Proche du président, parlant en son nom, ce ministre congolais était formel: les balles des fusils des forces de l’ordre ont été retirées, des consignes de modération ont été données. [Ce qui était rapporté dans l’article publié sur ce site en date du 22 janvier. La réalité semble différente.]
Ah oui? C’était oublier que l’on peut tuer autrement, et que même dans ce Congo qui a connu toutes les formes de la violence, de la barbarie, il est encore possible d’innover. C’était dimanche après midi (21 janvier) dans un quartier plutôt huppé de Kinshasa, aux abords de l’église du saint Sacrement à Delvaux-Ngaliéma. Sur le parvis de l’église, des marcheurs brandissent leur missel, leur chapelet et ils prient tous ensemble. A côté des bâtiments paroissiaux, une maternité, tenue par des religieuses.
Consignes ou pas consignes, les policiers, – ou les militaires déguisés en policiers, ou l’inverse, comment savoir? – n’ont pas hésité: ils ont lancé des grenades lacrymogènes à l’intérieur de la maternité.
Huit douilles, qui avaient roulé entre les petits lits, ont été trouvées par la suite, vides. Avec leurs cris perçants, les nouveau-nés, eux aussi, avaient sans doute été jugés subversifs. Seize d’entre eux, intoxiqués par les gaz, se sont tus tout de suite, mais les religieuses ont réussi à les ranimer. Un des bébés est mort cependant, étouffé par les vapeurs empoisonnées.
La femme qui nous appelle dans la soirée pour nous décrire la scène pleure, hoquette. Entre deux sanglots, elle ajoute que dans l’église Saint François, une jeune fille de 22 ans a été tuée par balles, qu’à Lemba un jeune homme a été abattu, que le pasteur Ekofo, qui, dans son prêche tenu devant le gratin du régime, avait tenu des propos aussi critiques que ceux de Mgr Monsengwo craint désormais pour sa sécurité sinon sa vie et a dû se cacher.
Redevenue plus calme, notre interlocutrice – une femme d’un certain âge – conclut que jamais elle n’avait imaginé qu’un jour, au Congo, on tirerait sur des maternités.
Quel avenir pour ce pays où on gaze des bébés? (23 janvier 2018)
Soyez le premier à commenter