Etats-Unis. En 2022, Amazon a dépensé 14 millions pour faire obstacle à la création de syndicat dans ses entrepôts

Dépôt de Staten Island, New York, le 25 avril 2022 (KEYSTONE/REUTERS/BRENDAN MCDERMID)

Par Sharon Zhang

Alors que le mouvement syndical novateur d’Amazon Labor Union [voir sur ce site entre autres l’article publié le 4 mai 2022] prenait de l’ampleur – et, d’une certaine manière, s’essoufflait – en 2022, Amazon a dépensé des millions de dollars pour des experts antisyndicaux afin de s’assurer que le mouvement syndical échouerait. De nouveaux documents le montrent.

Comme l’a d’abord rapporté le HuffPost du 31 mars, de nouvelles données financières déposées vendredi auprès du Département du travail montrent qu’Amazon a dépensé 14,2 millions de dollars pour des experts antisyndicaux. Ces derniers sont engagés par des entreprises qui cherchent à briser les efforts des syndicats, en conseillant les directions sur les moyens de contourner ou de violer les lois fédérales afin d’écraser l’organisation syndicale.

Il est courant que les entreprises qui cherchent à briser les syndicats dépensent des sommes importantes pour engager ces experts, qui les aident à mettre en œuvre des mesures antisyndicales classiques, telles que l’organisation de réunions antisyndicales obligatoires. Ce qu’Amazon a fait à de multiples reprises.

Même dans ce contexte, les dépenses d’Amazon sont étonnamment élevées.

«Je n’ai jamais vu une autre entreprise déclarer des dépenses aussi élevées en une seule année», a déclaré sur Twitter Dave Jamieson, du HuffPost, qui a découvert les documents. Il ajoute qu’il est rare qu’une entreprise dépense plus d’un million de dollars en experts antisyndicaux au cours d’une année, et encore moins qu’elle en dépense 14 fois plus. Selon le HuffPost, les documents montrent qu’Amazon paie environ 3000 dollars par jour et par expert. Amazon a également dépensé 4,3 millions de dollars pour des conseilleurs antisyndicaux en 2021.

La publication de ces informations illustre les mesures extrêmes prises par l’entreprise pour empêcher la syndicalisation dans ses rangs, en particulier parmi les cols bleus.

L’entreprise a expliqué dans sa communication que les conseilleurs avaient été engagés pour «nous aider à exprimer l’opinion de l’entreprise sur la représentation syndicale» et «sensibiliser les employé·e·s sur ces questions […] et sur leurs droits légaux». Un porte-parole d’Amazon a expliqué au HuffPost que l’entreprise travaillait avec des firmes antisyndicales pour «s’assurer que nos employés sont pleinement informés de leurs droits».

En réalité, l’entreprise a violé le droit du travail à plusieurs reprises ces dernières années, comme l’ont affirmé des représentants des salarié·e·s. L’entreprise et ses consultants ont fourni aux employés des informations trompeuses sur les syndicats lors de réunions avec un auditoire captif, comme l’ont déclaré des travailleurs et travailleuses.

L’augmentation des dépenses antisyndicales d’Amazon l’année dernière est intervenue au moment où le syndicat prenait une ampleur sans précédent au sein de l’entreprise.

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Après une année au cours de laquelle les salarié·e·s du dépôt de Bessemer, en Alabama [voir les articles publiés sur ce site les 11 et 16 avril 2021], ont vu leurs efforts historiques anéantis par ce que les responsables syndicaux ont qualifié de combat antisyndical illégal, l’entreprise a dû faire face – au début de l’année 2022 – à de nouvelles initiatives dans deux entrepôts de New York, menées par une mobilisation de type syndical indépendante connue sous le nom d’Amazon Labor Union (ALU). Les salarié·e·s devaient mener une bataille extrêmement difficile, car l’entreprise s’efforçait d’écraser les deux efforts de syndicalisation.

En avril 2022, l’impensable s’est produit. Les salarié·e·s d’Amazon ont voté en faveur de la création du tout premier syndicat de l’entreprise dans un entrepôt d’environ 8300 travailleurs situé à Staten Island, dans l’Etat de New York. L’élection a servi de catalyseur au syndicat, puisque des salarié·e·s de plus de 100 sites ont contacté l’ALU pour lui faire part de leur intérêt à rejoindre le mouvement. Plus tard au cours de l’été, les travailleurs d’Albany, dans l’Etat de New York, ont également déposé une demande d’adhésion à un syndicat.

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Mais la victoire éclatante du syndicat s’est également soldée par une défaite cuisante. En mars 2022, les travailleurs de Bessemer perdent leur vote en faveur de l’adhésion au Retail, Wholesale and Department Store Union (RWDSU) lors d’une nouvelle élection ordonnée par les représentants du National Labor Relations Board (NLRB), dont le syndicat conteste les résultats [1]. Dans le deuxième entrepôt de Staten Island, la mise en place du syndicat a été refusée et à Albany à l’automne la défaite a été écrasante: deux voix contre une. Après la défaite d’Albany, dans un entrepôt de Californie, Moreno Valley, la demande de syndicalisation a été retirée.

Peut-être en raison des actions antisyndicales d’Amazon, ces défaites ont apparemment provoqué des tensions au sein du syndicat. Comme l’a récemment rapporté Noam Scheiber pour le New York Times du 21 mars 2023, ces défaites ont amené les salarié·e·s à remettre en question la direction du syndicat ALU, l’entreprise ayant apparemment continué à marteler son message antisyndical. (Article publié sur le site Truthout, le 3 avril 2023 ; traduction rédaction A l’Encontre)

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[1] Dans un communiqué de presse début avril 2022, le syndicat affirmait que l’entreprise avait «menacé un employé de fermer l’usine si l’existence du syndicat était votée», qu’elle a interdit aux salarié·e·s d’afficher de la documentation pro-syndicale et qu’elle a «surveillé et/ou donné l’impression de surveiller des employé·e·s engagés dans des activités communes légalement protégées», entre autres choses. (Réd.)

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