Le titre de cet article constitue une première conclusion à l’approbation au premier tour du Projet d’amendement de la Constitution (PEC 241), un projet dit «de fin du monde» qui a été accepté, le 10 octobre dernier, par 366 députés. Cet amendement constitutionnel, qui gèle les dépenses publiques pendant 20 ans, lèse gravement l’éducation, la santé et la fonction publique et commence à redessiner politiquement et juridiquement (en direction du pire) la carte de tous les droits sociaux dans le pays.
L’articulation de ce massacre s’est montrée clairement lors d’un dîner offert récemment par le nouveau président Michel Temer, dîner auquel ont participé 200 parlementaires (sur un total de 1000) et qui a coûté la bagatelle de 30 millions de reais [9 millions de CHF]. Tous ces gens appartiennent à cette large majorité d’usurpateurs qui dévoile chaque jour plus clairement les véritables objectifs de cette opération qui a commencé par la destitution [de Dilma Rousseff] et qui se poursuit par une offensive sans précédent contre la majorité écrasante du peuple brésilien. Cette opération se veut d’ailleurs rapide, puisque le président illégitime et sa majorité parlementaire n’ont que deux ans devant eux pour faire leur travail sans avoir à se préoccuper de leur réélection.
Beaucoup de choses sont et ont déjà été dites sur la signification du PEC 241. Il vaut toutefois la peine d’insister sur une étude de l’Institut de recherche économique appliquée (IPEA) qui montre que le domaine de la santé à lui seul va perdre 743 milliards de reais en 20 ans. Il suffit d’observer l’état actuel de la santé publique au Brésil, avec un financement déjà insuffisant, pour imaginer le cauchemar qui se prépare pour la population.
L’aberration du PEC 241 ne se résume pas au gel des dépenses sociales. Ce qui donne la parfaite dimension de son caractère de classe et de la manière dont le grand capital est articulé avec la majorité usurpatrice, c’est le fait qu’il ne figure dans ce PEC aucune limitation ou gel de dépenses ayant trait au paiement des intérêts de la dette publique. Dès lors, il est facile d’expliquer de manière didactique qui commande dans ce gouvernement.
Le pas qui va naturellement suivre cette offensive est la réforme de la Sécurité sociale. Après tout, pour être réellement efficace dans cette période, le PEC 241 a besoin d’une coupe abrupte dans les allocations de la Prévoyance sociale. Le fait d’associer ces deux propositions à d’autres contre-réformes déjà annoncées par le gouvernement Temer – réformes dans le domaine du travail avec la fin de la CLT (Consolidação das Leis do trabalho), réformes dans l’enseignement du secondaire, loi sur la privatisation de tout le secteur public – impose des réflexions et des conclusions pour baliser nos actions.
Il est temps de résister… Et de redescendre dans la rue
Le premier élément dont nous devons tenir compte dans notre réflexion est le fait que nous vivons actuellement sous la menace d’une régression historique dans le pays, de celles dont il faudra peut-être des décennies pour sortir si, dans les deux prochaines années, on ne fait pas barrage aux PECs et autres contre-réformes néolibérales.
Nous sommes en train d’assister à l’approfondissement et à la continuité du coup d’Etat institutionnel [destitution de Dilma Rousseff], à un moment même pire encore dans la mesure où l’on en vient à finir avec ce qui restait de la Constitution de 1988. Dans la pratique, on est en train de réécrire une autre Constitution sans que cette majorité parlementaire ait de légitimité pour cela, puisqu’elle n’a pas été élue avec les pouvoirs constitutionnels qu’elle s’arroge maintenant.
Et on ne peut pas compter sur le Pouvoir judiciaire, lui qui ne parvient pas à faire preuve d’un minimum d’indépendance. Le Tribunal fédéral suprême (STF) ne s’oppose à aucun des abus de pouvoir et autres atrocités anticonstitutionnelles commis par ce gouvernement.
L’opération Lava Jato n’est aujourd’hui rien d’autre que l’outil idéal pour ouvrir le chemin à cette offensive politique du gouvernement Temer – un bloc de pouvoir corrompu, intouchable par les justiciers de Curitiba [allusion au juge Sergio Moro qui conduit la «bataille juridique» contre Lula], alors qu’il est largement impliqué dans les mêmes schémas «effilochés» que ceux que l’on reproche à Lula – permettant que s’impose en 2018 [élection présidentielle] le constat que la droite constitue la solution «naturelle» si on veut lui permettre de continuer son service.
La principale conclusion qui s’impose à nous tous, à tous les militant·e·s de gauche et des mouvements sociaux, est que nous avons besoin d’un front unique, large et «pratique», pour faire barrage à cette offensive. Il faudra descendre dans la rue et y mener la lutte. La disposition à la lutte ne manquera d’ailleurs pas. Il suffit de voir les 200 écoles occupées dans le pays contre la réforme de l’enseignement moyen ou la répulsion que suscite sur les réseaux sociaux le «PEC de la fin du monde».
La présence du PSOL au second tour à Rio de Janeiro, Belém et à Sorocaba revêt une énorme importance immédiate, puisque la victoire du parti dans ces villes constituera un point d’appui pour stimuler la résistance politique et sociale et faire avancer une nouvelle alternative de gauche dans le pays.
Il nous reste peu de temps pour organiser par tous les canaux et espaces possibles une ample mobilisation, comme celle qu’a organisée le front «Peuple sans Peur» afin de faire barrage au vote de second tour sur le PEC 241. Le chemin immédiat est celui-là. La riposte doit être rapide.
La mobilisation unitaire mettant en avant la défense des droits et le refus d’une rupture constitutionnelle illégitime doit être un point de départ pour le défi auquel nous sommes confrontés, à savoir la construction d’un solide front unique avec tous les secteurs qui veulent en finir avec les attaques et contre-réformes visant à «extirper» des droits aux travailleurs, à la jeunesse, aux femmes, aux sans-toit, aux sans-terre, aux Noirs, aux LGBTs, aux Indigènes et au «peuple d’en bas». Telle est la nature du front que nous devons chercher à construire.
Pour finir, la réflexion de fond plus politique que nous devons mener est sur la manière de combiner: 1° un tel front visant à barrer les attaques; 2° avec un mouvement politique qui reprenne le «Temer, dégage» [Fora Temer] et 3° la nécessité d’élections générales. Ni le gouvernement, ni sa majorité «anticonstitutionnelle» n’ont de légitimité pour jeter le pays dans une ère pré-CLT [le Code du travail brésilien], une ère de précarisation absolue et de régression des droits démocratiques conquis.
A bas le PEC 241! Pas un seul droit de moins! Dégage, Temer! Des élections directes maintenant! (Article publié sur le site Correio da Cidadania en date du 13 octobre 2016; traduction A l’Encontre)
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