Brésil. «La parole du chef est fasciste»

Par Girbran Jordão

Jair Bolsonaro influence des millions de personnes, de concert avec des secteurs des forces armées, de l’agro-industrie (la fraction dite ruraliste et agro-exportatrice), des organisations telles que le MBL (Mouvement Brésil libre), l’aile droite du PSDB (Parti de la social-démocratie brésilienne) et les DEM (Democratas). Il est soutenu par des intellectuels de droite comme Olavo de Carvalho, conseillé par Steve Bannon, félicité par le Ku Klux Klan, béni par l’opportunisme de l’Eglise (un appui qui n’est pas celui de toutes les églises, il faut le reconnaître) et acclamé par les marchés financiers sans âme, comme le dit Haddad…

Cette sainte alliance de l’extrême droite libérale et conservatrice possède un chef aux commandes. La principale figure publique de ce front de la régression de la civilisation est Jair Bolsonaro. Il donne des ordres dans le style dictatorial et autoritaire, vulgaire, médiocre… Mais il donne des ordres!

Jair Bolsonaro ne sait-il pas qu’il est un chef ayant une base de masse? Serait-il trop naïf de ne pas comprendre que le slogan «nous allons mitrailler les pétistes» [les membres et sympathisants du PT] peut être porté à ses ultimes conséquences par ses partisans les plus extrémistes?

Ou bien ces slogans sont-ils introduits consciemment pour servir un projet stratégique qui commence à se former dans le but d’imposer des idées fascistes à la société?

La plupart des secteurs de gauche et même du centre droit qualifient déjà cette candidature comme ayant des caractéristiques fascistes. Fernando Henrique Cardoso, ancien président de la République [de janvier 1995 à janvier 2003], l’un des dirigeants du PSDB (opposant historique du PT), à propos de l’épisode de la menace du fils de Bolsonaro, Eduardo, visant la Cour suprême fédérale [voir article en date du 24 octobre 2018], a déclaré: «Ça sent le fascisme.» C’est-à-dire qu’une partie de l’élite politique et des fractions distinctes de la bourgeoisie démocratique se méfient du projet des certains sommets de l’armée.

C’est ainsi que des personnalités publiques du poids de Joaquim Barbosa [1] et Rodrigo Janot [2], des messieurs qui de plus ont enquêté sur les pratiques du PT et les ont condamnées, ont déclaré leur soutien à Fernando Haddad. Pour ces personnalités, la candidature du PSL (Parti social-libéral de Bolsonaro) représente un impact négatif fort destructeur pour le pays, une menace pour les libertés démocratiques. Le trouble intellectuel d’une éventuelle victoire de Bolsonaro a non seulement obligé Barbosa et Janot à voter pour Haddad, mais leur a également fait sentir l’obligation et l’urgence de rendre public leur vote. Il y a aussi ceux qui doutent de la signification des vraies caractéristiques du ticket présidentiel et vice-présidentiel de Jair Bolsonaro et de Hamilton Mourão [ex-général, à la retraite forcée depuis février 2018]. Mais ils ne veulent pas voter la liste 17 (celle de Bolsonaro et Murão), car ils ne désirent pas «payer» pour voir, après coup, si nous serons vraiment confrontés à la barbarie ou non.

C’est ainsi que la résistance grandit et que les rues commencent à s’agiter et que la campagne de Jair Bolsonaro provoque systématiquement l’instabilité démocratique. La violence des secteurs extrémistes de Bolsonaro et la connivence de tous les acteurs de la campagne entraînent chaque jour de nouveaux faits: menaces, agressions physiques, viols et meurtres… Cette semaine, une fille a été violée par des partisans de Bolsonaro, menacée, puis violée. Le dernier jour de la campagne, un supporter de la famille Bolsonaro a ouvert le feu sur la caravane de Haddad à l’intérieur de l’Etat du Ceará [Etat du Nordeste], tuant un jeune homme, fils d’un syndicaliste de la CUT (Centrale unitaire des travailleurs). Les deux cas ont tourné au scandale dans les Etats de Ceará et dans tout Brésil et font actuellement l’objet d’une enquête de la part de la police.

Ce qui se passe dans cette campagne laisse déjà présager un gouvernement autoritaire et violent et constitue une menace réelle pour les libertés démocratiques. Nous ne savons pas si la montée de Haddad qui s’est développée ces derniers jours sera suffisamment forte pour vaincre la campagne de la liste 17 [la liste d’Haddad porte le numéro 13]. Mais tous ceux qui veulent repenser leur vote, les indécis, ceux qui veulent voter blanc ou nul doivent tenir compte du fait que cette élection présidentielle met l’un en face de l’autre: un député fédéral [depuis 27 ans] aux idées fascistes et un professeur démocrate de gauche, ancien ministre de l’Education, de 2005 à 2012 et maire de São Paulo de janvier 2013 à janvier 2017. (Article publié sur le site Esquerda online, en date du 28 octobre 2018; traduction A l’Encontre)

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[1] Président de la Cour suprême fédérale-STF de 2012 à 2014, membre du Parti socialiste brésilien et juriste de renom; il est issu d’une famille pauvre de ladite «minorité noire» du Minais Gerais; il a été nommé par Lula en 2003 à la Cour suprême. (Réd. A l’Encontre)

[2] Procureur général de la République de 2013 à 2017; il a fait sa carrière dans le Ministère public fédéral et a été soutenu, dès 2003, par Lula, puis par Dilma Rousseff. (Réd. A l’Encontre)

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Enquête publiée le samedi 27 octobre par Datafolha, avec évolution du 10 au 27 octobre
(Estimation des intentions de vote fermes, sans nuls, blancs ou «ne sais pas»)

 

Résultats des élections présidentielles brésiliennes en Suisse

Les Brésiliennes et Brésiliens vivant dans 99 pays différents peuvent voter pour ces élections. Ils/elles sont au nombre de 500’727 au total.

Voici les réusultats en Suisse:
• Genève 58,4% pour Jair Bolsonaro; Fernando Haddad: 41,6%
• Zurich: 2700 votes pour Bolsonaro et 1700 pour Hadad (chiffres quasi définitifs)

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