Avec la nécessité d’une distanciation sociale pendant la pandémie COVID-19, nous devons discuter de la manière dont nous allons gérer les populations déplacées et les ressources limitées si une catastrophe climatique devait se produire. La question n’est pas de savoir si cela se produira, mais quand.
Il y a trois ans et demi, j’avais commencé la rédaction d’une fiction apocalyptique. Ma tête tournait avec des scènes de catastrophes successives le lendemain de l’élection d’un président qui avait un mépris pour la science. Après une nuit longue et interminable, j’avais l’impression que les progrès que nous faisions en matière de changement climatique et de protection de l’environnement, bien que lents, étaient non seulement terminés, mais aussi condamnés. Bien sûr, cette nuit-là, je n’avais pas pu imaginer une pandémie de coronavirus. Tous les scénarios de catastrophe climatique qui m’étaient apparus et qui nous fragilisent sont aggravés par le COVID-19.
Depuis pas mal de temps, les climatologues sonnent l’alarme: les changements climatiques entraîneront des déplacements en masse. Après les inondations, les tornades, les incendies de forêt et les ouragans, un grand nombre de gens se retrouvent sans logement. Un article du New York Times de septembre 2019 assure que dans le monde entier, au cours du premier semestre 2019, un nombre record de 7 millions de personnes ont dû être déplacées à la suite d’événements météorologiques.
Certains pays rassemblent ces personnes dans des tentes et des camps. Ici, aux Etats-Unis, les gens sont généralement conduits vers des abris d’urgence, souvent de grands espaces surpeuplés disposant de ressources limitées. La perte de son logement s’accompagne souvent de la perte des biens de première nécessité. Les événements météorologiques extrêmes nécessitent presque toujours des ressources supplémentaires en nourriture, en eau et, oui, même en papier de toilette. Nous devons commencer à nous demander comment satisfaire les besoins des personnes touchées par de tels événements climatiques lorsque les épiceries manqueront des articles indispensables et que le reste de la population devra continuer à être approvisionné.
Les abris d’urgence empêchent la distanciation sociale à respecter contre le coronavirus. Les déplacements en masse que provoquent les désastres climatiques soulèvent donc un double problème que la crise du coronavirus exacerbe.
D’une part, une crise climatique pourra aggraver les risques d’un développement exponentiel du COVID-19. D’autre part, l’attention qui devra être accordée aux populations déplacées impactera lourdement les moyens, les services sociaux et le personnel médical qui sont déjà aux prises avec une pandémie sans précédent.
L’été dernier, Nicolette Louissaint, directrice exécutive de Healthcare Ready, une organisation à but non lucratif qui coordonne les besoins de santé et la collaboration entre les différents secteurs concernés, a prévenu de la nécessité de mettre en place des plans circonstanciés pour élaborer des réponses collectives face aux catastrophes climatiques. Elle soulignait qu’il est préférable de les élaborer en amont, avant les crises. Malheureusement, nous ne disposons pas de ce temps.
Les autorités locales, étatiques et fédérales devraient immédiatement commencer l’élaboration de plans d’urgence pour affronter les catastrophes climatiques qui prennent également en compte leurs capacités à faire face au COVID-19.
Nous ne devons pas nous demander si des personnes seront déplacées en cas de catastrophe climatique. Mais où les acheminer lorsque ces catastrophes auront lieu. Et comment? Et comment procéder à la distribution des biens nécessaires. Et, surtout, qui s’occupera d’eux?
Rassembler des personnes dans des stades ou des gymnases pour partager les ressources disponibles était raisonnable. Aujourd’hui, il n’est plus possible de procéder de la sorte. Nous devons éviter de réunir les personnes évacuées dans des espaces confinés et nous devons prévoir des conditions adéquates pour les personnes à risque. En outre, nous devons veiller au fait que les distributions de biens doivent éviter le regroupement de masses de gens.
Dans l’état actuel des choses, l’Agence fédérale de gestion des urgences sera débordée par la lutte contre le coronavirus. Cela signifie que la prise en charge des soins devra incomber aux bénévoles et aux citoyens ordinaires qui devront être protégés de la même manière que nous protégeons les intervenants professionnels.
Nous ne pouvons rester les bras croisés dans l’attente d’une autre crise. En mars 2019, l’est de l’Iowa et l’ouest du Nebraska ont affronté des inondations record. D’innombrables tornades ont frappé le pays en avril 2019, l’Etat le plus lourdement touché fut le Texas. Et au début du printemps 2020, c’est le Sud qui a connu le plus grand nombre d’inondations. Le 20 mars, ma ville natale a subi des inondations exigeant l’évacuation d’urgence des personnes touchées.
Nous ne pouvons plus empêcher les événements climatiques extrêmes; l’espoir de les prévenir est probablement dépassé. Nous devons, dès maintenant, commencer à réfléchir comment nous y préparer et nous efforcer d’identifier les collectivités qui seront affectées. En raison du temps qu’il faudra pour aplatir la courbe de COVID-19, nous serons presque certainement confrontés à un événement météorologique extrême, avant d’avoir à nouveau la possibilité d’un rassemblement massif des victimes, ce qui nous ferait courir le risque de voir échouer nos efforts pour ralentir la propagation du COVID-19.
Rassembler des personnes dans des stades ou des gymnases pour partager les ressources disponibles était raisonnable. Une telle solution n’est aujourd’hui plus possible. Une lueur d’espoir, toutefois. Depuis cette nuit de 2016, où les scénarios de catastrophe ont roulé dans ma tête, je dois reconnaître avec humilité combien la détermination et la gentillesse des gens en temps de crise m’ont impressionnée. Voir sur les réseaux sociaux les gens appeler au respect d’une distanciation sociale responsable et au seul achat des produits indispensables pour ce mois-ci seulement a été réconfortant. Comme il est réconfortant de voir combien de gens offrent leur temps et leurs services pour coudre des masques de protection et organiser des groupes d’entraide dans les quartiers. Ces éclats d’humanité sont un antidote nécessaire aux vagues d’éco-chagrin qui pourraient nous consumer.
Je ne veux pas effrayer les gens avec un scénario apocalyptique. Je souhaite que nous réfléchissions sérieusement à la façon de nous préparer aux crises climatiques inévitables et imminentes. Et j’espère que nous réfléchirons plus sérieusement à la manière de ralentir la progression du changement climatique et de protéger nos citoyens les plus vulnérables.
Si j’ai appris quelque chose de cette pandémie, c’est que beaucoup de gens sont capables de penser de manière rationnelle et collective en temps de crise.
La clé pour lutter contre les perturbations majeures du changement climatique réside dans la force et l’action des collectivités. Les voir se regrouper rapidement pour répondre de manière créative et humaine en cette période étrange est rassurant. Plus encore, cela me permet d’espérer que nous parviendrons à nous unir pour lutter contre la crise parallèle que provoqueront les pires effets du changement climatique. (Tribune publiée sur le site Truthout en date du 26 mars 2020; traduction rédaction A l’Encontre)
Olivia Aguilar est professeure associée d’études environnementales et directrice du Miller Worley Center for the Environment du Mount Holyoke College. Elle fait des recherches et écrit sur l’inclusivité et les théories de l’apprentissage.
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