Par Eric Nepomuceno
Rio de Janeiro – vendredi 1er avril, un fil de lumière est apparu – faible, encore vague, mais tout de même présent – dans la bataille contre la destruction de l’environnement menée par le gouvernement de l’ultra-droitier Jair Bolsonaro: la Cour suprême fédérale, le plus haut tribunal du Brésil, a commencé le procès du prétendu «agenda vert», composé de sept recours en justice auprès de la Cour liés aux questions environnementales.
Le procès est considéré comme historique. Les actions en justice accusent le gouvernement de menacer, par des actes et des omissions, l’environnement, en particulier la région amazonienne. L’un des membres de la Cour a déclaré à la presse, sous couvert d’anonymat, que «si le gouvernement n’agit pas, le pouvoir judiciaire ne pourra pas s’abstenir».
Il y a actuellement pas moins de 80 actions déposées – et acceptées – devant la Cour suprême fédérale qui sont directement liées à la politique environnementale du gouvernement. C’est un record historique. Les sept qui ont commencé à être examinées représentent donc moins de 10% de ce total.
La question est considérée comme fondamentale face à la dévastation directement encouragée par Jair Bolsonaro. Et ce problème ne concerne pas seulement le Brésil, il est considéré comme un problème mondial.
Sept actions
Les sept actions examinées mettent en cause le démantèlement par le gouvernement des institutions dédiées à la prévention de la dévastation des forêts et à la sanction des initiatives illégales. Elles dénoncent également les décisions gouvernementales considérées comme imprudentes, voire carrément illégales, dans le domaine de l’environnement. La première de ces actions accuse le gouvernement de liquider intentionnellement le plan d’action pour la prévention et le contrôle de la destruction des forêts dans la région amazonienne.
Ce plan, mis en place en 2004 sous le gouvernement de l’ancien président Lula da Silva, est parvenu à réduire la destruction des forêts de 80% jusqu’à 2013, grâce à des changements dans la législation de l’époque relative au contrôle et à la répression des crimes environnementaux.
Cela signifie, selon des données approximatives, que vingt milliards d’arbres n’ont pas été abattus et que cinq milliards de tonnes de carbone n’ont plus été émises.
Il s’agit, selon les chercheurs et les scientifiques, de la plus grande contribution d’un pays à la lutte contre les causes du changement climatique dans le monde.
Point de non-retour
Au premier jour du procès devant la Cour suprême du Brésil, les avocats travaillant avec les initiants des actions en justice ont insisté pour souligner que l’Amazonie, sous Bolsonaro, est très proche d’un point de non-retour, à partir duquel elle subira des changements irréversibles.
En d’autres termes, le pays est au bord de l’abîme. Il s’agit d’une menace extrême pour l’équilibre écologique, non seulement au Brésil, mais aussi dans le monde entier.
Il convient de répéter ce qui a déjà été dit: depuis que Bolsonaro a pris ses fonctions, les mesures visant à mettre fin aux activités de déforestation ont diminué de près de 83%. Le nombre d’arrestations effectuées par l’IBAMA, l’Institut brésilien de l’environnement, a également connu une réduction radicale de 81%. Et au moins cinq mille condamnations pour des infractions environnementales ont été délibérément oubliées et, grâce à l’omission du gouvernement, sont sur le point d’être prescrites.
Il s’agit clairement d’une action aussi macabre qu’inconstitutionnelle, dont le résultat est non seulement une destruction accrue de l’environnement mais aussi une incitation claire à l’impunité.
Destruction de la forêt
C’est ainsi que nous sommes arrivés à un scénario dévastateur: l’année dernière (2021), et par rapport à 2018, c’est-à-dire un an avant que Bolsonaro ne devienne président, il y a eu une augmentation de 76% de la destruction de la forêt dans la région amazonienne.
Si l’on considère la déforestation sur les terres indigènes, l’augmentation a été de 138% au cours de la même période. Et dans les unités de conservation déterminées par une législation spécifique, elle a été de 130%. Je le répète: il s’agit des trois premières années du gouvernement actuel. Déjà, le taux des émissions à l’origine de l’urgence climatique a dépassé trois fois l’objectif fixé.
Face à un tel tableau, aussi désespéré que menaçant, le dernier espoir est que le Tribunal suprême fédéral remplisse son devoir de faire respecter la Constitution et de mettre un terme définitif à l’obsession de Bolsonaro de tout détruire, absolument tout ce qui a été construit au fil des décennies. (Article publié par le quotidien argentin Pagina 12, le 3 avril 2022; traduction rédaction A l’Encontre)
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