Par Mustapha Benfodil
«Madame Fatiha Briki, enseignante universitaire à la retraite et membre du CNLD, arrêtée avec perquisition de son domicile cet après-midi du jeudi 17 juin 2021.» C’est en ces termes que le Comité national pour la libération des détenus annonçait, avant-hier, la nouvelle de l’arrestation de Mme Briki, juriste et intellectuelle engagée, fervente défenseuse des détenus d’opinion. Pour l’heure, aucune information n’a filtré, ni sur l’endroit où elle se trouve ni sur les raisons de son arrestation.
La nouvelle a d’emblée suscité une vive émotion, tant cette militante discrète et dévouée est appréciée et respectée. La Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) a aussitôt réagi à cette arrestation via les réseaux sociaux.
Rappelant brièvement le parcours de Fatiha Briki, «militante des droits humains, membre du CNUAC, du CNLD et du Comité contre la torture et les conditions carcérales inhumaines», la LAADH a exprimé sa «pleine solidarité» avec la fille du vaillant moudjahid Yahia Briki, en appelant à «l’arrêt de la répression et du harcèlement des militant-e-s» et à la «libération de l’ensemble des détenus d’opinion». «La liste ne cesse de s’allonger. La situation des droits humains se détériore de jour en jour», s’alarme la LADDH.
L’émotion – nous le disions – et la consternation ont été à leur paroxysme dès que l’info s’est propagée. «L’ange du hirak, celle qui veille sur tout le monde sans distinction aucune, l’incarnation de la gentillesse. Libérez madame Briki !» écrit un militant.
La comédienne Adila Bendimerad s’est indignée en martelant: «Expliquez-moi : comment peut-on arrêter cette femme !» Notons également cette déclaration de la Coordination nationale des universitaires algériens pour le changement (CNUAC) : «Nous dénonçons l’arrestation arbitraire anticonstitutionnelle d’une collègue militante pacifiste, dont l’activité porte sur le soutien aux détenus d’opinion et leur famille, et à la défense des droits humains dans notre pays.»
Un autre enseignant universitaire, en l’occurrence le professeur de sciences politiques Abdelali Rezagui, a été arrêté lui aussi ce jeudi 17 juin avant d’être relâché quelques heures plus tard. «Arrestation de l’enseignant universitaire Abdelali Rezagui par 6 éléments de la police en civil à Sidi Fredj», postait le CNLD. Là aussi, aucune information n’a été fournie sur les motifs de cette interpellation.
Sur sa page Facebook, le professeur Abdelali Rezagui n’a pas livré de détails sur les péripéties qu’il a vécues dans les locaux des services de sécurité. Un message laconique posté après sa libération indiquait simplement: «Grâce à Dieu, le docteur retrouve sa famille sain et sauf. Nous remercions tous ceux qui nous ont soutenus.»
Dans un autre message publié hier par ses soins, l’universitaire a annoncé la sortie d’un nouvel ouvrage intitulé : Les coups d’Etat militaires et les assassinats politiques en Algérie. De Bachir Chihani à Gaïd Salah. Les perspectives de l’Etat civique.
L’annonce est accompagnée de cette précision : «Mon arrestation n’a aucun rapport avec le livre, malgré le fait qu’il m’a été confisqué durant mon interpellation. Il m’a été restitué de même que mon téléphone dès mon arrivée au centre où j’ai été auditionné.»
Ce jeudi 17 juin a vu, en outre, l’étudiant Abdenour Aït Saïd, l’une des figures emblématiques du hirak estudiantin, condamné à six mois de prison avec sursis par le tribunal de Sidi M’hamed. Abdeldjebbar Bennouna, autre figure de proue du hirak des campus, arrêté le 4 juin 2021 par la gendarmerie des Eucalyptus, selon le CNLD, a été présenté mardi dernier (le 15 juin) devant le procureur du tribunal de Larbaâ. Il a été auditionné en même temps que les citoyens Adel Hamma, Abdeldjalil Dekdouk et Smaïl Aggoune. Le procureur a ensuite «transmis leurs dossiers au juge d’instruction qui les a placés sous mandat de dépôt», rapporte le CNLD.
Le feuilleton des arrestations ciblant les activistes pro-hirak se poursuit : mercredi 16 juin, le hirakiste Mohamed Smallah a été arrêté à Alger et son domicile perquisitionné, affirme le CNLD. Mohamed Smallah a été placé en garde à vue au commissariat central d’Alger et sera présenté demain devant le procureur de Sidi M’hamed [commune du centre d’Alger]. Autre cas : celui du blogueur Tabouche Islam, arrêté de nouveau ce jeudi, à Sétif, avec perquisition du domicile familial.
Selon un recensement établi par le militant Zaki Hannache, nous en sommes à «262 détenus d’opinion, dont 4 femmes», en Algérie depuis la reprise du hirak le 22 février 2021. En tout, il y a eu plus de 6300 citoyens arrêtés sur la même période, précise la même source. (Article publié par El Watan, le 19 juin 2021)
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