Brésil. Lula et la grève générale

Editorial de Esquerda online

Au Brésil, Lula est l’un des personnages les plus influents dans les usines et au sein de la classe ouvrière brésilienne. Des millions de travailleurs et travailleuses – qui ont bénéficié de certains programmes sociaux de ses gouvernements (2003-2010) – regardent l’actuel gouvernement de Michel Temer et le comparent à ceux du PT (Parti des travailleurs), en particulier ceux de Lula. Et ils souhaitent un retour de Lula au gouvernement. Lula a clairement pris position contre les contre-réformes de la législation du travail et de la sécurité sociale, telles que proposées par le gouvernement Temer. Mais, jusqu’à présent, il n’a apporté aucune aide pour construire les mobilisations qui pourraient mettre en échec ces contre-réformes et renverser le gouvernement lui-même

Les mobilisations des femmes le 8 mars, la journée nationale de manifestations et de grèves des 15 et le 31 mars, la grève générale du 28 avril et #OcupaBrasília du 24 mai 2017 représentent les principales initiatives pour lutter contre les attaques de Michel Temer et des capitalistes. Si l’on examinait la «page Lula», aussi bien sur le site de l’Institut Lula que sur celui du PT et de la CUT ainsi que d’autres médias qui sont en faveur de l’ancien président (Lula), afin de connaître quelle était la position de Lula en vue de ces mobilisations? Il existe certes des informations diffusées par d’autres médias. Toutefois, nous savons d’expérience que des médias traditionnels mentent sans vergogne et nous ne voulons pas tomber dans le piège d’effectuer un tri entre ce qui est dit de vrai et de faux par des organes de presse comme O Globo, Folha de São Paulo. Nous avons donc pris en considération ce que disent les propres moyens de communication «pétistes» (liés au PT).

Lula et les mobilisations des 8, 15 et  31 mars

Le 8 mars, pour la «Journée internationale de la lutte des femmes», la page et le site Lula, le site de la CUT et même celui du PT ont diffusé des documents qui parlent des luttes des femmes. Mais on ne relève aucun appel de Lula à participer aux manifestations. Le 15 mars, journée nationale de manifestations et de grèves, Lula y a participé et a pris la parole sur l’Avenida Paulista à São Paulo. Toutefois, il n’a participé à aucune activité afin de préparer le 15 mars. Aucune vidéo n’a été enregistrée, il n’a pas assisté à des assemblées et n’est même pas intervenu pour lancer un appel sur des réseaux sociaux. Le 31 mars, Lula a maintenu la même position que le 8 et le 15 mars. Et cette fois, il ne s’est même pas montré dans la rue.

Lula avant la grève générale le 28 avril

Le 27 mars, les syndicats ont décidé d’organiser une grève générale le 28 avril. Du 27 mars au 28 avril, Lula a publié 134 textes sur son site Internet. Mais aucun en faveur de la grève générale. Lula n’a participé à aucune activité de préparation de ce jour important d’action. Cela est différent des milliers de membres du PT qui distribuaient des tracts, organisaient des réunions, en utilisant les réseaux sociaux et s’efforçaient, enfin, de convaincre la population d’adhérer à la grève générale. Lula s’est tu. Il ne s’est pas manifesté et n’est pas descendu dans la rue de 28 avril.

Le 11 avril, ce fut l’émission du PT à la télévision – et non pas Lula – qui a appelé, avec réserve, 11 secondes dans un programme de 10 minutes, à préparer la grève générale. Même si ce fut simplement avec des «visuels» et des photographies de manifestations. Les personnalités publiques du PT qui apparaissaient dans la vidéo ne parlaient pas de la grève générale

Le 28 avril, au matin, Lula a accordé un entretien à Rede Brasil Atual, qui a été répercuté par la CUT; Lula y vante le succès de la grève générale. Néanmoins, le site de la CUT ne fait allusion à aucune activité à laquelle Lula aurait participé afin d’aider à construire cette journée de lutte du jour. Puis, dans l’après-midi du 28 avril, Lula a donné des interviews à la journaliste Juremir Machado de Radio Guaiba et est intervenu directement sur son site. Au cours des 30 minutes d’entretien, Lula a déclaré que la grève générale avait été un succès, mais s’est abstenu d’indiquer quelles seraient les prochaines étapes de la lutte pour s’opposer aux contre-réformes du gouvernement de Michel Temer.

Lula face à «Occupons Brasilia» du mois de mai

Le site du Parti des travailleurs publie plusieurs annonces et notes sur la Marche nationale sur Brasilia, appelée aussi le # OcupaBrasília. Elle a réuni plus de 150’000 personnes et nombreuses furent les victimes de la brutale répression policière. Aucune de ces notes ne fait allusion à Lula afin de construire cette importante journée de lutte. Dans les réseaux sociaux ou sur son site, Lula ne s’est pas manifesté. A Brasilia il n’était pas là.

Le 17 mai ont été rendues publiques (audios) les allégations des propriétaires de la transnationale JBS concernant Aécio Neves et Michel Temer [voir à ce sujet les divers articles publiés sur ce site, les 20, 25 et 29 mai]. Le 18 mai, des manifestations massives ont eu lieu dans plusieurs villes du Brésil. La Bovespa (Bourse de São Paulo) a chuté de près de 9% et a suspendu ses activités pour la première fois depuis 2008, lorsque la crise a éclaté dans le système financier américain. Lula est intervenu sur ce thème. Le 20 mai, le PT produit une émission, sur son réseau national, qui critique Michel Temer et demande son départ. L’animateur de la vidéo est Lula, mais c’est Rui Falcão (ancien député de l’Etat de São Paulo), président du PT (depuis 2011), qui appelle, à la fin de la vidéo, à ce que les gens descendent dans la rue et il se prononce pour des élections directes, de suite.

Quelle sera l’attitude de Lula en juin?

Depuis mars, la classe ouvrière est entrée en scène, elle s’est manifestée directement contre Temer et des contre-réformes. Cela a modifié la conjoncture politique et a eu un impact sur la situation politique elle-même. Nous avons vu que, en mars, avril et mai, Lula a donné des entretiens, a enregistré des vidéos et accru sa présence sur des réseaux sociaux pour s’opposer aux contre-réformes. Mais il s’est gardé de se joindre directement aux actions en cours. Il n’a pas participé à des réunions de masse; il n’a pas été aux portes des usines; il n’a pas donné des entretiens ou produit des vidéos dans la perspective de construire des grèves et des manifestations. Il n’a pas fait partie de la lutte «directe». Nous pensons que Lula est assez connu pour qu’il ne passe pas inaperçu dans les assemblées et lors de manifestations dans la rue, ce qui aurait un impact certain sur les réseaux sociaux.

Pourquoi ces trois derniers mois Lula, qui s’était opposé aux contre-réformes, ne s’est pas engagé à participer aux actions nécessaires pour les battre en brèche? Et pourquoi manifestons-nous un tel intérêt pour Lula? Lula est regardé, suivi par des millions de Brésiliens. Il est le leader le plus influent des mouvements sociaux au Brésil.

Dans les années 1980, il était un grand dirigeant des grèves de l’ABC paulista [très grande zone industrielle à la périphérie de São Paulo] et des grèves nationales. Ce qu’il dit et ce qu’il fait ont une grande importance. Si les 8, 15 et 31 mars, si le 28 avril et le 24 mai ont déjà été des jours de mobilisations ayant un grand poids, comment auraient-elles été si Lula avait mis en œuvre sa force, son pouvoir et son influence pour en accroître la charge? Que se passerait-il dans les usines de l’ABC si Lula avait été présent lors d’assemblées des travailleurs et avait appelé à la grève? Combien de millions de personnes auraient adhéré à l’idée d’une grève générale si Lula s’était engagé dans cette lutte?

Dès lors, il est urgent de fixer une nouvelle journée de grève générale. C’est est une question de vie ou de mort pour le gouvernement Temer et les contre-réformes. Lula devrait se consacrer corps et âme à construire une telle grève générale. Si nous faisions une nouvelle grève générale, encore plus forte, nous pourrions renverser la table! La base du PT est prête à renverser Michel Temer et à combattre les réformes. Le chef historique du PT doit aussi l’être! Il y a des millions de travailleurs et travailleuses qui nourrissent encore une confiance en Lula et attendent des signes de lui. Si Lula manifeste sa disponibilité pour la construction de cette nouvelle grève générale, elle pourrait être beaucoup plus forte. (30 mai 2017)

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Esquerda online est le site lié au MAIS (Mouvement pour une alternative indépendante et socialiste)

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Note de la Rédaction A l’Encontre. La rédaction de Esquerda online nous a indiqué que les éditoriaux sur le site ne traduisent pas nécessairement l’orientation du MAIS. L’article publié ci-dessus traduit l’environnement de militants du MAIS qui se trouvent dans des usines où la présence du PT et de travailleurs «attachés» à Lula est forte. Dès lors, l’article traduit, à sa façon, les arguments échangés entre eux et ces militants du PT ou encore attachés à la figure de Lula.

Pour ce qui est du MAIS, les deux axes politiques développés sont les suivants dans la conjoncture présente: a) une bataille pour une unité d’action la plus large pour la grève générale dans le but de faire tomber Michel Temer et pour des élections directes, de suite, pour la présidence et le Congrès; cela en lien étroit avec la mobilisation sociale face aux contre-réformes; b) le développement d’un Front de gauche socialiste – inclusif et intégrant le PSOL – afin de faire apparaître un pôle anticapitaliste face aux candidatures bourgeoises (PSDB, PMDB, DEM, PSC, etc.) et du «lulisme».

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