ONU à Gaza.

De hauts responsables humanitaires ont condamné ce projet, affirmant qu’Israël devait cesser de bloquer le système mis en place par l’ONU et permettre à l’aide d’arriver sans obstruction.

Au total, les forces israéliennes ont tué plus de 54 000 Palestiniens dans la bande de Gaza depuis octobre 2023, dont au moins 16 500 enfants. En outre, plus de 10 000 personnes sont portées disparues et présumées mortes, tandis que près de 120 000 autres ont été blessées. (Article publié par Middle East Eye, le 1er juin 2025; traduction rédaction A l’Encontre)

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«Le déploiement militaire de denrées alimentaires comme moyen de déplacer une population»

Par Mera Aladam

Les forces israéliennes ont abattu lundi 2 juin trois  affamés dans un centre de distribution de l’aide humanitaire américano-israélien (GHF) dans le sud de Gaza, portant à plus de 75 le nombre de personnes tuées en moins de six jours alors qu’elles tentaient de se procurer de la nourriture.

Le ministère de la Santé de Gaza a rapporté que trois Palestiniens ont été tués et au moins 35 blessés lorsque les forces israéliennes ont ouvert le feu près d’un site de distribution d’aide humanitaire à Rafah géré par la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), soutenue par les Etats-Unis et Israël.

Le ministère a indiqué que, selon son propre décompte, au moins 75 Palestiniens ont été tués et plus de 400 blessés alors qu’ils faisaient la queue pour obtenir de la nourriture depuis que la GHF a lancé ses opérations à Gaza le 27 mai.

Les meurtres de lundi ont eu lieu quelques heures après que les forces israéliennes ont abattu au moins 35 Palestiniens à deux points de distribution de nourriture américano-israéliens à Rafah et dans le centre de Gaza. […]

Depuis le lancement de ses opérations mardi dernier, la GHF affirme, sans fournir aucune preuve, avoir distribué des dizaines de milliers de colis alimentaires aux Palestiniens dans le besoin, soit une fraction de ce qui, selon les agences humanitaires, est nécessaire pour faire face à la famine qui sévit dans la bande de Gaza.

Le nouveau système d’aide, qui limite la distribution de nourriture à un petit nombre de centres gardés [quatre] par des agents de sécurité américains, vise à soustraire la distribution aux organisations humanitaires dirigées par les Nations unies.

L’ONU et d’autres grandes organisations humanitaires ont critiqué à plusieurs reprises ce mécanisme, et Médecins Sans Frontières (MSF) a averti que «l’utilisation de l’aide comme une arme pourrait constituer un crime contre l’humanité».

«Les événements d’aujourd’hui ont montré une fois de plus que ce nouveau système d’acheminement de l’aide est déshumanisant, dangereux et totalement inefficace», a déclaré dimanche Claire Manera, coordinatrice d’urgence de MSF. «Il a entraîné la mort et des blessures de civils qui auraient pu être évitées. L’aide humanitaire doit être fournie uniquement par des organisations humanitaires qui ont la compétence et la détermination nécessaires pour le faire de manière sûre et efficace.»

«Un système hideux»

Rob Williams, directeur général de l’organisation de défense des droits humains War Child Alliance, a également critiqué le mécanisme d’aide soutenu par les Etats-Unis et Israël, affirmant que les scènes à Rafah sont «une condamnation accablante d’un modèle qui n’aurait jamais dû exister». «Enfermer des familles désespérées derrière des barrières et placer l’aide sous bonne garde armée viole non seulement les principes humanitaires, mais aussi les règles élémentaires de décence. La véritable monstruosité de ce système hideux réside dans le fait de déguiser en action “humanitaire” le déploiement militaire de denrées alimentaires comme moyen de déplacer une population.»

Depuis le 2 mars, Israël interdit toute entrée de marchandises à Gaza, y compris la nourriture, l’eau et les médicaments, afin de contraindre le Hamas à renégocier l’accord de cessez-le-feu conclu en janvier.

Israël veut que le mouvement palestinien libère les derniers otages israéliens détenus à Gaza en échange d’une aide humanitaire, d’une trêve prolongée et de la libération d’autres prisonniers palestiniens détenus dans les prisons israéliennes.

Mais le Hamas insiste pour qu’Israël s’engage à un cessez-le-feu permanent, affirmant que tout «accord partiel» permettra à Israël de reprendre les massacres à Gaza.

Depuis la violation de l’accord de cessez-le-feu, les forces israéliennes ont tué au moins 4000 personnes lors d’attaques visant des tentes, des hôpitaux et des écoles transformées en abris.

Selon les autorités sanitaires et gouvernementales palestiniennes, au moins 54 000 Palestiniens ont été tués par les forces israéliennes depuis octobre 2023, dont plus de 28 000 femmes et fillettes.

Ce chiffre comprend également au moins 1400 professionnels de la santé, 280 travailleurs humanitaires de l’ONU – le plus grand nombre de morts parmi le personnel de l’ONU depuis sa création – et au moins 180 journalistes, le plus grand nombre de professionnels des médias tués dans un conflit depuis que le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a commencé à enregistrer ces données en 1992.

En janvier 2025, la revue médicale The Lancet a rapporté que le nombre de morts était probablement sous-estimé de 41%. L’étude estime que 59,1% des personnes tuées étaient des femmes, des enfants et des personnes âgées de plus de 65 ans. Elle ne fournit pas d’estimation du nombre de combattants palestiniens parmi les morts.

Ce bilan représente 2,9% de la population de Gaza avant la guerre, «soit environ un habitant sur 35», selon l’étude. (Article publié par Middle East Eye, le 2 juin 2025; traduction rédaction A l’Encontre)

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