Brésil: le PT comme parti du Capital

Dilma Rousseff, la présidente du Brésil, adoubée par Lula....

Entretien avec Ariovaldo Umbelino

Avec l’année 2011 qui s’achève au Brésil et dans le monde, il y a beaucoup à raconter. Une année qui dans un futur pas si lointain sera peut-être considérée comme la synthèse d’événements marquants, divers et symboliques, aussi bien sur le plan national qu’international. Et aussi une année paradoxale, puisqu’à l’échelle mondiale, elle est pleine d’une effervescence populaire qui n’a pas encore trouvé sa pleine signification.

La première femme présidente du Brésil, Dilma Rousseff du Parti des Travailleurs (PT), n’a pas pu naviguer sur les eaux calmes de l’économie mondiale, comme a pu le faire son prédécesseur (Lula) durant la plus grande partie de son mandat. Déjà au milieu de l’année 2011, la crise économico-financière mondiale, qui avait explosé comme une bombe en 2008 et avait commencé en 2007, est sortie de l’apparent sommeil dans laquelle le public la voyait. Les Etats-Unis et les pays du vieux continent ont commencé à constater amèrement l’affaissement de leurs budgets publics, cela en conséquence inévitable du prompt secours qu’ils avaient apporté aux grandes banques et groupes économiques qui menaçaient de tomber en faillite à partir de 2008, ainsi qu’aux politiques de défiscalisation de réduction des recettes fiscale liée à la récession.

Du «Printemps Arabe» à Occupy Wall Street, au sein de l’Empire, la population mondiale a exprimé en plein jour son intolérance croissante aussi bien aux régimes dictatoriaux de certains de ses pays qu’à la dictature de l’orthodoxie financière. Orthodoxie qui dès le début de 2011, avant même la recrudescence de la crise financière mondiale, a fait irruption dans la politique économique de notre pays, avec la coupe de plus de 50 milliards de reais [26,8 milliards de CHF] dans le budget.

Si l’on considère que les reculs environnementaux et sociaux constituent ce qu’il y a de plus parlant dans des moments de recrudescence du conservatisme, alors le Brésil constitue un exemple à examiner de près. En 2011, les reculs dans le domaine environnemental ont été notoires et emblématiques, à savoir les questions du Código Florestal (Code forestier), de l’usine hydro-électrique de Belo Monte [un gigantesque projet de barrage sur le fleuve Xingu dans l’Etat du Pará], du génocide indigène dans le Mato Grosso du Sul, du brûlage de terres et des politiques en faveur des transgéniques.

Celui que nous avons choisi d’interviewer en cette fin d’année est le géographe de l’USP, Ariovaldo Umbelino, un spécialiste reconnu des questions environnementales dans notre pays, questions qu’il examine à partir de leur interconnexion avec la logique et l’historique politique, économique et social qui est toujours marqué par les fausses avancées d’une ‘modernisation conservatrice’ et par l’absence de conscience de la société civile quant aux réelles intentions et agissements des élites.

Pour A. Umbelino, la réforme agraire, tant acclamée et jamais rendue effective [pour rappel, le premier ministre de la réforme agraire du premier gouvernement Lula, en 2003, était Miguel Rossetto du courant Démocratie socialiste au sein du PT] , constitue un exemple classique de cet historique. Il s’agit, dans la vision du géographe, de l’unique instrument politique que l’Etat ait pour soumettre la propriété privée de la terre à l’accomplissement de sa fonction sociale, en plus d’être l’unique chemin que le pays et la société brésilienne possèdent dans la construction d’une politique de souveraineté alimentaire, de production d’aliments pour la société. Cependant, cette question s’est actuellement réduite à une lutte menée uniquement par les paysans et les posseiros [ceux qui cultivent des terres sans en posséder le titre de propriété et dont les terres sont, par la suite, fort souvent accaparées par des grands propriétaires], qui a lieu loin des mouvements sociaux organisés et qui engendre une augmentation brutale du nombre de conflits et d’assassinats [par des gangs au service des grands propriétaires].

Enfin, et ce n’est là qu’un des traits de la barbarie brésilienne, cette question est absolument incomprise par l’Etat et par le Parti des Travailleurs lui-même, qui a promis au long de toute son histoire, depuis sa formation, la réforme agraire comme action structurelle seule capable de résoudre le problème de la pauvreté et de la misère de cette parcelle du paysannat brésilien, ces 47% de tous les misérables brésiliens qui vivent dans les zones rurales. Et le gouvernement n’a pas de politique de réforme agraire!

Face à ce mépris total des lois et de la Constitution ainsi qu’à cette connivence du pouvoir judiciaire, Umbelino insiste sur l’urgence que « la société civile comprenne toutes ces contradictions que nous vivons et commence à élaborer toujours plus d’Actions Civiles Publiques dans le sens d’acculer les gouvernants qui violent la Constitution ». (Valéria Nader et Gabriel Brito)

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Correio da Cidadania: Huit ans ont passé avec Lula et maintenant nous vivons la première année de Dilma, la première femme à présider le pays. Comme évaluez-vous cette première année, à la lumière des huit années antérieures d’un président qui fut le symbole de ce que l’on considérait alors comme une promesse de transformation? Comment évaluez-vous l’action du gouvernement dans les domaines essentiels que sont le social, l’économique, le politique et l’environnemental ?

Ariovaldo Umbelino: Il faut considérer qu’il y a eu des stratégies de réponse à la crise économique mondiale, comme par exemple l’élargissement de la consommation à travers une réduction d’impôts. Il y a eu également quelques avancées dans la politique sociale, une certaine baisse du chômage en fonction de travaux dans le secteur de la construction civile impulsés par des programmes du gouvernement: le Programme d’Accélération de la Croissance (PAC) et le programme Minha Casa, Minha Vida [le programme assitancialiste Ma Maison, Ma Vie]. Il y a eu une augmentation des exportations [de biens primaires] vers la Chine, notre principal partenaire commercial. Il y a eu la poursuite du programme Bolsa Família [la Bourse Famille, un programme «assistancialiste» plus ancien] et d’un programme d’acquisition d’aliments permettant aux petites exploitations agricoles rurales de fournir leur production agricole à des cantines scolaires et à des crèches. D’une certaine manière, nous avons assisté à une élévation du revenu familial et à une «ascension» de la base de la pyramide sociale brésilienne.

Mais il faut absolument dire qu’il ne s’est produit aucun changement structurel, qu’en d’autres termes, ce n’est qu’une petite partie des impôts récoltés par l’Etat qui a été redistribuée, comme le sociologue et professeur et Chico de Oliveira aime à le rappeler.

Et il y a des exemples inverses, où le gouvernement a agi dans le sens contraire des actions que j’ai citées. Par exemple, la réforme agraire a été substituée par une contre-réforme agraire. C’est-à-dire qu’au lieu d’opter pour la réforme agraire et de promouvoir la distribution de terres, le gouvernement a choisi la légalisation des terres publiques brûlées de l’INCRA (Institut national pour la colonisation et la réforme agraire) en Amazonie légale, ce qui est le résultat des MP (Mesures Provisoires) 422 et 458.

Un autre point: le 3ème Plan National de Réforme Agraire (PNRA) n’a pas été élaboré. Le Brésil n’a plus de PNRA, ce qui signifie que le gouvernement ne fera une réforme agraire que s’il le veut, puisqu’il n’y a pas d’obligation politique, ni d’engagement de la part de l’Etat. Alors que la Constitution exige de mettre en place la réforme agraire, le gouvernement n’a pas d’instrument politique pour cela.

Ce qui est le plus incroyable dans ce processus de marche arrière du gouvernement pétiste (du PT), c’est que son principal programme est le combat contre l’extrême pauvreté (Brésil Sans Misère), [ce qui s’inscrit dans le cadre des concepts développés par la Banque Mondiale]. Ces 47% de pauvres que le gouvernement brésilien appelle « extrêmement pauvres » (qui sont en réalité, selon les critères de l’ONU, des «miséreux», des «indigents») vivent, en grande partie, dans des zones rurales, particulièrement dans le Nordeste. Mais le plan de Dilma ne parle pas de la réforme agraire comme étant une solution structurelle de combat contre la misère!

Ce que nous voyons est la continuation de la concentration des terres, une des raisons structurelles de la concentration de la richesse qui se produit simultanément à l’augmentation de la pauvreté. Que le gouvernement n’ait pas fait de réformes structurelles est un grand problème, puisqu’au moment où les familles sortent du programme Bourse Famille, elles n’ont pas de quoi se lancer dans des activités productives génératrices de revenus, permettant de «résoudre» le problème de la pauvreté au Brésil.

Correio da Cidadania: Dans un processus de recrudescence du conservatisme, les reculs environnementaux et sociaux sont ce à quoi on assiste partout dans le monde. En 2011, dans notre pays, les cas de reculs environnementaux les plus emblématiques sont le Código Florestal, la centrale hydroélectrique de Belo Monte, le génocide indigène du Mato Grosso do Sul, les brûlages de terres et les politiques en faveur des transgéniques. Qu’auriez-vous à dire, en général, à propos d’une telle affirmation?

Ariovaldo Umbelino: Il faut avoir en tête que l’histoire du Brésil est pleine de fausses avancées et de reculs sociaux et environnementaux, avec de nombreux exemples où le gouvernement se donne des instruments légaux qu’en réalité il n’utilise pas. Ou alors, il élabore une mesure restrictive, mais ne se livre ensuite à aucune surveillance ni sanction, ce qui l’empêche de mener à bien les actions proposées. Je pourrais citer comme exemple de ce que j’appelle des fausses avancées, sous forme de reculs sociaux et environnementaux, du gouvernement de João Goulart [président du Brésil de 1961 à 1964]. Celui-ci avait proposé une réforme agraire qui se ferait, sans restriction aucune, sur des terres le long des autoroutes. En d’autres termes, on devait exproprier n’importe quelle terre, productive ou non. Pourquoi ? Parce qu’on prétendait promouvoir des changements structurels dans la société brésilienne, à ce moment historique des années 1960. Et le régime de la distribution de terres devait subir des changements. C’est ce que l’on imaginait en mettant en place des réformes de base.

Et comment les élites brésiliennes ont-elles répondu? Par vingt années de dictature militaire et aucune réforme structurelle. Paradoxalement, les mêmes militaires qui avaient empêché le plan de réforme agraire de João Goulart ont alors proposé la loi dite du Statut de la Terre. On peut donc dire que la loi sur la réforme agraire brésilienne a été proposée par les militaires qui avaient organisé un mouvement contre la réforme agraire elle-même.

De cette manière, la loi sur le Statut de la Terre, qui constitue la loi supérieure, a été assassinée au début du gouvernement militaire, encore en 1964, et le 1er Plan National de Réforme Agraire, l’instrument politique de son application, n’a pas été mis en place. Ils ont alors procédé à une petite distribution de terres dans des projets de colonisation légale en Amazonie. Mais en réalité, le Plan National de Développement (PND) a servi d’instrument de distribution de terres aux bourgeoisies nationale et internationale en Amazonie légale même, à travers des programmes d’incitation fiscale de la SUDENE (Superintendance du Développement du Nordeste). Ensuite, le gouvernement militaire a réformé le Código Florestal en 1967. Ainsi ce même gouvernement militaire, en 1967, a élaboré un plan d’incitation fiscale à l’expansion de la sylviculture d’eucalyptus et de pins, faisant ainsi venir dans le pays des industries de cellulose polluantes qui étaient déjà remises en question en Europe. Qui ne se souvient de la défense soutenue pas les militaires lors de la première réunion sur l’environnement? Au Brésil, c’est comme ça, c’est l’histoire: le gouvernement prend des mesures légales, mais ne les applique pas.

Le gouvernement Sarney [président de 1985 à 1990] a élaboré le 1er Plan National de Réforme Agraire censé installer plus d’un million de familles, mais il n’en a installé en réalité que quatre-vingt mille. Quant à FHC [Fernando Henrique Cardoso, président de 1995 à 2003], il a élaboré le 2ème PNRA en raison des pressions internationales faisant suite au Sommet de Rio sur l’Environnement en 1992, mais il n’a pas combattu la déforestation et la corruption au sein de l’IBAMA (Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles).

A travers Marina Silva au Ministère de l’Environnement, Lula a reproduit le vieux dicton du «faites ce que je dis, mais pas ce que je fais ». Marina a mis en place un programme de combat contre la déforestation, au début assez efficace, jusqu’au moment, qui a presque immédiatement suivi, où elle a mis en place la Loi sur l’exploitation des forêts publiques.

Cela pour ne pas parler de l’approbation des transgéniques par toute la législation, qui a constitué une manière de faire inventée, en quelque sorte, par l’Etat brésilien. Un président de la République édicte trois actes légaux, commettant ainsi trois crimes simultanés. Il autorise: l’importation de semences transgéniques, qui est alors interdite; la plantation de ces semences transgéniques, également interdite ; et la vente de soja transgénique, interdite elle aussi. En résumé, le gouvernement Lula a élaboré la législation permettant d’absoudre qui commet les illégalités.

Si on y regarde bien, le gouvernement n’a pratiquement pas protégé [grâce à une démarcation spécifique] des terres indigènes et quilombola [terres sur lesquelles vivent des communautés noires composées de descendants d’esclaves], comme l’exige la Constitution. Au lieu de mettre en place la réforme agraire du 2ème Plan National, qu’a fait l’INCRA (Institut national pour la colonisation et la réforme agraire)? Il a menti à la société brésilienne, publiant des chiffres qui ne correspondaient pas à la vérité, parce que, des 400’000 familles soi-disant installées [sur des terres| sur la période de 2003-2006, à peine 150’000 l’ont été dans les faits. Et qu’a-t-il été mis en place simultanément? Les Mesures Provisoires 422 et 458 et la légalisation sur le brûlage en Amazone légale. Avec même une pointe d’ironie, puisque ce programme du gouvernement de légalisation du brûlage s’appelle Terre Légale.

Et nous nous trouvons maintenant face à la réforme du Código Florestal. En réalité, quel que soit l’acte légal qui sortira du Congrès, quel que soit le texte légal du Código Florestal, il ne sera pas appliqué. Parce que l’histoire du Brésil est une histoire de non-respect systématique de la loi. Et l’Etat ne surveille ni ne poursuit celui qui ne respecte pas la loi.

Ainsi, nous vivons actuellement un moment crucial dans la société brésilienne, un moment où la manière d’agir des élites semble n’avoir aucune conséquence dans la société civile, ces agissements donnant l’illusion de résoudre les problèmes environnementaux, sociaux et économiques. Mais, en vérité, les élites continuent de ne rien faire d’autre que se foutre de la loi et transgresser constamment les instruments légaux, avançant en d’accord avec les intérêts du développement capitaliste. On fait ce qu’exige la logique d’accumulation capitaliste, même si c’est interdit par la loi.

De plus, en ce qui concerne la question indigène, on parle déjà de changement de la législation sur l’exploitation minière en terre indigène, c’est-à-dire que le capital agit à nouveau dans une logique d’accumulation. Et nous nous trouvons face à une réalité cruelle. Le gouvernement du Parti des Travailleurs, à l’inverse de tout ce qu’on aurait pu attendre de lui, est en train de mener toutes les réformes structurelles dont le capital a besoin pour augmenter l’exploitation sur les travailleurs et les ressources naturelles au Brésil.

Sous les gouvernements antérieurs, la bourgeoisie n’a pas eu le courage de mener de telles réformes, réformes qui sont maintenant effectuées par le gouvernement du Parti des Travailleurs. Des réformes qui ne bénéficient qu’à l’accumulation capitaliste au Brésil, sans apporter de bénéfices sociaux, si ce ne sont ces miettes octroyées par les politiques compensatoires («d’assistance sociale») telles que les programmes Bourse Famille, Lumière Pour Tous ou Ma Maison, Ma Vie. Un ensemble de politiques compensatoires qui certes apporte quelque bénéfice à la population, mais qui cache l’augmentation de l’exploitation des travailleurs et des travailleuses ainsi que des ressources naturelles du pays.

Correio da Cidadania: La longue gestation de la modification du Código Florestal est peut-être un des processus les plus significatifs du conflit d’intérêts dans le pays et de son option résolue en faveur des plus puissants. Que pensez-vous du parcours qu’a suivi ce processus au cours de cette année, du positionnement du gouvernement et des changements qui selon toute vraisemblance vont être approuvés par le nouveau Code?

Ariovaldo Umbelino: C’est là que réside le principe dominant. Aucune des restrictions qui seront approuvées et qui passeront dans le Código Florestal ne sera respectée par le gouvernement, qui ne rendra effectives ni surveillance ni sanction. Mais il y a également les points que les latifundistes voudraient modifier pour favoriser l’accumulation du capital. Ceux-ci seront mis en place. Par exemple: sera approuvé le fait qu’il n’y ait plus besoin d’enregistrer  les «Réserves légales» [propriétés privées qui ont l’obligation légale de protéger les jeunes pousses] dans le registre foncier. Dit autrement, ils ne veulent plus devoir faire enregistrer les «Réserves légales» de registre de la propriété foncière. Cela est en train de passer dans le Code parce qu’un instrument légal qui pourrait les punir ne les intéresse pas, puisqu’ils ne vont pas respecter la législation de la Réserve Légale. Et si celle-ci n’est pas enregistrée dans un registre, l’Etat se retrouvera sans instrument légal lui permettant de traîner devant les tribunaux ceux qui violent la loi.

Autre point : ils veulent autoriser, surtout pour l’élevage de crevettes, l’exploitation de celles-ci dans des zones de mangrove. Et pour cela, ils sont en train de sortir certaines zones de mangrove des APPs (Zones de Protection permanentes). Mais voyons, une zone de mangrove [écosystème de marais maritime incluant un groupement de végétaux principalement ligneux], c’est là où les poissons et les crustacés se reproduisent. Si on ne protège pas la mangrove, on ne protège pas l’élevage des espèces marines! A nouveau, «faites ce que je dis et pas ce que je fais»… Un autre changement qui est en train d’être passé sous silence: l’exploitation des sentiers, surtout dans le Cerrado [savane tropicale recouvrant huit Etats du centre du Brésil], de vastes zones dont ils veulent profiter économiquement en les retirant également des APPs.

C’est un ensemble d’actions qui vont toujours dans le même sens : dans les zones qu’ils veulent soi-disant « décriminaliser », ils essaient de lever les restrictions légales. Où ils ne parviennent pas à lever ces restrictions, ils laissent tomber, parce qu’ils savent qu’ils ne vont de toute façon pas respecter la loi, que l’Etat ne procédera à aucune surveillance et qu’en conséquence ils ne seront pas punis.

Correio da Cidadania: Parallèlement aux fortes discussions et polémiques qui ont entouré le Código Florestal, la centrale hydroélectrique de Belo Monte a également mis en lumière un conflit d’intérêts existant entre, d’un côté, les grands groupes économiques et les politiciens intéressés à cette construction et, de l’autre, les populations originaires, spécialement les populations indigènes [«indiennes»], celles qui seront les plus affectées par le problème de leur déplacement notamment. Que pensez-vous de tout ce qui s’est passé cette année autour de ce projet, du positionnement du gouvernement en relation à celui-ci et de ce qui pourra bien advenir s’il est poursuivi?

Ariovaldo Umbelino: Belo Monte est une erreur. Comme Balbina, dans l’Etat d’Amazonas, fut aussi une erreur. On dit que la centrale va générer une quantité donnée de mégawatts, mais en réalité le régime hydrique des fleuves dans cette région de l’Amazonie subit une oscillation de niveau durant l’année. La quantité annoncée de mégawatts est celle de la période des fortes pluies, mais en temps de sécheresse on ne parviendra pas à maintenir le niveau. La même chose que ce qui se passe à Balbina…

Du point de vue économique, cette construction est discutable. Du point de vue environnemental, c’est un crime sans précédent! Une partie de l’Amazonie légale va être abîmée, agressée par l’investissement économique et surtout, cette construction énorme portera atteinte aux peuples indigènes, qui possèdent dans cette région l’un de leurs lieux mythiques, lieu d’où provient toute leur mythologie, selon ce qui nous disent les anthropologues. Sachant cela, une partie de l’Etat fait preuve d’un total irrespect en voulant absolument réaliser ce projet.

Je pense également que nous n’avons aucune idée de ce qui peut se passer. Nous ne savons pas comment les peuples indigènes vont réagir. Souvenons-nous des épisodes qui ont entouré l’histoire de l’Indienne kayapo Tuíra, lorsqu’elle a pointé sa machette au visage des ingénieurs de l’entreprise Eletronorte, coupant avec son gourdin le bras de l’un d’eux [ce geste historique symbolique avait été commis dans le cadre d’une rencontre des peuples autochtones du Xingu, en février 1989]. Nous n’avons aucune idée de la manière dont réagiront les peuples indigènes et je ne perçois aucune volonté du gouvernement d’établir un dialogue avec les peuples indigènes et les autres personnes lésées par ce projet.

Correio da Cidadania: Un des grands thèmes sur lequel vous avez agi de manière incisive au cours de ces dernières années et qui a déjà été mentionné au début de cet entretien, c’est l’abandon de la politique de réforme agraire, un problème qui est lié à la négligence du gouvernement sur la question du brûlage des terres, où il a pu compter sur la connivence d’organismes tels que l’INCRA qui a toujours joué le rôle d’ «écran de fumée». Que pensez-vous de la manière dont ces questions ont été traitées au cours de cette première année de Dilma à la tête du gouvernement?

Ariovaldo Umbelino: Le gouvernement Dilma est une espèce de prolongement du second mandat du gouvernement Lula. Du point de vue d’une action spécifique de son gouvernement, nous n’avons jusqu’à maintenant que ladite Bolsa Verde (Bourse Verte), une politique compensatoire de remise d’une certaine somme mensuelle aux familles qui habitent dans les aires de protection environnementale en Amazonie légale. Cette Bourse Verte est le premier instrument spécifique du gouvernement Dilma. Evidemment, il a des conséquences sociales pour ces populations, dans la mesure où celles-ci reçoivent une aide qui peut améliorer un peu leurs conditions de vie quotidienne. Mais il ne s’agit en aucun cas d’une réforme structurelle, ne serait-ce que par le fait que la somme destinée à ces familles ne permet même pas de développer des actions intéressantes, comme l’extraction de ressources végétales, par exemple, qui leur permettrait de devenir autosuffisantes. C’est encore une politique d’assistance qui ne résout pas les problèmes structurels, générateurs de la pauvreté et de la misère au Brésil.

En ce qui concerne la réforme agraire, nous vivons un moment curieux. Parce que, d’un côté, le gouvernement ne la promeut pas, puisque, comme je l’ai dit, il n’a pas fait le 3ème Plan National de Réforme Agraire. Et, d’un autre côté, les mouvements sociaux organisés et syndicaux eux-mêmes ne protestent pas contre le fait qu’il n’y ait pas de réforme agraire! Nous n’avons aucune action des mouvements allant dans le sens d’exiger du gouvernement qu’il mène une politique de réforme agraire.

Et à quoi avons-nous assisté de 2009 à aujourd’hui? A une augmentation du nombre de conflits pour la terre. Cela veut dire que le paysannat brésilien poursuit sa lutte pour la réforme agraire. Mais le problème est que la lutte mène à la barbarie puisque c’est une lutte des posseiros, avant tout. Cette lutte des posseiros n’a pratiquement pas d’organisation sociale. Et sans cette organisation sociale et politique qui leur donnerait des garanties, ils restent à la merci de la violence pratiquée par les latifundistes brésiliens.

Les assassinats sont en augmentation, les conflits aussi. Cette augmentation des conflits est indicatrice du fait qu’une partie de la société brésilienne, représentée par les paysans, veut la réforme agraire. Mais cela n’est pas compris par l’Etat, ni par le Parti des Travailleurs qui a pourtant promis tout au long de son histoire, depuis sa formation, la réforme agraire comme action structurelle capable de résoudre le problème de la pauvreté et de la misère de cette parcelle [les posseiros] du paysannat brésilien. Comme je l’ai dit, 47% des indigents vivent à la campagne. Et le gouvernement n’a pas de politique de réforme agraire!

Cela reste une chose pour le moins bizarre. Les paysans réclament la réforme agraire, comme nous pouvons l’observer à travers l’augmentation des conflits dans les zones rurales, alors qu’en même temps, les mouvements sociaux  – qui avaient surgi il y a 25-30 ans pour se battre pour la réforme agraire – ne la réclament eux-mêmes plus vraiment. Un moment étrange, mais je crois encore que la société civile saura comment dépasser cette «croisée des chemins» que nous vivons en ce qui concerne la réforme agraire.

On doit aussi se rappeler qu’une partie des intellectuels ne parle plus de réforme agraire. Pour une partie d’entre eux, celle-ci n’est plus nécessaire. Les paysans qui luttent et meurent ne sont pas entendus par ces intellectuels…

Une autre question concernant cette «croisée des chemins» est la position des mouvements sociaux qui disent qu’ils ne veulent plus d’une réforme agraire classique. Je leur réponds: «Mes amis, le pays n’a jamais eu aucune réforme agraire! Comment pouvez-vous donc vous prononcer contre une réforme agraire ‘classique’? En réalité, la réforme agraire «classique» a été une revendication des partis communistes, et non le cri et la lutte des ligues paysannes du Brésil, n’est-ce pas? ». Les paysans ont crié et continuent à crier à travers les posseiros et les mouvements sociaux.

Quoi qu’il en soit, nous nous trouvons dans cette situation absurde consistant à nous interroger sur la réforme agraire en tant qu’instrument politique et économique. Elle est le seul chemin possible pour le pays et la société brésilienne dans la construction d’une politique de souveraineté alimentaire, de production d’aliments pour la société, parce que l’agronégoce produit des biens marchands pour qui a de l’argent, pour exporter, mais non pour résoudre le problème de l’autosuffisance alimentaire de la société brésilienne. La réforme agraire est l’instrument politique dont l’Etat dispose pour soumettre la propriété privée de la terre à la satisfaction d’un besoin et d’une fonction sociale essentiels, si l’on se souvient que la fonction sociale se réalise par les législations sur la terre, le travail, l’environnement… La réforme agraire est un instrument puissant dont l’Etat dispose à des fins constitutionnelles, instrument à travers lequel la propriété capitaliste de la terre serait soumise à la réalisation de cette fonction sociale, comme l’exigent le Statut de la Terre et la Constitution Brésilienne de 1988.

Correio da Cidadania: Les événements survenus dans l’Etat du Mato Grosso do Sul, qui constituent de nouveaux et tristes épisodes du génocide indigène, closent tristement l’année 2011, marquée par tant de revers et d’attentats environnementaux et sociaux. Que penser de ces épisodes et de quelle manière sont-ils en relation avec les questions antérieures?

Ariovaldo Umbelino: La question du Mato Grosso do Sul est une autre de ces questions montrant la schizophrénie qui existe dans la politique brésilienne. Si nous regardons les chiffres de l’INCRA, le Mato Grosso do Sul est l’Etat comptant le plus de titres déclarés de possession de terres. Si on additionne ces titres, on obtient une surface plus étendue que l’Etat lui-même! Au Mato Grosso do Sul, nous avons une grande quantité de documents illégaux de possession de terre. De plus, une partie significative de l’Etat constitue une zone de frontière sur laquelle il ne peut y avoir de terres enregistrées légalement par des gouvernements d’Etats fédéraux.

C’est l’INCRA qui est censé contrôler l’occupation dans les zones-frontière. Mais en réalité, que s’est-il passé dans cet Etat depuis le temps où il faisait encore partie du Mato Grosso? On a émis des titres de propriété sur toute sa superficie. Nous nous trouvons donc face à une émission de titres illégaux de terre et les fazendeiros [grands propriétaires] qui sont sur ces terres en revendiquent la propriété. Mais ce sont des actes de flagrante illégalité. Une partie significative des terres devrait être réservée pour les peuples indigènes auxquels elles appartiennent. Cela en vertu de la législation brésilienne qui affirme que ce sont les peuples indigènes qui en priorité ont droit à la terre.

Quelle que soit l’occupation de ces terres, le droit originaire revient aux peuples indigènes. Mais ici, c’est le contraire de la loi qui se passe et tout continue à laisser croire que ce sont les latifundistes brûleurs de terres qui ont droit à celles-ci et non les Indiens.

Et même après ce merveilleux épisode devant le Tribunal fédéral suprême du Brésil, où, en affirmation des droits des peuples indigènes et autochtones à la terre, il a été confirmé que les non-Indiens devaient se retirer de la Terre Indigène de Raposa Serra do Sol [Etat de Roraima à l’extrême nord du Brésil], l’Etat continue d’ignorer cette disposition légale et constitutionnelle qui garantit leurs aux indigènes.

Aujourd’hui, les peuples indigènes sont également des sujets sociaux en lutte pour la terre, ce qui est d’une absurdité flagrante. Si nous regardons la Constitution de 1988, il a été donné cinq ans pour la démarcation de toutes les terres indigènes. Aucun président n’a fait de telles démarcations et la société civile n’a jamais demandé une procédure d’impeachment [de destitution] contre ces présidents de la République qui ne respectent pas la Constitution.

Ainsi, en tout ce qui concerne les questions agraires et environnementales, nous vivons dans une situation de total mépris de la loi et de la Constitution. Et le pouvoir judiciaire reste immobile, comme si rien ne s’était jamais passé! Et si on réclame quoi que ce soit, aussitôt on nous répond que «le pouvoir judiciaire ne réagit que quand il est actionné».

Il est nécessaire que la société civile comprenne toutes ces contradictions dans lesquelles nous vivons et commence à élaborer de plus en plus d’Actions Civiles Publiques allant dans le sens d’acculer les gouvernants irrespectueux de la Constitution, eux qui ont pourtant juré de s’y soumettre quand ils ont reçu le pouvoir.

Correio da Cidadania: Considérez-vous réellement le gouvernement Dilma comme étant la continuité du second mandat de Lula, à la lumière de ce que la présidente actuelle indique déjà comme étant les lignes directrices de son action gouvernementale?

Ariovaldo Umbelino : Comme je l’ai dit plus haut, je vois que le gouvernement Dilma est un prolongement du second mandat du gouvernement Lula. Si l’on regarde, par exemple, l’ensemble de mesures que la direction de l’IBAMA [Institut brésilien du milieu ambiant et des ressources renouvelables] est en train de prendre en ce qui concerne les autorisations environnementales pour les grands travaux, nous allons voir que le gouvernement va supprimer tous ces instruments de protection environnementale, de manière que les grands travaux du PAC puissent se faire indépendamment de toute autorisation.

Ainsi, c’est un gouvernement qui va à contresens de l’histoire, puisqu’il ne va que dans la direction de favoriser le grand capital au Brésil. Je veux bien que nous ne soyons que dans la première année de gouvernement, mais ces actions sont déjà limpides. Il n’y a eu aucune discussion sur Belo Monte, bien au contraire. Nous avons aussi des problèmes dans la construction des usines hydroélectriques du Fleuve Teles Pires [appelé aussi Rio São Manuel, ce grand fleuve du bassin de l’Amazone parcourt les Etats du Mato Grosso et du Pará] et personne ne parle de rien. Les prochaines autorisations seront pour le Vale do Rio Juruena, une zone riche de terres indigènes sur les deux rives du fleuve, ce qui va poser beaucoup de problèmes lorsque les travaux seront autorisés.

Nous vivons un moment dans lequel le Parti des Travailleurs est un véritable Parti du Capital.

Correio da Cidadania: En plus de cela, pensez-vous que le gouvernement Dilma donne des indices quant au fait qu’il sera encore moins réceptif que le gouvernement Lula en ce qui concerne le dialogue avec les mouvements sociaux?

Ariovaldo Umbelino: Si nous comparons le premier mandat de Lula avec le second, nous voyons que sous le premier, il y avait encore des mouvements sociaux faisant une pression politique. Maintenant, ils ne font plus aucune pression. Tout au contraire, certains intellectuels qui appuient tel ou tel mouvement idolâtrent le gouvernement Lula. Le nombre d’intellectuels et de personnes émettant des critiques sur les politiques mises en place a diminué et souvent leurs critiques n’obtiennent aucun écho.

Nous vivons une période dans laquelle le gouvernement Dilma approfondit les réformes visant à supprimer toute législation restreignant l’avancée du capital au Brésil, et elle ne rencontre aucune opposition ! C’est là un grand problème, le pays n’a pas d’opposition. La faible opposition des partis de gauche finit par tourner en rond et ceux-ci ne parviennent pas à mobiliser la société en général.

Nous nous trouvons à un moment d’absence de lutte politique de la part de la société civile. Et à un tel moment, que fait le gouvernement? Il approfondit ses actions dans le sens de retirer des conquêtes sociales et des droits permettant la construction d’une société et d’un pays plus humains, avec une meilleure distribution de la richesse.

Correio da Cidadania: Ce renforcement du grand capital ne se fera, de fait, qu’à travers des financements et des législations. Il semble que les organes et segments du gouvernement qui puissent donner du soutien aux causes populaires ici défendues sont de plus en plus affaiblis, alors que ceux qui favorisent le capital et son modèle de développement sont fortifiés.

Ariovaldo Umbelino: Il faut illustrer par des exemples comment de telles actions se produisent. Si nous prenons les actions de la Banque Nationale de Développement Economique et Social (BNDES), nous voyons que la banque a financé des entreprises nationales pour les transformer en des entreprises mondiales. L’action de la BNDES va dans cette direction: fortifier ces entreprises par des apports de capital et les rendre aptes à être des acteurs «compétitifs» sur le marché international. La BRF-Brasil Foods SA (créée en 2009, présente sur les Bourses de São Paulo et de New York), produit de la fusion entre les transformateurs de viande Sadia et Perigão, constitue l’un de ces exemples. Lorsque le cas de sa fusion a été porté devant la CADE, l’organe de contrôle des fusions qui vise à éviter la formation de monopoles et de cartels au Brésil, il a été décidé que la compagnie Sadia devait vendre une partie de ses sites industriels, de manière à ne pas se constituer en monopole. Et qu’est-ce que Sadia est en train de faire? D’acheter Frangosul, une firme française du secteur avicole (le Groupe Doux). En d’autres termes, le capital poursuit sa marche vers sa concentration et sa centralisation, et le gouvernement l’appuie.

Paradoxalement, nous voyons qu’une partie de ces entreprises brésiliennes qui sont en train de devenir mondialisées ont de l’argent provenant des fonds de pension des entreprises d’Etat. C’est une chose curieuse, puisque les travailleurs eux-mêmes deviennent ainsi «intéressés» au renforcement de telles entreprises. C’est une espèce de nouvelle soudure de la relation capital-travail, une manière de présenter les deux éléments comme étant les deux faces de la même médaille. Et autant le gouvernement Lula que le gouvernement Dilma agissent dans cette direction, renforçant les entreprises et les rendant compétitives du point de vue global. A l’évidence, nous subissons une politique économique cherchant à renforcer le capital et non à humaniser les relations entre le capital et le travail.

Correio da Cidadania: En voyant ce tableau, il est difficile d’imaginer un gouvernement qui pourrait, même de façon minime, donner un cadre plus digne et plus humain au déroulement des événements, particulièrement dans le domaine environnemental…

Ariolvaldo Umbelino: Je ne désire pas, en tant qu’intellectuel, faire de prévisions en analysant un gouvernement qui n’a qu’un an et qui, j’imagine, n’a pas encore mis en place tous les projets qu’il a pour sa période de mandat. Mon analyse reste donc limitée à la première année. Si le mandat gouvernemental se déroule de manière semblable à la première année, alors ce sera la continuité du second mandat du gouvernement Lula, tout étant fait contre la réforme agraire, en faveur du capital, contre les travailleurs, contre la protection de l’environnement. Le gouvernement fera tout ce que le capital désire, sans mettre en place aucune réforme structurelle. Il continuera et amplifiera des politiques d’assistance initiées sous le gouvernement Lula, jugeant que la société civile brésilienne va continuer à se taire. Je pense que la société civile a une limite. Elle espère des actions des gouvernants, mais jusqu’à une certaine limite. Ensuite, elle peut faire entendre sa voix. L’année 2012 est une année électorale. Et il peut déjà y avoir du changement.

Correio da Cidadania: Quels «antidotes» estimez-vous nécessaires et viables dans les circonstances actuelles pour essayer «d’humaniser» les relations capital-travail et les relations sociales et politiques elles-mêmes?

Ariovaldo Umbelino : Je pense que d’un point de vue politique, la société brésilienne a un comportement que la majorité des intellectuels ne comprend pas. Sa réaction dans le domaine de la politique tarde parfois, faisant ce que nous appelons dans la théorie la «révolution silencieuse». D’une certaine façon, il se produit des changements sans que nous nous rendions compte qu’ils sont en marche.

Et je pense que les contradictions dans la relation capital-travail vont devenir plus aiguës, notamment avec la question des retraites qui va s’imposer sur l’agenda des questions nationales. Et au moment où se tiendra la discussion, les travailleurs et travailleuses pourront voir de quel côté se trouve le gouvernement Dilma. La question de la retraite au Brésil n’existe pas, ou ne devrait pas exister. Si nous regardons les ressources du système que récolte la Prévoyance sociale, nous allons voir qu’elle est bénéficiaire et non déficitaire, comme on nous le fait croire. Le problème est qu’au Brésil, la Prévoyance sociale a parfois intégré dans ses comptes les dépenses pour des retraites importantes, comme par exemple la retraite des travailleurs ruraux, pour laquelle ni le patron ni l’employé n’avait jamais payé de contribution. Il y a également d’autres questions, qui sont certes à examiner et à régler, mais tout cela devrait être sorti du budget public. Et les gouvernements veulent combler ce qu’ils prétendent être un «déficit de la Prévoyance sociale»…

Il suffit de regarder l’item principal des mesures prises en Europe en ce moment de crise: la mise en question des conquêtes sociales des travailleurs. Le gouvernement brésilien n’a pas encore mis en place de telles politiques, mais il va inévitablement le faire au cours de l’année qui vient, principalement si nous avons un approfondissement de la crise mondiale. Et tout indique que cette dernière va s’approfondir, ce qui touchera évidemment aussi le Brésil. De telles questions vont donc apparaître, ce qui permettra aux travailleurs de vérifier de quel côté se trouve le Parti des Travailleurs. Et je n’ai aucun doute sur le fait que ce côté est celui du Capital et non celui du Travail. (Traduction A l’Encontre)

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Ariovaldo Umbelino est professeur à l’Université de São Paulo (USP). L’entretien a été conduit par Valéria Nader et Gabriel Brito de la rédaction de l’hebdomadaire Correio da Cidadania et publié en fin décembre 2011.

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