Par Naomi LaChance
[En date du 18 juillet, A l’Encontre a publié un article sur la préparation d’une grève à échéance du 31 juillet par les salarié·e·s d’UPS aux Etats-Unis, si un accord n’intervenait pas entre le syndicat des Teamsters et la direction d’UPS. Dans un post-scriptum du 26 juillet, nous indiquions l’aboutissement des négociations et la soumission de l’accord au vote des salarié·e·s d’UPS. L’article qui suite tire le bilan de la mobilisation, du contenu de l’accord, du vote et des réserves exprimées par un secteur de salarié·e·s. – Réd. A l’Encontre] Le vote de la base syndicale sur l’accord a pris fin le mardi 22 août. Les 340 000 travailleurs et travailleuses d’UPS organisés par le syndicat se sont prononcés sur le projet d’accord avec le géant de la logistique. Ce projet comprend des avancées telles que l’ajout de l’air conditionné dans les véhicules et des augmentations de salaire.
Les représentants des Teamsters et UPS ont finalisé ce projet d’accord le 25 juillet, évitant ainsi une grève si ce projet était accepté. Les directions des sections locales du syndicat des Teamsters ont voté à Washington le 31 juillet en faveur de l’accord portant sur une durée de cinq ans.
«Il s’agit d’un accord historique, le plus fructueux de l’histoire des Teamsters avec UPS», a déclaré Kara Deniz, directrice adjointe du département des initiatives stratégiques du syndicat des Teamsters.
Le syndicat a notamment obtenu que la journée Martin Luther King [3e lundi du mois de janvier] devienne un jour férié payé, que les heures supplémentaires soient limitées et que le syndicat puisse entamer des négociations en cas d’urgence nationale due à une pandémie.
Certains travailleurs sont satisfaits de l’accord. «Notre syndicat était organisé et nous n’avons rien lâché. Nous avons atteint tous les objectifs que les membres d’UPS Teamster voulaient et demandaient avec cet accord. C’est un vote positif pour le contrat le plus historique que nous avons jamais passé», a déclaré Brandy Harris, membre à temps partiel de la section locale 174 d’UPS à Seattle [Etat de Washington] et membre du comité national de négociation du syndicat des Teamsters.
Jennifer Hancock, manutentionnaire à temps partiel à Richmond, en Virginie, travaille pour UPS depuis 32 ans. Elle fait partie de Teamsters Mobilize, une initiative de la base des travailleurs et travailleuses d’UPS visant à obtenir un meilleur contrat. Initiative qui a été lancée en août 2022. Teamsters Mobilize compte 14 membres actifs à Richmond, mais des dizaines d’autres font partie du groupe. La direction du syndicat n’a pas répondu directement à leurs revendications.
«Les responsables ont qualifié ce contrat d’historique et, d’un certain point de vue, je suis d’accord avec eux», a-t-elle déclaré. «C’est un très bon contrat, probablement parce que les quatre ou cinq contrats précédents étaient très mauvais.» Elle ajoute que les salaires des travailleurs et travailleuses à temps partiel n’ont pas été indexés à l’inflation et que l’augmentation prévue à 21 dollars de l’heure n’est pas suffisante. Teamsters Mobilize réclame un salaire de base de 25 dollars de l’heure. L’accord fixe le taux maximal pour les travailleurs et travailleuses à temps plein à 44,25 dollars l’heure pour cette année. Le taux maximal pour les travailleurs et travailleuses à temps partiel est fixé à 31,14 dollars. En 2027, un travailleur à temps plein pourrait gagner 49 dollars de l’heure, mais un travailleur à temps partiel, qui commence en 2023, gagnerait 23 dollars cette année-là, en 2027.
Or, 60% des travailleurs et travailleuses syndiqués d’UPS sont engagés à temps partiel. Alors que de nombreux travailleurs à temps plein souhaitent passer plus de temps avec leur famille, les travailleurs à temps partiel veulent avoir la possibilité de travailler davantage. A l’heure actuelle, ils sont autorisés à travailler 3,5 heures par jour, 5 jours par semaine. L’une des solutions proposées par l’accord consiste à créer davantage de postes à temps plein auxquels les salarié·e·s à temps partiel pourraient postuler, mais Jennifer Hancock est sceptique à ce propos. «Il est difficile de le faire au niveau local, car les postes à pourvoir sont disséminés dans tout le pays.»
La direction du syndicat vante les augmentations de salaire accordées aux travailleurs à temps partiel. «C’est la première fois que l’on obtient une augmentation de salaire pour les travailleurs et travailleuses à temps partiel conjointement à celle pour les travailleurs à temps plein», a déclaré Kar Deniz à l’émission CBS MoneyWatch. «Nous avons fait pression très fort sur UPS, aussi fort que nous le pouvions. Ils ne pouvaient rien faire d’autre. Nous avons tout obtenu.»
José Francisco Negrete, manutentionnaire à temps partiel à Anaheim, en Californie, fait également partie de Teamsters Mobilize. Comme Jennifer Hancock, il s’oppose à l’accord. «Je ne comprends pas pourquoi nous n’avons pas pu aller plus loin», déclare-t-il. Sa principale préoccupation est que l’augmentation potentielle du salaire des travailleurs à temps partiel reste ce qu’il qualifie de «salaire de misère».
Bien que l’accord mette fin à un système formel de salaires à deux niveaux pour les chauffeurs, où certains étaient catégorisés différemment et moins bien payés, José Francisco Negrete a déclaré que, de facto, un système de salaires à deux niveaux subsisterait tant que les travailleurs et travailleuses à temps partiel seraient moins bien payés de l’heure que les travailleurs à temps plein.
Les travailleurs savent qu’UPS peut se permettre une augmentation salariale plus importante. En 2022, UPS a enregistré un bénéfice record de 11,3 milliards de dollars pour un chiffre d’affaires de 100 milliards de dollars.
Michelle Polk, directrice de la communication chez UPS, a déclaré: «Nous avons conclu un accord gagnant-gagnant-gagnant (win-win-win) sur les questions qui sont importantes pour les dirigeants du syndicat des Teamsters, nos collaborateurs, UPS et nos clients. Cet accord continue de récompenser les employés à temps plein et à temps partiel d’UPS avec des salaires et des avantages sociaux à la pointe de cette industrie, tout en conservant la flexibilité dont nous avons besoin pour rester compétitifs, servir nos clients et maintenir la prospérité de notre entreprise.»
José Francisco Negrete a déclaré que la manière dont les travailleurs d’UPS ont été traités pendant le confinement du Covid-19 constituait pour lui un problème majeur. Ils se sont mis en danger – certains sont morts – alors que le pays comptait sur eux pour l’approvisionnement en produits alimentaires, en médicaments et même en matériel de gymnastique. «Je n’ai rien vu dans ce paquet “économique” qui traduise ce que nous avons donné à UPS à l’époque», a-t-il déclaré. «Je n’ai rien vu dans ce paquet économique qui représente ce que nous avons donné à UPS à l’époque… C’est comme si UPS était amnésique et que la pandémie n’avait jamais eu lieu. Il s’agissait simplement d’une période de pointe prolongée pour UPS, qui a enregistré des bénéfices record.»
Le président général des Teamsters, Sean M. O’Brien, a déclaré dans un communiqué: «Les membres de base des Teamsters d’UPS ont tout sacrifié pour permettre à ce pays de traverser une pandémie et à UPS d’engranger des bénéfices record. Le travail des Teamsters fait tourner l’Amérique. Le syndicat s’est engagé dans ce combat avec la volonté de gagner en faveur de ses membres. Nous avons exigé le meilleur contrat de l’histoire d’UPS et nous l’avons obtenu.»
Or, non seulement les travailleurs d’UPS s’exposent au risque de Covid, mais ils s’exposent également au risque de travailler sous des températures élevées. Luigi Morris, manutentionnaire à temps partiel à Canarsie, Brooklyn, a déclaré que la température dans l’entrepôt pouvait être suffocante. «Nous travaillons très dur, très intensément.» Luigi Morris est également membre de Teamsters Mobilize.
Les Teamsters ont remporté une grande victoire lorsque UPS a accepté de commencer à installer, l’année prochaine, la climatisation dans les camions. Mais il n’est pas prévu pour l’instant d’installer la climatisation dans les entrepôts.
UPS a déclaré sur son site web: «Les Teamsters ont fait de la climatisation une priorité absolue pour leurs membres. Les nouvelles solutions sur lesquelles nous avons passé un accord amélioreront la circulation de l’air, la température et le confort de nos employés.»
Luigi Morris pense que la raison de la différence entre les camions et les entrepôts pourrait être que les chauffeurs sont en contact avec le public. «Tout ce qui se passe dans l’entrepôt est toujours invisible.»
«Il faudra trop d’argent pour rénover ces vieux bâtiments», nous a déclaré José Francisco Negrete. Il a ajouté qu’il y a quelques années, il a déposé une réclamation pour demander quelques ventilateurs, mais cela n’a pas été suffisant. «C’est ce qu’UPS aime faire, ils aiment mettre un pansement sur une blessure qui a besoin d’être opérée.»
Luigi Morris a voté contre l’accord. «Le non signifie pratiquement que nous voulions avoir la possibilité de nous battre pour obtenir davantage. Si le contrat avait été rejeté, cela aurait signifié que le syndicat retournait à la table des négociations, que nous brandissions à nouveau la menace de la grève pour obtenir plus que ce que nous avons déjà obtenu.»
L’amélioration des conditions de travail des travailleurs chez UPS grâce à un contrat plus solide pourrait constituer un levier pour les travailleurs et travailleuses d’Amazon, de Starbucks, des constructeurs automobiles, de Netflix et d’autres entreprises, nous a confié José Francisco Negrete.
Les travailleurs et travailleuses d’Amazon sont membres du syndicat des Teamsters. Ils ont organisé des piquets de grève dans tout le pays. Luigi Morris a déclaré que plusieurs de ses collègues travaillaient également pour Amazon. «C’est bien mieux d’avoir un contrat. C’est beaucoup mieux d’avoir un syndicat» [ce qui est l’objectif dans des dépôts d’Amazon].
Pour José Francisco Negrete, les négociations avec UPS s’inscrivent dans un combat plus large. «Ces entreprises travaillent en étroite collaboration les unes avec les autres. Elles savent qui est l’ennemi et c’est nous, les travailleurs et travailleuses… Nous sommes tellement pris dans nos propres petits collectifs que nous ne voyons pas la situation dans son ensemble, comme ces entreprises l’envisagent. Nous devons avoir conscience que ma lutte chez UPS n’est pas une lutte isolée.» (Article publié le 21 août sur le site Truthout; traduction rédaction A l’Encontre)
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