Par Sharon Zhang
Lors d’une étape de sa campagne dimanche 3 mars [pour les primaires du Parti démocrate], la vice-présidente des Etats-Unis, Kamala Harris, a appelé à une pause de six semaines – qu’elle a qualifiée de «cessez-le-feu» – dans les frappes d’Israël contre Gaza [et sa population], reprenant la formulation que les défenseurs de la Palestine utilisent depuis des mois pour promouvoir ce qui, selon eux, équivaudrait simplement à une «pause dans le génocide».
Lors d’un discours prononcé devant le pont historique Edmund Pettus à Selma [le 7 mars 1965, sur ce pont, une marche sur les droits civiques est attaquée par les forces de police; le 21 mars, Martin Luther King conduit une nouvelle marche de Selma à Montgomery, capitale de l’Etat], en Alabama, Kamala Harris s’est interrompue après avoir appelé à un «cessez-le-feu immédiat». Elle laissa la foule applaudir avant de poursuivre: «pour au moins les six prochaines semaines, ce qui est actuellement à l’ordre du jour». Elle a reproché aux dirigeants palestiniens de ne pas vouloir de l’accord, bien que des rapports indiquent que les négociations sont toujours en cours. Les forces du Hamas n’étant pas disposées à libérer tous les otages israéliens tant qu’Israël n’aura pas accepté de retirer ses troupes et de libérer un certain nombre parmi les milliers d’«otages palestiniens» que les forces armées ont arrêtés [à Gaza et en Cisjordanie] au cours des derniers mois.
Le refus de Kamala Harris d’appeler à un cessez-le-feu permanent intervient alors que la campagne militaire génocidaire d’Israël à Gaza a tué plus de 30 000 Palestiniens et en a blessé 70 000 [en date du 5 mars: 30 631 tués dont 12 300 enfants et 8400 femmes, et 72 043 blessés], des milliers de personnes [quelque 8000] étant toujours portées disparues sous les décombres.
De nombreux organes de presse, y compris ceux qui ont un parti pris pro-israélien affirmé, ont simplement rapporté que Kamala Harris avait appelé à un cessez-le-feu dans des titres et des messages sur les médias sociaux. Le Washington Post est allé jusqu’à qualifier les paroles de Kamala Harris de «changement de ton». Cependant, sans préciser qu’il s’agissait d’un cessez-le-feu temporaire – ou de ce que d’autres responsables ont appelé une «pause humanitaire» –, les titres des médias donnent l’impression que Kamala Harris a lancé un appel plus fort qu’elle ne l’a fait en réalité. Ce qu’ont souligné les défenseurs des droits de l’homme.
La vice-présidente Kamala Harris est en train de rebaptiser «cessez-le-feu» le précédent appel de Joe Biden à une pause humanitaire de six semaines», a écrit Waleed Shahid, conseiller stratégique et ancien porte-parole des Justice Democrats [courant fondé en 2017, avec l’appui de Bernie Sanders, pour un «nouveau type de majorité Démocrate au Congrès»], sur les réseaux sociaux lundi. «Il s’agit principalement d’un changement de message sans changement de politique, alors que Biden continue de financer [le Premier ministre israélien Benyamin] Netanyahou avec des milliards d’euros d’aide à l’armement.»
En effet, le mois dernier, Joe Biden a déclaré qu’il travaillait sur un accord pour une «période de répit» de six semaines et a dit la semaine dernière qu’il espérait qu’une pause commencerait lundi – ce qui, lundi soir 4 mars, heure de Gaza, n’avait pas encore eu lieu.
D’autres défenseurs des droits des Palestiniens ont souligné que les appels de Kamala Harris et de Joe Biden en faveur d’un cessez-le-feu temporaire au cours des dernières semaines interviennent alors que l’administration s’efforce de contenir la campagne de plus en plus importante visant à voter «non-engagés» [uncommitted] au détriment de Joe Biden lors des primaires démocrates dans certains Etats [ce qui s’est constaté lors des primaires démocrates au Michigan le 27 février].
Cette campagne, lancée le mois dernier par des militants antisionistes du Michigan, a connu un grand retentissement lors des primaires de cet Etat, la semaine dernière, avec plus de 101 000 électeurs ayant choisi de ne pas «s’engager», soit suffisamment de voix pour obtenir deux délégués à la convention nationale du Parti démocrate qui se tiendra à Chicago au mois d’août. Depuis, la campagne s’est étendue à d’autres Etats du pays, les électeurs et électrices se mobilisant pour adresser un blâme sévère à Joe Biden en raison de son soutien indéfectible à Israël.
Abed A. Ayoub, directeur exécutif national de l’Arab-American Anti-Discrimination Committee, le plus grand groupe de défense des droits civiques des Américains d’origine arabe aux Etats-Unis, a écrit sur X le 4 mars: «L’appel de la vice-présidente Kamala Harris en faveur d’un cessez-le-feu temporaire de six semaines implique un délai très précis. En fait, c’est juste assez de temps pour que la plupart des primaires démocrates soient terminées. Après le 15 avril, il ne restera plus qu’une poignée de primaires, la plus importante étant celle de Pennsylvanie, le 23 avril.»
L’appel de Kamala Harris à une pause est également intervenu deux jours avant le Super Tuesday [le 5 mars], où 15 Etats et les îles Samoa américaines organisent des élections primaires, y compris la Caroline du Nord, qui est un Etat crucial pour le scrutin.
Abed A. Ayoub a poursuivi: «Ce qu’elle a demandé n’est pas un cessez-le-feu, c’est une pause dans le génocide.» (Article publié par Truthout le 4 mars 2024; traduction rédaction A l’Encontre)
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