Par la rédaction d’Esquerda Online
Samedi 30 juillet, Jair Bolsonaro a fait part de son intention d’organiser le défilé militaire du 7 septembre sur la plage de Copacabana à Rio de Janeiro, défilé qui marque le 200e anniversaire de l’indépendance du Brésil. L’annonce a été faite lors d’une réunion du Parti libéral (PL) à São Paulo, où Bolsonaro a qualifié cette démarche comme une «innovation». Dans la matinée, Bolsonaro participera au traditionnel défilé, à Brasilia, en présence de chefs d’Etat, et à 16 heures, à la parade à Rio de Janeiro.
L’annonce va bien au-delà d’une simple «innovation», comme le président voudrait le faire croire. Ce changement a deux objectifs: transformer le défilé en un acte de soutien à la campagne de Jair Bolsonaro et aux menaces de coup d’Etat contre les élections. Le défilé aura lieu sur l’Avenida Atlantica, c’est-à-dire sur le front de mer de Copacabana, où des manifestations en faveur du président sont habituellement prévues. Avec cet initiative, le président espère répéter des scènes comme celles de 2018, lorsque des chars et des camions avec des soldats ont changé de trajet et «paradé» au milieu d’une foule qui célébrait la victoire de Bolsonaro, dans la ville de Niteroi (dans l’Etat de Rio). Rio de Janeiro est le berceau politique du bolsonarisme, non seulement le domicile électoral de la plupart des membres de la famille [les fils Eduardo, Flavio et Carlos], mais un lieu où l’influence bolsonariste sur les forces de sécurité, le gouvernement et le pouvoir judiciaire a atteint ses plus hauts niveaux. Cette influence s’ajoute à la présence et au contrôle des milices dans la capitale et la région de Baixada [qui compte quelque 3 millions d’habitants], des organismes divers proches de Bolsonaro.
Bien que Bolsonaro et Lula soient techniquement [dans les sondages] à égalité dans l’Etat, avec un avantage pour le candidat du PT, les candidats soutenus par Bolsonaro sont favoris pour se présenter au Sénat (Romário de Souza Faria, membre du PL, qui a voté la destitution de Dilma Rousseff, sénateur en charge depuis début 2015) et au gouvernement de l’Etat (Cláudio Castro, membre du PL, vice-gouverneur de Rio de 2019 à 2021, gouverneur depuis mai 2021). La réalisation de la parade consoliderait cet avantage et renforcerait les positions des candidatures bolsonaristes dans l’Etat. Un bolsonarisme qui ne jouira pas d’une vague électorale comme celle connue en 2018. Ces candidats sont actuellement menacés. Ils visent à accroître leur visibilité en multipliant des attaques et des menaces contre les parlementaires de gauche, spécialement les femmes noires, du PSOL, et ils déprécient la mémoire de Marielle Franco [conseillère municipale de Rio, assassinée le 14 mars 2018].
La tenue de la parade à Copacabana, et non sur l’avenue du président Vargas, où elle se déroule traditionnellement et pour laquelle toute la structure avait été préparée, est avant tout une manœuvre électorale, critiquée même par des militaires, comme le général de réserve Paulo Chagas, interrogé par le portail UOL le 2 août. «Il est certain qu’il s’agit d’une tentative d’impliquer les forces armées et la police dans le processus électoral, ce qui, à mon avis, est totalement hors de propos», a-t-il déclaré. Malgré l’avis du général, la relation des militaires avec le bolsonarisme et avec la politique se renforce, ce dont témoignent les discours du ministre de la Défense, le général Paulo Sérgio de Oliveira [en poste depuis le 1er avril 2022], qui répètent et entretiennent les attaques contre le système de vote électronique [une mise en question systématique par Bolsonaro qui mime Trump], proposant même un comptage parallèle.
Plus que les objectifs électoraux, la parade du 7 septembre est l’apogée des menaces de coup d’Etat et elle est convoquée dans cette perspective, sans déguisement. Après avoir posé dans le défilé officiel, comme un homme d’Etat, à Brasilia, Bolsonaro débarquerait à Rio de Janeiro pour remuer ce qu’il appelle une «armée»: des milliers de fanatiques d’extrême droite, la plupart armés [Bolsonaro a libéralisé l’acquisition des armes individuelles] et beaucoup de policiers, convaincus de mener un combat entre le bien et le mal et stimulés à accomplir des actes extrêmes afin d’arrêter «la menace communiste». Le 7 septembre, sous un vernis patriotique et nationaliste, devient donc le point d’orgue de la campagne de haine et de menaces menée par le boslonarisme. Les «soldats» de Bolsonaro descendront dans la rue «pour la dernière fois», selon le président.
Dans la mesure où les conditions d’un coup d’Etat ne sont pas réunies et où le bolsonarisme utilise ces menaces pour négocier un blindage [une protection juridique et autres] du président et des membres de sa famille après avoir quitté le pouvoir, rien n’empêche l’extrême droite de jouer les protagonistes ou d’appeler à des actions violentes en cas de défaite électorale, y compris avec plus d’efficacité et de morts que lors de l’assaut du 6 janvier 2021 contre le Capitole aux Etats-Unis. Plus que jamais, les menaces de coup d’Etat – y compris la mise en scène de la parade de Copacabana – doivent être arrêtées.
Pour cela, parallèlement à la campagne électorale pour élire Lula président au premier tour [voir à ce sujet l’article intitulé Deux stratégies pour élire Lula au premier tour et lutter contre le «golpisme»], la mobilisation des travailleurs et des jeunes contre le coup d’Etat est fondamentale. La première étape sera le 11 août, avec des actions de rue dans tout le pays, pour défendre la démocratie. Le même jour, on lira la lettre faite par la Faculté de Droit de l’USP (Université de São Paulo), une initiative dans l’unité d’action, qui réunit depuis des artistes, des intellectuels et des juristes jusqu’à même une partie de la classe supérieure, qui est contre un changement dans le régime politico-constitutionnel établi en 1988, malgré le soutien au programme économique de Paulo Guedes (ministre de l’Economie depuis janvier 2019) qui a apporté la faim et la misère à notre peuple. Une autre initiative importante aura lieu le samedi suivant le 7 septembre, le 10 septembre, lorsque des mobilisations en réponse au coup d’Etat sont appelées par la campagne nationale «Fora Bolsonaro». (Article publié sur le site Esquerda Online, le 2 août 2022; traduction rédaction A l’Encontre)
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