Par Pablo Stefanoni
L’Argentine a entamé l’année électorale [en octobre 2023: élections présidentielle, législatives et sénatoriales] dans un contexte de grave crise économique et sociale. Avec des sondages favorables à l’opposition de centre-droit, le péronisme se cherche une voie après le gouvernement en demi-teinte d’Alberto Fernández, marqué par des désaccords avec sa vice-présidente Cristina Fernández de Kirchner. Du côté de l’opposition de centre-droit, les primaires détermineront si c’est un «faucon» ou une «colombe» qui tentera de reconquérir la Casa Rosada [Palais présidentiel]. Du côté péroniste, il semble y avoir trop de choix et aucun à la fois, tandis qu’un troisième candidat d’extrême droite cherche à profiter du climat d’agitation qui règne.
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«Je ne serai candidate à rien, mon nom ne figurera sur aucun bulletin de vote», a annoncé l’ancienne et actuelle vice-présidente Cristina Fernández de Kirchner le 6 décembre 2022, après avoir été condamnée par la justice en première instance. Selon ses termes, une «mafia judiciaire». «Je veux confirmer la décision de ne pas être candidate aux prochaines élections. Il y a beaucoup de nouveaux dirigeants. J’ai confiance qu’ils ne nous laisseront pas piétiner par le populisme», a annoncé le 26 mars l’ancien président Mauricio Macri [dont le mandat s’est étendu de décembre 2015 à décembre 2019]. Ainsi, l’Argentine a entamé le compte à rebours des élections présidentielles et législatives du 22 octobre sans que les deux principaux dirigeants de la dernière décennie figurent sur les listes électorales.
Avant cette date, le 13 août, des primaires ouvertes, simultanées et obligatoires (paso) seront organisées. A diverses dates, plusieurs provinces ont élu et éliront leurs gouverneurs lors d’élections qui seront séparées des élections nationales (selon la convenance des dirigeants provinciaux). Mais il y a une donnée supplémentaire: le président lui-même, Alberto Fernández [en fonction depuis décembre 2019], a également annoncé, sous la pression de sa piètre popularité et du kirchnerisme qu’il ne se représenterait pas. Il a appelé à ce que la candidature péroniste soit choisie de manière concurrentielle, lors de primaires, dans un message implicite à la vice-présidente.
Alors que l’opposition de centre-droit regroupée dans l’alliance Juntos por el Cambio (JxC) se dirige vers les primaires avec des sondages en sa faveur et quelques tensions internes, le péronisme se trouve désorienté, avec un gouvernement rongé par les désaccords entre le président Alberto Fernández et la vice-présidente Cristina Fernández de Kirchner. Et dans un contexte économique et social critique, la question à laquelle sondages, politiques et journalistes tentent désormais de répondre est celle du plafond électoral du libertarien d’extrême droite Javier Milei, dont la campagne est basée sur le rejet de la «caste politique».
Les élections semblent traduire la fin du cycle qui a commencé en 2003 avec le triomphe de Néstor Kirchner [gouverneur de Santa Cruz de 1991 à 2003, président de mai 2003 à décembre 2007] et dont personne ne sait comment il se terminera. Si l’opposition l’emporte, seront-ce les «faucons» (Patricia Bullrich, ministre de la Sécurité depuis octobre 2015) ou les «colombes» (Horacio Rodríguez Larreta, chef du gouvernement de la Cité de Buenos Aires depuis décembre 2015) qui gouverneront? Le péronisme se dirige-t-il vers une défaite historique ou parviendra-t-il à renverser les prévisions les plus pessimistes d’ici à octobre? Combien d’Argentins sont-ils prêts à se jeter dans le vide avec un candidat «anarcho-capitaliste» comme Javier Milei pour protester contre les politiciens?
Un péronisme sans boussole
Cristina Fernández de Kirchner a clamé, avec l’habileté discursive qui la caractérise, sa «démission» après avoir été condamnée en première instance pour «administration frauduleuse au détriment de l’administration publique». Elle a déclaré qu’elle préférait aller en prison (ce qui n’arrivera pas, du moins dans les prochaines années) plutôt que d’être une «mascotte au pouvoir» selon les dires de personnes comme les PDG du groupe de médias Clarín, son ennemi numéro un. Elle a estimé que sa condamnation s’inscrivait dans le cadre d’une «guerre juridique» [lawfare: guerre juridique qui déforme la primauté du droit] et qu’il s’agissait même d’un «peloton d’exécution judiciaire» visant à la mettre hors la loi.
En paroles et en gestes, elle se réfère ainsi au péronisme historique: au renoncement d’Eva Perón en août 1951 [la puissante CGT et le Partido Peronista Femenino proposaient de proclamer Evita Perón à la vice-présidente établissant une formule Perón-Perón], alors qu’elle était déjà malade; aux exécutions après le coup d’Etat militaire de septembre 1955 [qui renversa le gouvernement de Juan Perón]; ainsi qu’à la mise hors la loi de Perón et de ses partisans entre 1955 et 1973. Ce faisant, elle a cherché à rallier le péronisme à sa défense politico-judiciaire. La condamnation fait référence à un procès sur l’attribution de travaux publics dans la province patagonienne de Santa Cruz, qui aurait bénéficié à l’homme d’affaires Lázaro Báez, très proche des Kirchner, et pour certains, son homme de paille. Mais pour la vice-présidente, les juges cherchent à écarter du jeu des hommes politiques populaires, comme ce fut le cas pour Luiz Inácio Lula da Silva au Brésil. Le kirchnerisme tire même un fil rouge entre les allégations médiatisées du procureur dans l’affaire et la condamnation de Cristina à six ans de prison, et l’attentat contre Cristina Fernández le 1er septembre 2022, commis par un groupe de jeunes vendeurs de barbe à papa radicalisés contre le gouvernement [1].
Après avoir annoncé qu’elle se présenterait «à rien», la vice-présidente a néanmoins laissé une «operativo clamor» («opération d’appel», autre expression très péroniste) de la part des dirigeants péronistes de niveau intermédiaire pour qu’elle revienne sur sa décision. Elle a cependant continué à envoyer des messages qui refroidissent ou simplement disqualifient cette possibilité. Mais cette fois-ci, non seulement Cristina Fernández se présentera «à rien», mais en plus, contrairement à 2019, elle ne sera pas en mesure de choisir le candidat présidentiel. A l’époque, elle avait posté une vidéo sur les réseaux sociaux dans laquelle elle annonçait qu’elle avait «demandé» à Alberto Fernández d’être son candidat à la présidence, et qu’elle s’était réservé la place de vice-présidente. Aujourd’hui, elle est loin de pouvoir résoudre les choses de cette manière, et le péronisme fait face à un scénario de désarroi. Avec un horizon sombre au niveau national, le mouvement fondé par Juan D. Perón dans les années 1940 se retranche dans la province stratégique de Buenos Aires, gouvernée par Axel Kicillof [gouverneur de la province de Buenos Aires depuis décembre 2019; de décembre 2011 à décembre 2013, il fut secrétaire de politique économique dans le cabinet de Cristina Fernandez de Kirchner, puis ministre de l’économie], pour tenter de ne pas perdre cette circonscription comme en 2015, lorsque le macrisme la lui a enlevée avec María Eugenia Vidal [gouverneure de la province de décembre 2015 à décembre 2019]. Fait sans précédent, le péronisme n’a pas de candidat compétitif à quelques semaines de l’enregistrement des candidatures.
La chose «normale» serait que l’actuel président, Alberto Fernández, se présente pour un nouveau mandat de quatre ans. Mais Fernández n’est pas un président «normal»: il a été élu par sa vice-présidente et sa relation avec elle, peu après son entrée en fonction, s’est détériorée et s’est soldée par la rupture du dialogue pendant de longues périodes. Le président n’a jamais pu décider de se soumettre à ou de se distancier de la vice-présidente. Il a navigué sur un chemin sinueux où sa fonction et sa parole ont été dévalorisées, sans qu’il puisse tracer une ligne de conduite. Les tensions se sont manifestées à plusieurs reprises. La plus importante concerne l’accord avec le Fonds monétaire international (FMI) pour renégocier la méga-dette contractée par Mauricio Macri, que le kirchnerisme a rejeté au motif que le pays perdait à nouveau sa souveraineté vis-à-vis de cette instance internationale. Cristina a envoyé des lettres publiques très dures à Alberto. Elle a parlé de «fonctionnaires qui ne travaillent pas», lui a demandé d’«utiliser sa plume» contre les puissants et a même cessé de répondre à son téléphone. Une fois, elle lui a même offert un cadeau «empoisonné» pour son anniversaire: après la signature de l’accord avec le FMI, elle lui a offert le livre Diario de una temporada en el quinto piso («Journal d’une saison au 5e étage») dans lequel l’universitaire Juan Carlos Torre raconte comment le gouvernement de Raúl Alfonsín (1983-1989), dont il était fonctionnaire à l’époque, a été réduit en miettes après la signature d’un accord avec le FMI. Et au cas où le message n’aurait pas été clair, Cristina a déclaré que le livre était «très actuel».
Dans les rangs albertistes, on estime que l’échec du gouvernement est largement dû à l’érosion permanente à laquelle l’ont exposée la vice-présidente et le kirchnerisme en général. Le ministre de la Sécurité, Aníbal Fernández, ne pouvait pas être plus clair. Dans une interview accordée à la radio Futurock, il a déclaré qu’Alberto Fernández avait dû faire face à trois calamités: «la pandémie, la guerre… et La Cámpora». La Cámpora n’est ni plus ni moins que le groupe politique dirigé par Máximo Kirchner, fils de Cristina Fernández et de Néstor Kirchner. Lorsque le journaliste lui a fait remarquer ce qu’il disait, le ministre a ironisé: «Cela m’a échappé, c’est sorti par accident.» [2]
La situation est curieuse: malgré la présence de la vice-présidente et de plusieurs ministres clés au sein du cabinet, dont le ministre de l’Intérieur Eduardo «Wado» de Pedro, et la gestion d’environ 60% du budget national selon certaines estimations, le kirchnerisme est largement dans l’opposition [3]. Cristina considérerait l’administration de Fernández comme une institution qui n’a jamais fonctionné. La schizophrénie que cela engendre joue contre les chances du péronisme en octobre. Alberto est allé jusqu’à déclarer publiquement, à l’occasion d’une rupture du dialogue avec Eduardo «Wado» de Pedro, qu’il gouvernait avec les ministres qu’il avait à sa disposition [4].
Avec une inflation de plus de 100% par an et une pauvreté de 39%, ainsi que la pénurie des réserves de change et la volatilité du dollar bleu (le taux de change non officiel), il serait difficile pour n’importe quel parti de remporter les élections, et encore plus en l’absence d’un leadership ou d’un discours unifié. L’ultra-pragmatique super-ministre de l’Economie Sergio Massa veut se présenter, mais il doit montrer des résultats. Le pro-Cristina Eduardo «Wado» de Pedro s’est déjà engagé, mais ne décolle pas dans les sondages. Daniel Scioli, actuel ambassadeur au Brésil, vice-président sous le gouvernement de Néstor Kirchner et ancien candidat à la présidence en 2015 – où il a perdu de peu – veut une seconde chance. On spécule même qu’il pourrait être le candidat d’Alberto Fernández (bien qu’il soit possible que personne ne veuille aujourd’hui se présenter sous cette houlette). Pour l’instant, Daniel Scioli ne suscite pas non plus beaucoup d’enthousiasme, bien qu’il ait commencé à «parcourir le pays» et que, vu le manque de candidats, il pourrait prendre sa revanche.
Et que fera Cristina Fernández de Kirchner dans ce contexte? La vice-présidente a toujours un accord politique avec Sergio Massa, bien que l’actuel ministre ait fini par être un farouche opposant à son gouvernement et qu’il ne cache pas ses liens étroits avec l’establishment et l’ambassade des Etats-Unis. Sergio Massa a essayé, tant qu’il le pouvait, d’être un pont entre Cristina et Alberto. Mais après avoir choisi Alberto Fernández comme président en raison de son profil modéré, puis l’avoir remis en question en le qualifiant de «tiède», la vice-présidente miserait-elle sur quelqu’un d’encore plus «à droite»? Quel effet cela pourrait-il avoir sur la base kirchneriste déjà découragée, qui manque de consignes et d’horizons plus précis de la part de sa marraine politico-idéologique?
Peu de gens, en fait presque personne, connaissent ou anticipent les mouvements politiques de Cristina, qui sont toujours enveloppés de mystère, de secret et d’effets de surprise, et souvent difficiles à comprendre dans toutes leurs dimensions. L’incertitude qui règne dans le péronisme est telle qu’à un moment donné, il a même été suggéré qu’elle aurait un candidat surprise, un candidat «secret». Le président de la compagnie pétrolière Yacimientos Petrolíferos Fiscales (YPF), Pablo González, a dû déclarer qu’il n’était pas le candidat surprise après que son nom a été mentionné dans plusieurs médias. Cristina pourrait soutenir Sergio Massa, s’il se présente finalement, et placer les siens à des positions stratégiques sur les listes électorales, mais aucun kirchneriste n’irait voter avec enthousiasme pour quelqu’un qu’il considère comme un simple «vendepatria». Ou encore, dans ce climat de spéculation, certains n’excluent pas que la vice-présidente finisse par miser sur Axel Kicillof comme candidat à la présidence: selon des sondages, il est celui qui recueillerait, en l’absence de Cristina, le plus de voix qui se seraient portées sur elle. Et elle-même pourrait-elle céder à la «pression», réviser sa position de se présenter à «rien» et dès lors se présenter pour «quelque chose»? Cela reste un vœu irréaliste: Cristina a mis fin à cette possibilité dans une lettre datée du 16 mai.
«J’ai déjà donné ce que j’avais à donner», a déclaré la vice-présidente lors d’une «master class» au Teatro Argentino de La Plata le 27 avril, face aux chants enthousiastes en faveur de «Cristina presidenta» [5]. Bien qu’une candidature présidentielle de la vice-présidente serait un séisme politico-électoral et qu’elle remporterait facilement les primaires péronistes, elle risquerait une défaite probable aux élections générales. Il serait plus sûr de se présenter au Sénat, poste qu’elle a déjà occupé dans le passé, afin d’attirer vers le péronisme les voix de la province de Buenos Aires, mais cela ne semble pas l’enthousiasmer non plus et elle reste attachée au discours du «renoncement».
Avec une présidence qui doit encore traverser des mois électoraux compliqués, Alberto Fernández n’a pas réussi à capitaliser – au-delà de l’obtention du soutien du président pour la renégociation de l’accord avec le FMI –, sur le plan personnel, sa rencontre tant attendue avec Joe Biden à la Maison Blanche. Le 3 février 2022, avant l’invasion de l’Ukraine, Fernández avait déclaré à Poutine, à Moscou, que l’Argentine serait la «porte d’entrée» de la Russie en Amérique latine – et l’avait remercié pour l’envoi du vaccin Sputnik contre le Covid-19. Mais, après le 24 février, le président argentin a montré un point de vue partagé avec le président états-unien, par exemple en ce qui concerne la valeur de la démocratie et des droits de l’homme et la condamnation de l’invasion. La rencontre a également été marquée par le thème de l’affrontement entre la Chine et les États-Unis, dans un contexte de présence croissante du pays asiatique en Amérique latine [6].
Serait-ce donc le moment du troisième renouveau péroniste après la reprise démocratique de 1983? Le premier, ainsi appelé, a été mené par Antonio Cafiero [péroniste de la première heure, économiste et ambassadeur auprès du Vatican lors du coup d’Etat de 1976] dans les années 1980, après la défaite traumatisante de 1983 face à Raul Alfonsín [membre de l’Union civique radicale-UCR et inaugurant la sortie de la dictature]. Cafiero a placé le péronisme sur la voie de la démocratie libérale avec un profil démocrate-chrétien. Bien que Cafiero ait perdu, à la surprise générale, la seule primaire péroniste à ce jour face à Carlos Menem en 1988, le renouveau a eu des effets durables.
Le second, sans nom, a été mené par Néstor Kirchner – et poursuivi par Cristina Fernández – et a fait basculer le péronisme vers le centre-gauche, après sa période «néolibérale» avec Menem dans les années 1990 [pésident de juillet 1989 à décembre 1999]. Mais contrairement au passé, la faction kirchneriste est devenue un courant permanent du péronisme (ce qui ne s’est pas produit avec les tendances dirigées par Cafiero, Menem ou Eduardo Duhalde) et avec certaines particularités qui l’éloignent du péronisme historique.
Le cristinismo s’est dans une large mesure superposé au péronisme et la persistance du rôle central de l’ex-présidente, qui jouit d’une très grande popularité. Il suscite en même temps un fort rejet. Il a empêché l’émergence d’un nouveau leadership qui adapterait le mouvement péroniste aux temps nouveaux (ce que le péronisme fait généralement bien) et qui rassemblerait derrière lui cette «désorganisation organisée» [7]. Une défaite «catastrophique» du péronisme, comme celle de 1983, pourrait accélérer ce processus, mais le scénario est encore incertain.
Dans ce contexte, chacun résiste comme il peut. Certains gouverneurs découplent les élections dans leurs provinces des élections nationales. Les maires de la banlieue de Buenos Aires lient leur sort à la popularité de Cristina et à la réélection du gouverneur Axel Kicillof (un leader à l’esthétique de la classe moyenne de Buenos Aires, étranger à la «culture» péroniste et méfiant à l’égard de ces maires). D’autres tout simplement attendent… Mais ce qui est certain, c’est que la marque Frente de Todos (FDT), qui exprimait la réunification du péronisme en incluant des secteurs comme celui de Sergio Massa, a perdu de sa valeur, et que le mouvement caractérisé par son efficacité dans la lutte pour le pouvoir ne montre aucun réflexe pour inverser sa faiblesse électorale. Les retrouvera-t-il une fois qu’il aura choisi un candidat, comme on peut s’y attendre à l’issue d’une compétition primaire? Le péronisme ne doit pas être sous-estimé, dit la raison. Il est probable qu’une fois élu, un candidat pourra concentrer le vote progressiste et «anti-macriste», mais il faudra sans doute un surcroît d’enthousiasme et des résultats en termes de gestion gouvernementale pour soutenir la campagne jusqu’en août/octobre.
Colombes, faucons et ultra-faucons
Pendant ce temps, l’opposition de centre-droit connaît ses propres tensions, en particulier Propuesta Republicana (PRO), le parti fondé par Mauricio Macri en 2005. Le PRO fait partie de Juntos por el Cambio (JxC), une alliance électorale réussie construite avec la centenaire Unión Cívica Radical (UCR) et d’autres forces plus petites, telles que la Coalición Cívica d’Elisa Carrió, et dans plusieurs districts, il inclut le Parti socialiste dans sa coalition électorale.
Si en 2015 Mauricio Macri (homme d’affaires, ancien président du club Boca Juniors et ancien chef du gouvernement de la ville de Buenos Aires) est arrivé à la présidence avec un discours post-idéologique, conseillé par le gourou équatorien Jaime Durán Barba [8], aujourd’hui l’ancien président s’est explicitement tourné vers la droite. Il a exposé son point de vue sur son passage au gouvernement et sur la situation actuelle dans deux livres: Primer tiempo (2021) et Para qué (2022). L’essentiel est que le «gradualisme» n’a pas fonctionné et que, s’il revient au pouvoir, le centre-droit doit abandonner le populisme et réaliser des réformes structurelles qu’il n’a pas osé faire, essentiellement parce qu’il craignait une explosion sociale s’il le faisait.
Les primaires de JxC se joueront entre deux candidats pro-gouvernementaux: le chef du gouvernement de la ville de Buenos Aires, Horacio Rodríguez Larreta, au profil plus centriste, et l’ancienne ministre de la Sécurité, Patricia Bullrich, une partisane de la ligne dure. Alors que Rodríguez Larreta cherche à se présenter comme «anti-grieta» (anti-polarisation), Bullrich a axé son discours sur la «main de fer» contre l’insécurité et la contestation sociale, et sur des propositions économiques libérales, voire ultra-libérales. Sur le plan sociétal, ses positions sont plus progressistes: elle a soutenu la légalisation de l’avortement et le mariage pour tous. Alors que Patricia suscite l’enthousiasme social, Rodríguez Larreta profite de l’important budget de la ville de Buenos Aires pour nourrir ses espoirs d’accéder à la Casa Rosada. «Horacio Rodríguez Larreta est un grand gestionnaire, mais Patricia Bullrich a le leadership politique», résume le leader pro-gouvernemental Federico Pinedo, qui soutient l’ancienne ministre [9]. Si l’on s’en tient à l’effet que suscitent l’un ou l’autre – selfies dans la rue, applaudissements dans un avion – la tendance est favorable à l’ancienne ministre, qui est aussi plus proche de Macri. Mais Larreta est plus structuré et plus habile dans les petites manœuvres politiques et est connu pour ses capacités de cooptation.
Patricia Bullrich, quant à elle, s’inscrit dans un climat latino-américain et mondial. Elle a participé à des marches contre le confinement. Elle entretient des liens avec des groupes de réflexion de droite dure, comme ceux liés au gouverneur de Floride Ron DeSantis [10]. Contrairement à Jair Bolsonaro, qui était un député plutôt marginal, «La Piba», comme on la surnomme, a une longue carrière politique: issue du péronisme révolutionnaire des années 1970, elle s’est rapprochée du centre puis de la droite et a occupé des postes tels que le ministère du Travail sous Fernando de la Rúa [président de décembre 1999 à décembre 2001] et le ministère de la Sécurité sous Macri. Elle est actuellement présidente de PRO [11]. Dans chacun de ces postes, elle a laissé une trace, positive ou négative, selon le point de vue. Et cette longue carrière lui permet de négocier avec différents secteurs, y compris une partie de l’UCR. On dit que dans les sondages téléphoniques, où seuls les politisés ne coupent pas l’appel et répondent aux questions, Patricia Bullrich l’emporte. Par contre, dans les sondages en face à face, moins «biaisés», c’est Rodríguez Larreta qui est en tête des primaires de JxC.
La compétition est présentée comme un affrontement entre colombes et faucons. Dans ce contexte, Macri est plus proche de l’ex-ministre, surtout après que Rodríguez Larreta l’a défié en essayant de dynamiter le projet de l’ex-président de placer son cousin Jorge Macri comme successeur de Larreta à la tête du gouvernement de la ville de Buenos Aires. Ces querelles internes sont perçues par une partie de l’opinion publique comme de la simple politique politicienne, au milieu d’un mécontentement social dont tire parti le libertaire d’extrême droite Javier Milei.
Milei est un «oiseau rare» dans la politique argentine. Cet économiste et député de 52 ans a commencé à se faire connaître après 2016 dans les talk-shows télévisés comme «l’économiste à la coiffure bizarre» qui attaquait John Maynard Keynes – traitant le livre classique de l’économiste britannique, La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, d’«ineptie générale», et son auteur de théoricien au service de la «caste politique». Avec des positions libertaires d’extrême droite, héritier de l’Américain Murray Rothbard, Milei se distingue par son style virulent, son esthétique rock et ses positions anarcho-capitalistes, qui lui attirent l’adhésion de nombreux jeunes [12]. Il donne raison à Donald Trump et à Jair Bolsonaro, participe aux manifestations du parti espagnol Vox, peut dire qu’entre l’Etat et la mafia il préfère la mafia, propose de fermer – «dynamiter» – la Banque centrale et de dollariser le pays. Il proclame que l’évasion fiscale est un droit de l’homme et peut défendre le libre port d’armes ou la légalisation des marchés d’organes humains. Mais il a fait du rejet de la «caste politique» la pièce maîtresse de sa rhétorique.
Dans un contexte de frustration sociale liée à la crise économique, de rejet croissant des hommes politiques et d’une certaine nostalgie de la stabilité macroéconomique des années 1990, lorsque l’économie était semi-dollarisée, Milei est aujourd’hui en troisième position dans les sondages, avec plus de 20% des voix et un soutien socialement transversal, avec un poids plus important parmi les hommes de la classe moyenne inférieure. Sa montée, même dans les provinces où sa structure n’a pas de militants, a déconcerté d’abord JxC et maintenant le péronisme. Si Milei méprise Rodríguez Larreta, qu’il n’hésite pas à insulter en le traitant de «socialiste» (voire de «putain de gauchiste») [13], il a des accointances avec Patricia Bullrich et avec Macri lui-même. Les faucons PRO cherchent à leur tour des contacts avec le libertarien. «J’espère avoir vos députés dans mon gouvernement», a déclaré Patricia Bullrich lors d’un récent discours aux producteurs ruraux, auquel Milei a également participé.
Si Javier Milei a commencé par être le leader d’une tribu urbaine de jeunes béotiens attirés par son discours «paléolibertarien» [14], une partie du monde des affaires regarde aujourd’hui cet économiste avec un mélange d’attente, de curiosité et aussi de nombreux doutes (en raison de son faible arsenal politique et de ses idées extravagantes). Milei, avant de se lancer dans la politique, a travaillé pour le groupe Eurnekian [médias et plus de 70 aéroports], dirigé par l’un des plus grands hommes d’affaires argentins. Beaucoup se demandent s’il n’est pas «gonflé» dans les sondages, si certains (les péronistes?) n’ont pas intérêt à le faire mousser, et si finalement il ne sera pas «percé»… D’autres se demandent s’il peut arriver au second tour et ce qui se passerait dans ce cas. D’autres questions se posent: ce «libertarianisme» sera-t-il un phénomène passager ou s’enracinera-t-il dans le paysage politique local? Dans quelle mesure pénètre-t-il le vote des «jeunes Rappi ou Glovo» [jeunes précarisés travaillant pour les plateformes de livraison Rappi et Glovo], dans les quartiers populaires ou parmi les travailleurs précaires accablés par l’inflation? Les politiques sociales massives – subventions diverses – ont réussi ces dernières années à éviter l’explosion, mais elles sont remises en cause par ceux qui n’en bénéficient pas, souvent des secteurs à peine moins pauvres que ceux qui en bénéficient. Le discours contre les «planeros» (bénéficiaires des plans sociaux) s’est répandu ces dernières années.
Dans la province de Buenos Aires, où il n’y a pas de second tour, le péronisme était enthousiaste à l’idée que les voix du libertarien enlèvent des voix à JxC et aident à la réélection de Kicillof au poste de gouverneur, mais les sondages montrent de plus en plus la complexité du vote pour «l’économiste à la coiffure bizarre» (qui dit ouvrir la fenêtre de la voiture et se faire peigner par «la main invisible du marché»). Javier Milei termine ses discours par le slogan «Viva la libertad, carajo» [«Vive la liberté, bordel!»]. La «liberté», comme une sorte de «signifiant vide», est un élément clé de sa rhétorique et connaît diverses déclinaisons, du «droit de l’homme» à l’évasion fiscale – qui séduit les classes moyennes – à la défense de l’économie informelle, qui lui permet également d’obtenir des voix dans des secteurs sociaux qui étaient autrefois réticents à voter pour des libéraux trop rigides et trop élitistes. Le politologue Pablo Touzón a résumé la logique sous-jacente d’une partie de ce vote comme suit: «Si l’Etat ne m’aide pas, qu’il ne me casse pas les couilles.» La chaîne populaire/populiste Crónica TV a envoyé un caméraman faire un sondage à la gare Constitución de Buenos Aires, où passent chaque jour des millions de travailleurs et travailleuses, pour la plupart ultra-précaires. Milei est apparu à plusieurs reprises dans la bouche des personnes interrogées. «Si tu veux provoquer, tu dis ‘Milei’. Tu travailles mal, tu voyages mal et (…) tu as un bon mot à dire pour qu’ils dégagent tous et qu’ils continuent. Un bon mot que nous connaissons tous. Même si on ne vote pas Milei», résume le journaliste Martín Rodríguez [15]. La gauche trotskiste, regroupée au sein du Frente de Izquierda y de Trabajadores-Unidad (FIT-U), a saisi cette nouvelle réalité, en particulier l’influence ici «libertaire» parmi les jeunes, et a commencé à s’y confronter ouvertement.
Milei avait pour défi de s’implanter dans les provinces, où la politique est souvent plus «territoriale» qu’idéologique. Il n’a pas hésité à s’allier avec des personnages de la droite locale qui ont fait de la politique leur gagne-pain (ils seraient donc membres «de la caste»!). Par exemple, dans la province de Tucumán, Ricardo Bussi, fils d’Antonio Domingo Bussi, condamné pour crimes contre l’humanité pendant la dictature, ou dans La Rioja, Martín Menem, neveu de l’ancien président. Dans cette campagne, Bussi Jr. a lancé une publicité dans laquelle il défend le libre port d’armes comme moyen de lutte contre la criminalité [16], une proposition également promue par Milei. Mais la stratégie en province n’a pas fonctionné et Milei a abandonné les batailles locales.
Un programme «de droite»
L’agenda électoral est marqué, comme dans les autres pays de la région, par deux thèmes majeurs: l’inflation et l’insécurité. Tous deux – et encore plus lorsqu’ils sont présentés ensemble – tendent à profiter au (centre)-droit. Dans le cas argentin, le super-ministre Sergio Massa, un homme étroitement lié au monde des affaires et célèbre pour son ultra-pragmatisme idéologique, tente de gérer la situation, mais n’y est pas parvenu jusqu’à présent. Massa veut être le prochain président. Bien qu’il le nie, tout le monde sait qu’il y travaille.
«Imprévisible, changeant et avec un itinéraire difficile à suivre»: c’est ainsi que le présente une récente biographie du journaliste Diego Genoud intitulée El arribista del poder [«Le carriériste et le pouvoir»] [17]. Massa a commencé sa carrière politique au sein de l’Unión del Centro Democrático (Ucedé), une force libérale-conservatrice, puis a sauté dans le ménémisme qui avait la main sur le parti (péroniste) et a fini par être un fonctionnaire clé du premier kirchnerisme. Plus tard, il a rompu avec Cristina, a assuré qu’il balaierait les «ñoquis [18] de La Cámpora» [employés publics qui ne travaillent pas] et a même déclaré, dans un entretien en 2015, que Cristina devrait être en prison si les privilèges qui empêchent l’arrestation d’un parlementaire n’existaient pas. Pendant des années, tant depuis son poste de maire de la municipalité de Tigre [ville de standing de la province de Buenos Aires] que depuis ses précédentes candidatures, il a défendu la «main dure» contre la criminalité et a même eu Rudolph Giuliani [champion de la tolérance zéro à New York de 1994 à 2002] comme éphémère conseiller. Puis il a pactisé avec Macri et a fini, en 2019, par revenir au péronisme par un accord avec… Cristina Fernández et Máximo Kirchner. Ce pacte l’a d’abord conduit à présider la Chambre des députés puis, après le départ du ministre Martín Guzmán, poussé par le kirchnerisme, à atterrir au ministère de l’Economie avec l’aval de la vice-présidente. Une véritable parabole politique et vitale. Aujourd’hui, il cherche à être le candidat présidentiel du péronisme unifié, mais son destin est lié au taux d’inflation, qui refuse de baisser, et Massa se méfie également d’Alberto et de son entourage.
En décembre dernier, Massa s’est volontairement fixé un objectif de 3% d’inflation mensuelle en avril de cette année, mais aujourd’hui elle est plus du double, et le dollar, avec ses divers effets, est à la merci de la spéculation, sans que le gouvernement ait les moyens financiers d’y faire face (il est largement dépendant du FMI). En outre, la sécheresse qui a frappé le pays – l’une des pires de son histoire – a eu un fort impact sur l’économie: on estime qu’elle a coûté 18 milliards de dollars en recettes d’exportation, dans un pays qui connaît une crise aiguë des réserves de change. Massa a désamorcé la «bombe» de la dette en pesos – que l’opposition avait fortement poussée – et cherche à encourager les liquidations des agro-exportateurs avec un «dollar soja» plus élevé, mais les perspectives sont compliquées: l’écart entre le dollar officiel et le dollar bleu dépasse 100%. Selon les projections du FMI, l’économie ne connaîtra qu’une croissance de 0,2% en 2023. La directrice générale du Fonds, Kristalina Georgieva, a souligné l’impact négatif de la sécheresse sur l’économie argentine. Elle a souligné «l’engagement du gouvernement à continuer d’ajuster les politiques en fonction des conditions dans lesquelles il se trouve» afin d’atteindre les objectifs fixés dans le programme négocié avec le Fonds. Elle a insisté sur la nécessité de poursuivre la réduction du déficit budgétaire et de contrôler les dépenses publiques (l’objectif est un déficit de 1,9% du PIB à la fin de 2023). Avec l’approbation par le FMI de la quatrième revue du programme fin mars, un décaissement de 5,4 milliards de dollars a été effectué, couvrant le dernier trimestre 2022, ce qui a permis de soutenir les réserves de change. Cette politique d’austérité en période électorale indigne le kirchnerisme qui la considère comme une politique suicidaire. Cristina Fernández elle-même a critiqué ces objectifs et l’institution internationale à plusieurs reprises.
Parallèlement, comme dans d’autres pays d’Amérique latine, la pénétration de la drogue et du crime organisé a fait son entrée dans l’agenda électoral. La fusillade contre un supermarché appartenant à la famille de l’épouse de Lionel Messi a mis à l’ordre du jour national un problème de longue date: la diffusion de la violence liée à la drogue dans la ville de Rosario, la troisième ville la plus peuplée d’Argentine. Mais le problème de l’insécurité dépasse ce territoire. Le récent assassinat d’un chauffeur de bus dans la province de Buenos Aires et l’agression du ministre provincial de la sécurité, Sergio Berni, lors d’une manifestation de colectiveros (chauffeurs de bus), en plein conflit entre le gouvernement national et le gouvernement provincial, tous deux péronistes, ont provoqué une crise politique pour le gouverneur Kicillof. Et beaucoup se demandent pourquoi il maintient à son poste un ministre qui privilégie la main de fer – ce qui va à l’encontre du discours kirchneriste sur la sécurité –, qui n’obtient pas de résultats et qui a même insulté le président Fernández. Un scénario rêvé pour Patricia Bullrich qui a fait de la sécurité son cheval de bataille. L’ancienne ministre, qui allie discours musclé et ajustements économiques, estime que les astres se sont alignés en sa faveur. Si elle remporte les primaires, «La Piba» devra tenter d’affaiblir ses «points négatifs», étant donné que l’enthousiasme pour sa figure coexiste avec le rejet qu’elle suscite en raison de son radicalisme.
Certains analystes de l’opinion publique estiment que les élections générales tendront vers la modération. L’un d’entre eux a même utilisé le cas de l’émission populaire Gran Hermano, dans laquelle les participants en conflit ont été expulsés un par un de la maison par un vote populaire et où un «conciliateur» a gagné. Dans ce cas, si l’opposition présente Bullrich et le péronisme un centriste comme Scioli ou Massa, le parti au pouvoir augmente-t-il ses chances? Ou, au contraire, le scénario local et mondial est-il différent de celui de 2015 ou de 2019 et y a-t-il plus de gens prêts à donner un coup de pied dans la fourmilière? Si l’opposition nomme le «modéré» Rodríguez Larreta, dans quelle mesure JxC pourrait-il subir une fuite des électeurs en faveur de Milei? Derrière la crise, des niveaux de consommation étonnamment élevés [subventions diverses] pourraient-ils sauver le péronisme?
Tout cela fait partie des discussions qui animent ces jours-ci le «cercle rouge» de la politique intérieure. Bien qu’elles aient leurs propres particularités, les élections argentines reflètent des éléments d’un climat plus large en Amérique latine. La faiblesse des coalitions au pouvoir, plongées dans des tensions internes, en est un. Mais aussi la volatilité du vote et la tendance de l’électorat à sanctionner les partis au pouvoir (au moins au niveau national). Si, en 2015, les Argentins ont voté pour Macri afin de laisser derrière eux le kirchnerisme et de construire un «pays normal», quatre ans plus tard, ils ont voté pour le péronisme afin de punir Macri, dont les promesses de «laisser le populisme derrière soi», de faire baisser l’inflation et de réduire la pauvreté se heurtaient à la dure réalité nationale. Aujourd’hui, la coalition de centre-droit fondée par Macri pourrait revenir à la Casa Rosada comme vote de sanction face à un péronisme qui semble à la dérive et à un président sans autorité (deux nouveautés dans l’histoire péroniste, marquée par des décisions audacieuses et des leaders forts). Mais analyser la réalité argentine, c’est viser une cible mouvante au milieu d’une situation qui ne cesse de fluctuer. Et qui nous réserve certainement encore quelques surprises. (Article publié dans la revue Nueva Sociedad, mai-juin 2023; traduction rédaction A l’Encontre)
Pablo Stefanoni, rédacteur en chef de Nueva Sociedad. Auteur de La rebeldía se volvió de derecha? (Siglo Veintiuno, 2021).
Notes
- Federico Rivas Molina: «De vender algodones de azúcar a preparar un magnicidio: así son Los Copitos, la banda que atentó contra Kirchner» en El País, 23/9/2022.
- «Aníbal dijo que La Cámpora es una de las ‘calamidades’ que le tocó vivir a Alberto» en La Política Online, 15/3/2023.
- Máximo Kirchner suele decir que el Frente de Todos «no vino para esto», en relación con los resultados económicos y sociales.
- Puede verse el video de la entrevista en twitter.com/urbanaplayfm/status/1622559420738678785?lang=es
- Discurso completo disponible en youtube.com/watch?v=oB9dnuetmy0
- La jefa del Comando Sur de EEUU, Laura Richardson, ha vuelto a visitar Buenos Aires con la mira puesta en China y en los recursos naturales. Al mismo tiempo, en abril de 2022, una delegación encabezada por la subsecretaria adjunta de Seguridad Internacional del Departamento de Estado, Ann Ganzer, visitó el país y expuso diversos cuestionamientos a la tecnología nuclear ofrecida por China para Atucha III, por falta de calidad, incumplimientos de normas internacionales y problemas de diseño y de seguridad. Estos cuestionamientos fueron considerados improcedentes por Nucleoeléctrica Argentina, la empresa estatal responsable de la operación de las tres centrales nucleares existentes en el país (Embalse y Atucha I y II). «La jefa del Comando Sur de Estados Unidos vuelve a la Argentina, con la mira en los recursos naturales y el vínculo con China» en Página/12, 11/4/2023.
- Steven Levitsky: «Una ‘Des-Organización Organizada’: organización informal y persistencia de estructuras partidarias locales en el peronismo argentino» en Revista de Ciencias Sociales No 12, 2001.
- Gabriel Vommaro, Sergio Morresi y Alejandro Bellotti: Mundo PRO. Anatomía de un partido fabricado para ganar, Planeta, Buenos Aires, 2015.
- «Federico Pinedo: ‘Horacio Rodríguez Larreta es un gran gestor, pero Patricia Bullrich tiene liderazgo político’» en Perfil, 11/4/2023.
- Mauricio Caminos: «Bullrich y una mini-gira por Miami: ‘régimen kirchnerista’, una promesa contra la inflación y Nicaragua» en elDiarioAR, 13/3/2023.
- Martín Vicente: «La ‘piba’ de la derecha argentina» en Nueva Sociedad edición digital, 3/2021.
- P. Stefanoni: «Peinado por el mercado» en Anfibia, 19/3/2021.
- «El insulto de Javier Milei a Rodríguez Larreta: ‘Zurdo de mierda, te puedo aplastar’» en Infobae, 28/8/2021.
- P. Stefanoni: ¿La rebeldía se volvió de derecha? Cómo el antiprogresismo y la anticorrección política están construyendo un nuevo sentido común (y por qué la izquierda está perdiendo la iniciativa), Siglo XXI Editores, Buenos Aires, 2021.
- M. Rodríguez: «Un tranvía llamado deseo» en elDiarioar, 2/4/2023.
- El video puede verse en twitter.com/ricardobussi/status/1635286470989840387
- D. Genoud: El arribista del poder. La historia no publicitaria de Massa, Siglo XXI Ediciones, Buenos Aires, 2023.
- Empleados públicos que no van a trabajar.
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