Brésil: les protestations s’étendent et se heurtent à la police

s_b10_RTX10RJUPar Eleonora Gosman

Des centaines de milliers de jeunes ont manifesté à São Paulo et dans d’autres villes. Ils s’opposent à l’augmentation des prix des transports et aux coûts excessifs du Mundial 2014. La répression a fait plusieurs blessés.

De grandes mobilisations de jeunes se sont approprié hier des rues centrales de São Paulo, de Rio de Janeiro et de Brasilia, ainsi que d’une dizaine d’autres villes brésiliennes. A Rio, les protestations ont réuni plus de 100’000 personnes, en grande partie des jeunes; à São Paulo, ils étaient plus de 70’000. A partir de 17 heures et jusqu’à la tombée de la nuit, les manifestations ont eu un caractère pacifique, mais à partir de 22h, de nombreux groupes qui se sont détachés des secteurs les plus importants de la manifestation ont tenté d’entrer dans le Palais de Bandeirantes, la maison du gouvernement de l’Etat de São Paulo.

Pendant ce temps, à Rio, des jeunes ont tenté d’entrer dans le bâtiment de l’Assemblée législative, alors qu’à Brasilia les manifestants ont réussi à entrer dans le bâtiment du Parlement national aux cris de «Le Congrès est à nous».

Face à cette offensive de masses de jeunes, les forces de police sont entrées en action. C’est à Rio que les forces de sécurité ont réagi avec le plus de violence. A minuit on apprenait qu’il y avait de nombreux blessés. «J’ai vu à la télévision mon fils, par terre dans la rue et ensanglanté, et désespéré j’ai couru vers cet endroit», a déclaré Expedito Oliveira, père du jeune Kleverson. Selon un étudiant en médecine, qui a soigné ce dernier sur place, le jeune était «blessé par des éclats de verre». Néanmoins, aux alentours du bâtiment de l’Assemblée législative de Rio de Janeiro, on a entendu des tirs jusqu’au-delà de minuit. «Certains des nôtres ont peut-être dépassé les bornes, mais la police militaire a tiré à balles réelles au lieu de balles en caoutchouc», a expliqué un étudiant, Rodrigo Carvalho, âgé de 22 ans, en montrant les projectiles aux journalistes de la presse et de la télévision.

Brasilia
Brasilia

A São Paulo, alors que le gros des manifestants commençait à se disperser, un groupe a tenté de pénétrer dans le palais gouvernemental de cet Etat provincial, dont le siège est situé dans le quartier de Morumbi. Ces manifestants ont commencé à frapper contre les portails de l’entrée et ont utilisé des barres de fer pour casser la serrure. Alors les troupes de choc de la police militaire sont intervenues et ont dispersé les manifestants avec des gaz lacrymogènes.

Sur plusieurs pancartes individuelles, improvisées avec des feutres sur des cartons d’emballage, on pouvait lire: «Il ne s’agit pas seulement des 20 centavos, mais aussi de nos droits». Elles faisaient allusion à l’augmentation des prix des billets de bus, de métro et de train dans cette capitale, où ces prix ont passé de 3 à 3,20 reais (1,41 à 1,52 dollar).

Dans l’esprit de la dizaine de milliers de jeunes qui ont à nouveau occupé le centre de São Paulo hier, ce mouvement exprime également l’opposition à la répression policière féroce de jeudi passé (13 juin 2013), à la corruption dans les milieux politiques et dans les groupements des partis traditionnels. Ce même scénario s’est répété hier dans d’autres grandes capitales des Etats du du Brésil: Curitiba, Belo Horizonte, Porto Alegre, Natal, Belém et Florianopolis.

Les protestations étaient spontanées, dirigées par de jeunes étudiants et de jeunes salariés des services. Des organisations de gauche également présentes portaient leurs propres banderoles. Dans la capitale pauliste, les manifestants ont mis l’accent sur les dépenses faites par les gouvernements, aussi bien au niveau fédéral que de l’Etat, en vue du Mundial de 2014. Un jeune a déclaré au journaliste de Clarin: «Notre pays a besoin d’une meilleure éducation et de meilleurs soins de santé. Pourquoi ont-ils utilisé autant d’argent pour construire des stades au lieu de bâtir plus d’hôpitaux?»

Rio de Janeiro
Rio de Janeiro

Les protestations ont également mis en évidence le manque d’organisation: dans le cas de São Paulo, la manifestation a même fini par se diviser en deux parties qui marchaient dans des directions différentes. Même les dirigeants d’une colonne du PSTU (Parti socialiste des travailleurs unifié), la seule organisation qui portait des banderoles, n’ont pas réussi à mettre de l’ordre dans la marée humaine qui se déplaçait le long de l’avenue Farias Lima, laquelle, avec ses bâtiments de bureaux fastueux constitue la façade la plus achevée du pouvoir économique à São Paulo.

On a vu un processus analogue à Rio de Janeiro. Dans la capitale carioca, les manifestants réclamaient également une baisse du prix des billets des transports publics. Beaucoup de jeunes portaient des fleurs blanches et invitaient les curieux à les rejoindre sur l’avenue Rio Branco, où des entreprises comme Petrobras et la Banque nationale de développement économique et social (BNDS) ont leur siège.

A Brasilia, ce sont les dépenses faites pour le Mundial qui étaient au cœur des protestations. Pour ces manifestants, c’étaient également l’éducation et la santé ainsi que des transports publics décents qui doivent avoir la priorité. Dans la capitale brésilienne, où se trouve le cœur du pouvoir politique, les protestations se sont déroulées sans direction apparente. Et les critiques ont visé non seulement les autorités locales, elles étaient focalisées plus particulièrement sur la figure de la présidente Dilma Rousseff, qui a déclaré que «les manifestations pacifiques sont légitimes». (Traduction A l’Encontre)

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Article publié dans le quotidien argentin Clarin du 18 juin 2013

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