Par La Diaria
Après la publication, il y a quinze jours, de photos d’un groupe de personnes cherchant de la nourriture parmi un tas d’os et de graisse bovine jetés par des supermarchés à Rio de Janeiro, on a appris ce mercredi, 13 octobre 2021, qu’au Brésil, quelque 20 millions de personnes se privent de nourriture pendant 24 heures tous les quelques jours, que 24,5 millions de personnes commencent la journée sans savoir comment elles vont manger et que la quantité et la qualité de ce qu’elles mangent ont diminué. En outre, 74 millions d’autres personnes pourraient connaître ces situations à tout moment. Plus de la moitié de la population brésilienne, 55%, soit environ 117 millions de personnes, a souffert d’une forme d’insécurité alimentaire (grave, modérée ou légère) en décembre 2020.
Ces données ont été publiées par Folha de São Paulo, sur la base d’une étude réalisée par le réseau de recherche brésilien sur la souveraineté et la sécurité alimentaires et nutritionnelles (Rede Penssan). La recherche s’est basée sur des données officielles (l’enquête permanente sur les heures de travail et l’enquête sur le budget des ménages), ainsi que sur une enquête «en face à face» (qualitative) menée auprès de 1662 ménages urbains et 518 ménages ruraux en décembre 2020. Ces données ne tiennent pas compte de la hausse de l’inflation que connaît le Brésil depuis le début de l’année.
Dans un entretien avec la Folha de São Paulo, Daniel Balaban, du Programme alimentaire mondial des Nations unies, a averti que le Brésil n’a pas introduit de changements pour réduire la charge fiscale (imposition: TVA) sur les aliments, contrairement aux pays africains qui ont également des problèmes de faim. Au Brésil, la charge fiscale sur les aliments est de 22,5%, alors que la moyenne mondiale est de 6,5%. «La taxation de la consommation est l’une des plus injustes, car les pauvres consomment tous leurs revenus au quotidien. Nous devons changer cela, afin que les plus riches contribuent davantage via l’impôt sur le revenu», a déclaré Daniel Balaban.
Selon les données de l’Institut brésilien de géographie et de statistique (IBGE), l’insécurité alimentaire dans le pays a commencé à diminuer régulièrement depuis 2004 [suite au programme Fome Zero de Lula, dont le mandat commença en janvier 2003], mais a recommencé à augmenter à partir de 2014, année précédant la grande récession de 2015 et 2016 qui a réduit le produit intérieur brut de 7,2%. Par la suite, la crise budgétaire aiguë à laquelle le Brésil a été confronté [suite à la décision de limitation du déficit budgétaire prise par le gouvernement Bolsonaro et son ministre de l’Economie Paulo Guedes] et l’impact de la pandémie ont détérioré toutes les prévisions, et la croissance économique a été pratiquement nulle.
Dans ce contexte, la création d’emplois informels et faiblement rémunérés a encore réduit les revenus des familles les plus pauvres, qui consacrent la quasi-totalité de leur salaire à la nourriture, aux transports et au loyer.
Les pires niveaux d’insécurité alimentaire se trouvent dans le nord et le nord-est du Brésil: l’insécurité sévère touche respectivement 18% de la population et 14% des ménages, contre une moyenne nationale de 9%.
Le quotidien de São Paulo souligne également, en se basant sur des sources officielles, que le nombre total d’«agglomérations irrégulières» (bidonvilles ou favelas), c’est-à-dire des établissements précaires sans assainissement, est passé de 6329 en 2010 à 13 151 en 2019.
Les logements irréguliers sont passés de 3,2 millions à 5,1 millions. Les données de 2010 sont issues du recensement national et celles de 2019 sont des estimations préparées par l’IBGE pour planifier le prochain recensement de l’année 2022.
Un logement précaire sur quatre se trouve dans les Etats de São Paulo et de Rio de Janeiro, tandis que le nord et le nord-est présentent, à nouveau, les pires situations en matière de logement dans le pays. A Belém, capitale de l’Etat du Pará, les foyers précaires représentent 55,5% du total; à Manaus, capitale de l’Etat d’Amazonas, ils sont 53%, et à Salvador, capitale de Bahia, ils atteignent 42%. (Article publié dans La Diaria, 13 octobre 2021; traduction rédaction de A l’Encontre)
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