Algérie. Malgré une tentative de division, le Hirak résiste

Par Abdelghani Aichou

A Alger, et comme de coutume, ils étaient des milliers à sillonner les parcours habituels, respectivement depuis Belouizdad, Bab El Oued et les hauteurs de Didouche Mourad. Si la mobilisation n’est pas, bien entendu, similaire à celles enregistrées lors des premières semaines du hirak en 2019, il n’en demeure pas moins que l’affluence est toujours là, après la reprise des marches à l’occasion de son deuxième anniversaire, le hirak ayant décidé d’un arrêt, qui a duré près de huit mois, pour cause de coronavirus.

A cet effet, lors de ce vendredi [110e du hirak], les manifestants ont tenté d’afficher leur «union» quant à l’«objectif commun», une manière de réagir aux différentes polémiques qui ont éclaté ces derniers temps, principalement celles relatives aux clivages idéologiques.

Le slogan «Djazair hourra démocratia» (Algérie libre et démocratique), cher au camp démocratique, a été inscrit sur deux banderoles portées séparément par des manifestants venant de Belouizdad et Bab El Oued, aux côtés bien entendu de celles portant le slogan «Dawla madania machi askaria» (Etat civil non militaire). Beaucoup de pancartes brandies ont également porté des appels à l’union. «L’union et le pacifisme, seule voie menant vers la liberté», lit-on sur l’une d’elles. «Les Algériens khawa khawa», a par ailleurs été scandé à maintes reprises par de nombreux manifestants.

Rencontré au niveau de la rue Asselah Hocine, l’ex-député du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) a tenu à relever la «pluralité» de la manifestation, qui s’est ébranlée depuis Bab El Oued, marquée, entre autres, par la présence de plus en plus importante de femmes et de familles. Et comme d’habitude, l’étendard amazigh est toujours présent dans cette manifestation. «Ils ont voulu nous diviser avec la question identitaire, et ils n’ont pas réussi. Aujourd’hui, ils essaient de faire la même chose avec l’idéologie», nous dira un citoyen. Un autre criait à tue-tête: «Le hirak assiégé», réagissant probablement toujours à ces polémiques. «Je suis là et je ne suis pas membre de Rachad [courant défini comme islamiste] ni l’un de ses sympathisants», nous dira un autre, visiblement excédé par les propos de certains qui veulent présenter le hirak comme étant sous l’influence de cette organisation.

Rue Didouche Mourad, le président du RCD, Mohcine Belabbas, celui de l’Union démocratique et sociale (UDS), non agréée [l’UDS, issue du Front des forces socialistes n’a pas été légalisé en 2013], Karim Tabou [incarcéré sous l’accusation «d’atteinte au moral de l’armée», puis «d’incitation à la violence» et libéré sous condition], et l’avocat et défenseur des droits de l’homme Mustapha Bouchachi ont marché ensemble aux cris, entre autres, de «Djazair hourra démocratia».

Pas loin de la Faculté centrale, des manifestants ont affirmé via une banderole que «La révolution n’a pas été impulsée par un quelconque parti politique, mais elle est l’émanation du peuple».

Bien sûr, les marcheurs ont scandé les slogans habituels, remettant en cause la légitimité de l’élection présidentielle du 12 décembre 2019, le processus en cours, par conséquent l’élection législative anticipée du 12 juin, avec le slogan «Makanch intikhabat maa el îssabat» (Pas d’élections avec les bandes), ou encore ceux réclamant un «Etat civil non militaire». Celui s’en prenant aux «services», apparu depuis le retour du hirak à la suite des accusations de torture lancées par l’ancien détenu l’étudiant Walid Nekiche, a été également scandé.

Des manifestants ont aussi exprimé leur «soutien» aux youtubeurs établis à l’étranger et contre lesquels des mandats d’arrêt internationaux ont été lancés depuis quelques jours, selon un communiqué du procureur de la République près du tribunal de Bir Mourad Raïs pour des chefs d’accusation liés au terrorisme.

A noter, en dernier lieu, que comme d’habitude les marches d’hier [vendredi 26 mars] de la capitale n’ont pas connu d’incidents, hormis l’empêchement par des policiers de l’installation des manifestants sur la rampe Mustapha Ben Boulaïd, qui surplombe la rue Asselah Hocine, passage obligé de la manifestation de Bab El Oued. Ce qui avait fait dire à beaucoup de marcheurs que les services de sécurité ont probablement voulu faire en sorte qu’il n’y ait pas d’images de la manifestation depuis ce lieu.

Par ailleurs, quelques interpellations ont été enregistrées à la fin de la marche. Selon des informations, il est question de l’ancien détenu Mohamed Tadjadit, de l’étudiant Abdennour Aït Said, très engagé dans le hirak du mardi, et deux de ses camarades. (Article publié par Al Watan, le 27 mars 2021)

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