Chine. Le pouvoir arrête un livreur qui dénonce les entreprises de vente en ligne et les conditions de travail des livreurs

Par China Labour Bulletin

Le 25 février 2021, à Pékin, les autorités ont arrêté un chauffeur pour la plateforme de livraison de nourriture en ligne Ele.me. Connu sous le pseudonyme de Xiong Yan, il cherchait à obtenir un salaire équitable et une meilleure protection des conditions de travail pour ses collègues livreurs.

Sous le pseudonyme «Leader of the Drivers’ Alliance», Xiong Yan a mis en ligne des vidéos dénonçant les plates-formes qui oppriment les travailleurs et violent les lois et règlements en infligeant des amendes aux livreurs qui livrent avec du retard. Il a également pointé du doigt les ministères qui se renvoient la balle en matière de réglementation de l’économie du spectacle.

Xiong Yan a déclaré qu’il dirigeait 16 groupes WeChat qui touchent plus de 14 000 contacts de chauffeurs livreurs. Il a demandé aux livreurs d’arrêter le travail lorsqu’ils s’affrontent à des conditions de travail injustes. Dans une interview avec Initium (site chinois) publiée le mois dernier, il a déclaré que depuis que les salaires ont baissé, les chauffeurs mettent en danger leur propre sécurité pour répondre à plus de commandes et tenter de maintenir leurs revenus.

La carte des grèves du China Labour Bulletin indique que le nombre de grèves impliquant des livreurs, principalement à cause de la baisse des salaires, est passé de 10 en 2018 à 45 en 2019. La carte des accidents du travail montre également qu’en 2018, 121 livreurs ont été impliqués dans des accidents de la route, dont 19 ont trouvé la mort. Bien que les protestations des livreurs de denrées alimentaires aient considérablement diminué l’année dernière en raison de la pandémie et d’un afflux massif de nouveaux chauffeurs dans le secteur. Toutefois, certains signes indiquent aujourd’hui que les travailleurs frustrés ont repris l’action collective.

Le 1er mars 2021, les livreurs de la plateforme en ligne Meituan se sont mis en grève pour protester contre une baisse des salaires de livraison dans au moins deux villes, Shenzhen et Tongxiang dans la province Zhejiang. Le 8 mars, les clients d’Ele.me ont utilisé le site Sina Weibo (site de microblogage) pour se plaindre de la lenteur ou de l’inexistence des livraisons, ce qui laisse supposer que davantage de travailleurs étaient en grève, bien qu’il soit difficile de le confirmer en raison de la sensibilité des rapports sur les troubles sociaux pendant le Congrès national des représentants du peuple de la République populaire de Chine, Congrès qui est en cours [il a commencé le 5 mars 2021].

Les livraisons de denrées alimentaires sont devenues de plus en plus cruciales depuis la pandémie, car les personnes étant confinées l’industrie comptait sur les livreurs pour les approvisionner. Bien que l’industrie ait connu un boom, ses bénéfices n’ont pas été distribués «équitablement» à l’épine dorsale de sa main-d’œuvre: les livreurs.

Cette année, Ele.me a promis aux livreurs des primes pour travailler pendant les vacances du Nouvel An lunaire [12 février 2021] s’ils atteignaient les objectifs de livraison. Une vidéo diffusée par Xiong Yang, le mois dernier, a révélé que les livreurs trouvaient ces objectifs impossibles à atteindre en raison du faible nombre de commandes qui leur étaient attribuées par la plateforme. En une semaine, ils devaient livrer 380 commandes. Les clients ont laissé des commentaires sur le site Sina Weibo en disant qu’ils ont payé des frais de livraison plus de quatre fois supérieurs à ceux habituellement pratiqués pour les commandes pendant cette période.

Ele.me a publié une déclaration publique sur son compte Weibo, promettant d’ajuster rétrospectivement ces objectifs afin qu’un plus grand nombre de livreurs puissent recevoir des primes. L’entreprise a été confrontée à une réaction négative des médias sociaux l’année dernière lorsqu’elle a offert à la famille d’un chauffeur décédé au travail une compensation de seulement 2000 yuans [307 dollars].

En septembre de l’année dernière, Xiong Yang a exprimé l’espoir que les autorités puissent prendre l’initiative de créer une organisation de type syndical pour les livreurs qui pourrait négocier avec les plates-formes au nom des travailleurs et permettre ainsi aux services gouvernementaux, localement, de fixer les normes du secteur. Et non pas d’accepter déclarations arbitraires de sociétés privées de vente en ligne comme Meituan et Ele.me.

La Fédération des syndicats de Chine a inclus les travailleurs de la distribution alimentaire dans sa liste des huit secteurs clés qui sont officiellement, désormais, considérés comme la priorité de la structure syndicale. Jusqu’à présent, cependant, elle n’a pas fait grand-chose pour aider ses nouveaux membres, si ce n’est leur fournir une formation professionnelle, une assistance juridique et quelques prestations médicales. Rien n’a été fait pour contester le monopole de pouvoir actuellement détenu par les entreprises de livraison de denrées alimentaires. (Article publié sur le site China Labour Bulletin; traduction rédaction A l’Encontre)

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