L’establishment du Parti républicain a lancé une campagne pour tenter d’évincer Donald Trump, le favori pour les élections primaires républicaines, en tant que candidat républicain à la présidence. Pour l’heure, l’échec des sommets du Parti républicain
Mitt Romney [son père, George W. Romney, fut président d’American Motors Corporations de 1954 à 1962 et fut gouverneur du Michigan de 1963-1969; Mitt lui a été à la tête d’une société d’investissement Bain Capital, puis gouverneur du Massachusetts, après avoir échoué en 2006 dans les primaires républicaines face à Cain] avait été candidat républicain contre Obama en 2012. Mitt Romney a lancé une campagne pour barrer la route à Trump avec le slogan «N’importe qui sauf Trump». En déclarant qu’une présidence de Trump serait un désastre pour «l’Amérique». Il suggère que dans le cas où Trump gagnerait les primaires et serait choisi, les électeurs et électrices ne devraient pas le soutenir lors de l’élection présidentielle de 2016 [avec l’entrée en fonction en janvier 2017].
Au cours des dernières semaines, des donateurs républicains ont versé des dizaines de millions de dollars pour faire paraître des annonces publicitaires contre Trump dans les Etats où se déroulaient les primaires.
La victoire générale de Trump dans les élections primaires du 15 mars a constitué un revers pour la campagne de l’establishment républicain. Il a devancé les autres candidats, et seul Ted Cruz, le sénateur d’extrême droite du Texas, a encore une chance – limitée – contre lui. Les sondages effectués après ces primaires indiquent qu’une large minorité de Républicains opteraient pour un «parti tiers» [un troisième parti ou candidature présidentielle], si Trump gagnait la nomination.
L’establishment républicain n’aime pas Cruz, et le considère comme inéligible dans l’élection générale. La campagne organisée par Romney vise à empêcher que Trump ne gagne suffisamment de délégués à la Convention républicaine pour avoir une majorité. Si ce but était atteint, cela entraînerait une convention «négociée», c’est-à-dire une tentative en coulisses pour trouver une alternative à Trump en tant que candidat du parti.
Trump a riposté en menaçant que s’il avait gagné un grand nombre de délégués et qu’on lui refusait la nomination. il y aurait des émeutes lors de la Convention.
Au cours de ces dernières semaines, Trump a accentué sa rhétorique raciste et a encouragé la violence contre ceux qui protestaient contre ses rassemblements. Depuis quelque temps, il incitait ses supporters à expulser physiquement les protestataires non violents, voire silencieux, mais maintenant il a élevé d’un cran cette stratégie. Voici certaines des admonestations qu’il a lancées à ses supporters alors qu’ils assaillaient les protestataires:
- «Je te dis que j’aimerais le cogner au visage»
- «Dans les bon vieux temps cela ne se passait pas ainsi parce que ce qu’ils faisaient à ce genre de mecs était très, très rude.»
- «J’aime les bons vieux temps. Vous savez ce qu’ils faisaient à des gars comme ça quand ils venaient à un endroit comme celui-ci? On les sortait sur des civières, mes amis.»
- «Si vous voyez quelqu’un qui s’apprête à jeter une tomate [aucun protestataire n’a jamais jeté des tomates lors de ses rassemblements], il faut les dérouiller, pas vrai? Sérieusement, il faut juste les rétamer.»
Lorsqu’il évoque les «bons vieux temps», il se réfère à l’époque de la ségrégation, lorsqu’un protestataire noir se manifestait lors d’un rassemblement raciste blanc comme celui de Trump [«un endroit comme celui-ci»], il aurait été tué [et aujourd’hui beaucoup de ceux qui protestent contre les rassemblements de Trump sont des Noirs, des Latino et d’autres personnes de couleur et du mouvement Black Lives Matter].
Un sondage à la fin de l’élection primaire précédente, en Caroline du Sud, que Trump a gagné haut la main, 20% des personnes qui votaient pour lui estimaient qu’ Abraham Lincoln [président des Etats-Unis de 1861 à 1865] avait eu tort d’émanciper les esclaves afro-américains lors de la guerre civile [1861-1865] et un peu plus d’un tiers regrettaient que les Etats sudistes n’aient pas gagné cette guerre. Il est probable qu’ils étaient bien plus nombreux être de cet avis. mais se gênaient de le dire publiquement.
Lors d’un récent rassemblement en Caroline du Nord, alors qu’un groupe de jeunes Noirs étaient refoulés vers la sortie de la salle du meeting, un partisan blanc de Trump a cogné l’un d’entre eux au visage. Interviewé par la télévision, l’agresseur dit avec un large sourire qu’il s’était bien amusé au rassemblement parce qu’il avait pu «cogner ce…». Il a marqué une pause pendant qu’il cherchait un autre mot que celui de «nègre» qui était sur ses lèvres – et a finalement dit «cette grande gueule». Ensuite il a ajouté «une prochaine fois il pourrait être tué».
L’homme a été arrêté pour agression. Trump a déclaré qu’il paierait les dépenses légales pour sa défense.
Plus tard, à une autre réunion dans l’Ohio, Trump a accusé un protestataire d’être un agent de ISIS (l’Etat islamique). Ensuite, le 11 mars, lors un meeting à St. Louis, 31 personnes ont été arrêtées suite à des heurts entre les supporters de Trump et les protestataires. Le journal New York Daily News montrait un protestataire africain-américain ensanglanté qui gisait à terre sous le titre «Du sang sur les mains de Don» (Donald Trump).
Les choses ont été très différentes lorsque Trump est venu à Chicago le même soir. Jusqu’alors les protestataires avaient été peu nombreux, mais à Chicago il a été accueilli par 3000 opposants.
Il avait été prévu que Trump parlerait à l’Université d’Illinois-Chicago, un campus à majorité non-blanche. Lorsqu’ils ont appris que Trump viendrait dans leur campus, les étudiant·e·s de quelques facultés ont commencé à organiser une mobilisation de protestation antiraciste. Une large coalition pour les droits des étudiants immigrés s’est constituée, comprenant des groupes latinos, musulmans, arabes et noirs, le syndicat des étudiants noirs et Black Lives Matter parmi beaucoup d’autres, y compris le syndicat des travailleurs du campus.
L’après-midi du meeting, les protestataires se sont réunis sur le campus, où ils ont été rejoints par des habitants, en grande partie latinos, des quartiers environnants.
Un autre groupe de jeunes Noirs de Chicago, Fearless Leading by the Youth [Sans peur dirigée par les jeunes], qui organisait une manifestation parce que l’administration du Parti démocrate avait couvert le maire Rahm Emmanuel lorsqu’un jeune Noir s’est fait assassiner par la police.
Lorsque les membres de ce groupe ont eu connaissance de la manifestation qui se préparait, ils ont décidé de la rejoindre et de mettre en avant leur propre revendication, pour la démission de Rahm Emmanuel et de son Procureur général.
Les 3000 manifestants multiraciaux ont convergé vers le stade où devait avoir lieu le meeting avec des pancartes en espagnol, en arabe et en anglais portant beaucoup de slogans différents contre les attaques racistes de Trump. Le stade a été entouré de milliers de posters, de banderoles, d’une section de cuivres et d’une bande mariachi.
Aussi bien des supporters de Trump que ses opposants ont réussi à s’introduire dans le stade, et beaucoup d’autres restaient l’extérieur. La tension était palpable. Puis, à peine une demi-heure avant l’arrivée prévue de Trump, celui-ci a annulé le meeting.
Contrairement à ce qui a été rapporté par beaucoup de journaux, ce ne sont pas les opposants qui se trouvaient à l’intérieur du stade qui ont empêché le meeting, mais Trump lui-même qui l’a fait en voyant le nombre de protestataires. Ceux-ci étaient bien organisés et disciplinés. Et ils attendaient simplement l’arrivée de Trump pour protester.
Lorsque l’annulation du meeting a été annoncée, les protestataires à l’intérieur du stade, y compris ceux qui s’étaient déguisés en supporters de Trump, ont commencé à applaudir. Furieux, les supporters de Trump ont attaqué les opposants, qui se sont défendus. La candidate démocrate Hillary Clinton a déclaré que «les deux côtés» étaient fautifs!
Les autres candidats républicains ont dénoncé Trump pour ses incitations à la violence. Mais l’establishment républicain fait preuve d’hypocrisie lorsqu’il critique Trump, car il est également opposé à la réforme de l’immigration et la plupart des Latinos savent que cela constitue une attaque contre eux tous. L’establishment républicain veut augmenter la militarisation de la frontière avec le Mexique. Depuis l’établissement de la «Southern Strategy» dans les années 1970, les Républicains ont accepté le racisme anti-Noir et restreint les droits de vote des Noirs et des Latinos dans les Etats qu’ils contrôlent.
Ils ont également insinué que les Musulmans étaient dangereux. Sur ces questions et d’autres, y compris dans la politique étrangère, ils ont posé les bases pour Trump. La seule chose qui les gêne est que Trump exagère grossièrement la politique des républicains, ce qui leur fait craindre que le Parti républicain pourrait ne pas gagner l’élection présidentielle, et que Trump soit incontrôlable.
Il faudra examiner, dans les mois à venir, comment le Parti républicain gérera ses profondes divisions. Il est inutile de spéculer là-dessus: nous en saurons davantage lors de la Convention du Parti républicain, ou même plus tard.
Les démocrates ne sont pas la réponse aux positions de plus en plus droitières des républicains, mais cela fait partie d’un autre article. (Article envoyé par Barry Sheppard à A l’Encontre; traduit par A l’Encontre)
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