Par Nicolas Werth*
La grande famine qui sévit en Ukraine en 1932-1933 a provoqué et provoque encore bien des débats. Les archives récemment ouvertes éclairent pourtant à nouveaux frais ce crime de masse dont Nicolas Werth retrace tant la genèse que le déroulement.
Nous publions ci-dessous la seconde partie de cette importante et ample étude. La première a été publiée sur ce site en date du 17 juillet 2014.
Dans une mise en perspective de l’actualité de «la question ukrainienne», l’histoire au présent ne peut faire l’économie du Holodomor. Cet article de Nicolas Werth a été initialement publié dans la revue d’histoire Vingtième Siècle, N° 121, janvier-mars 2014.
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Si l’on peut aujourd’hui reconstruire avec précision les mécanismes politiques ayant conduit, fin 1932-début 1933, à la famine, on sait encore relativement peu de choses sur ce qui passa dans les villages ukrainiens soumis au châtiment par la faim.
L’apogée
Les témoignages des survivants restent une source capitale, et il faut saluer l’immense travail accompli au cours des dernières années pour continuer le travail pionnier de collecte entrepris à la fin des années 1980 par Volodymyr Maniak et Lidia Kovalenko [44]. D’autres sources, émanant des responsables politiques ou policiers des régions et districts frappés par la famine, ont été récemment exhumées par les historiens ukrainiens. Elles sont, heureusement, moins rares qu’elles n’auraient dû l’être, si les instructions données par Vsevolod Balitskii à ses subordonnés le 22 mars 1933 avaient été strictement appliquées:
«N’informer sur les questions relatives aux difficultés alimentaires que les premiers secrétaires des comités régionaux du Parti et cela uniquement par voie orale, après vérification scrupuleuse des faits rapportés. Cela afin d’éviter que des notes manuscrites sur le sujet ne se promènent dans les appareils, devenant ainsi source à divers bruits et rumeurs. Ne pas écrire de rapports spécifiques pour le GPU d’Ukraine. Il suffit que je sois personnellement informé par des lettres personnelles des dirigeants adressées à moi directement [45].»
Les nombreux rapports et correspondances secrètes entre dirigeants et responsables du Parti et du GPU retrouvés dans les archives reflètent une vision policière, très distanciée, des «difficultés alimentaires» (le terme de famine n’est quasiment jamais mentionné). Celles-ci sont attribuées au «sabotage occasionné dans l’agriculture de l’Ukraine par les éléments koulaks et contre-révolutionnaires qui tentent d’exploiter les difficultés alimentaires passagères dans leurs propres buts contre-révolutionnaires, diffusent des rumeurs sur une prétendue famine, font exprès de ne pas enterrer les morts [46]». Particulièrement révélatrices de cet état d’esprit sont, par exemple, les autopsies ordonnées par le chef de la police politique de la région de Dniepropetrovsk pour déterminer les «causes exactes de la mort» des affamés: ces individus étaient-ils vraiment morts de faim? N’avait-on pas eu affaire à une «provocation de l’ennemi» [47]? Ou bien encore les rapports policiers rédigés sur les cas de cannibalisme et de nécrophagie, relatés avec la distance du colon blanc décrivant les mœurs sauvages d’une peuplade primitive.
«On constate, écrit Nikolai Rozanov, le chef de la police politique de Kiev, que le cannibalisme est en passe de devenir un fait habituel. On a des individus qui, soupçonnés de cannibalisme l’an dernier déjà, récidivent et tuent des enfants et des gens de leur connaissance, voire des inconnus dans la rue. Dans les villages affectés par le cannibalisme, chaque jour qui passe fortifie ces gens dans l’idée qu’il est parfaitement acceptable de consommer de la viande humaine [48].»
Pas un mot, dans ce rapport, sur ce qui a pu brusquement transformer ces paysans en cannibales.
À travers la correspondance échangée entre les dirigeants du Parti et du GPU ressort clairement la fonction pédagogique de la famine telle qu’elle était pensée par les responsables politiques et policiers staliniens. Fonction parfaitement résumée dans ce court extrait d’une lettre adressée le 15 mars 1933 par Kossior, le chef du Parti communiste ukrainien, à Staline:
«Les camarades qui sont allés sur place, dans les villages de la région de Kiev, remarquent que les paysans ne disent plus “le pain a été confisqué”, ils reconnaissent qu’ils sont coupables d’avoir mal travaillé […]. Cependant, la préparation insatisfaisante de la campagne de semailles en cours montre que la faim n’a pas encore porté ses fruits et ne semble pas avoir encore avoir fait prendre le bon chemin, celui du travail honnête, à la majorité des kolkhoziens [49].»
Ou encore dans cette lettre d’Alexandre Odintsov, le commissaire du peuple à l’Agriculture de la RSS d’Ukraine, le 12 mars 1933:
«Je constate – et c’est un motif de satisfaction pour nous – que les kolkhoziens, y compris les affamés, sont maintenant convaincus que la seule issue est de travailler consciencieusement en faisant bien les semailles. Ils ont enfin compris ce qu’est la force de l’État […]. Une idée a fait son chemin grâce à la famine: seul celui qui travaille honnêtement vis-à-vis de l’État peut s’en sortir [50].»
Nombre de survivants, à en croire un autre document rédigé au même moment, semblent cependant avoir «compris la leçon» et dûment assimilé le principe léniniste «qui ne travaille pas, ne mange pas».
«Dans la plupart des villages, la moltchanka [51] est aujourd’hui brisée. Les gens recommencent à parler dans les réunions, pas beaucoup encore, juste pour demander du pain, en promettant que si on leur donne à manger ils travailleront consciencieusement [52].»
Pour autant, la hantise d’un soulèvement des masses paysannes affamées inquiète toujours les autorités. On rapporte systématiquement les «propos antisoviétiques» des affamés [53] ainsi que leurs prétendues «provocations»: la plus fréquemment mentionnée serait de «tarder à enterrer les morts» [54]! Au plus fort de la famine, les arrestations massives continuent, des dizaines de milliers de paysans sont déportés vers la Sibérie, des dizaines de milliers de détenus incarcérés dans les prisons d’Ukraine et du Kouban sont transférés dans les camps du Goulag par crainte de troubles [55], les pouvoirs des juridictions d’exception de la police politique sont encore renforcés [56].
Les rapports montrent également à quel point toute comptabilité précise du nombre des victimes de la famine est hasardeuse, dans la mesure où les fonctionnaires des soviets ruraux, souvent eux aussi décimés, ne tenaient plus les registres d’état civil. Plus généralement, comme le reconnaissait un responsable de district, «un grand nombre de nos cadres de base dans les campagnes ont si bien intériorisé les menaces venant d’en haut, à savoir qu’il était interdit non seulement d’écrire, mais même de parler des cas de famine, qu’ils se sont endurcis, sont devenus si indifférents et si fermés à tout ceci tant et si bien qu’ils ont finalement mis la direction du district dans une situation fort inconfortable en la privant de toute information sur ce qui se passe dans les villages [57]».
L’une des questions soulevées par les nouvelles sources bureaucratiques est celle de l’aide alimentaire allouée in extremis aux affamés. Cette question se situe au cœur du débat opposant les historiens russes aux historiens ukrainiens. Les premiers y voient la preuve que le régime stalinien ne ciblait pas particulièrement l’Ukraine, puisqu’il était prêt à venir en aide aux paysans ukrainiens affamés ; les second rétorquent que cette aide dérisoire, accordée sous conditions et selon des critères sociopolitiques précis, n’était qu’une façon particulièrement cynique de «donner à manger tout en soumettant [58]».
Quel fut le montant des aides alimentaires débloquées par Moscou? Du 7 février 1933 (soit le lendemain du jour où la campagne de collecte fut officiellement déclarée achevée) au début du mois de juillet 1933, période au cours de laquelle la famine atteignit sa plus haute intensité et sa plus grande extension, le Politburo adopta trente-cinq résolutions d’aide aux régions touchées par des «difficultés alimentaires». Les aides effectives s’élevèrent à trois cent vingt mille tonnes environ, ce qui, rapporté à la trentaine de millions de personnes frappées par la famine, ne représentait que dix kilogrammes de céréales par personne, soit à peine 3 % de la consommation annuelle moyenne d’un paysan! En 1933, l’URSS exporta un million huit cent trente mille tonnes de blé. En outre, les réserves d’État dépassaient, à l’apogée de la famine, en juin-juillet 1933, un million de tonnes. Assez pour sauver de la mort des millions de personnes [59].
Staline lui-même accordait, ou non, les aides demandées par les responsables régionaux, différant parfois de plus de deux mois sa réponse, ou autorisant, magnanimement, les autorités locales de la ville de Kharkov à «vendre, exceptionnellement, aux prix subventionnés d’État, cinq livres de farine par famille ouvrière [60]». En réalité, une part importante de l’aide chichement accordée était destinée en priorité aux villes, elles aussi sévèrement touchées par les disettes, et tout particulièrement aux grands centres industriels du Donbass, le régime redoutant particulièrement les troubles en milieu ouvrier [61]. Quant aux maigres aides distribuées aux paysans, la résolution secrète du comité régional du Parti communiste de Dniepropetrovsk (20 février 1933) précisait qu’elles «devaient être exclusivement orientées vers un seul but: le renforcement des kolkhozes et une meilleure préparation à la campagne de semailles de printemps». Les aides devaient être «accordées sur une base de classe […] à ceux qui les méritent, c’est-à-dire, en priorité et par ordre, aux tractoristes ; aux kolkhoziens qui ont, l’an passé, acquis le plus grand nombre de journées-travail ; aux familles ayant un fils dans l’Armée rouge ; aux paysans individuels s’étant engagés à adhérer au kolkhoze [62]». Les nombreuses instructions secrètes adressées aux administrations des kolkhozes et aux Départements politiques des Stations de machines et de tracteurs, nouveaux organismes de contrôle de la police politique créés pour surveiller et purger les fermes collectives, instauraient des règles draconiennes pour la distribution de nourriture «en fonction du travail accompli par chacun, individuellement, quantité de travail calculée tous cinq jours». Pour lutter contre tout «nivellement» qui pourrait favoriser les plus «paresseux», il était précisé qu’il ne serait fait aucune distribution groupée, sur la base des brigades de travail, comme il était d’usage depuis l’instauration du système kolkhozien [63]. Vu leur affaiblissement, bien des kolkhoziens qui avaient survécu à la famine ne parvenaient pas, comme le reconnaissaient cyniquement les rédacteurs des rapports, à reconstituer leur force de travail: «Les rares qui travaillent encore sont incapables de remplir les normes exigées. Par conséquent, ils ne reçoivent pas suffisamment de pain et commencent à gonfler [64].» Tandis que des millions de paysans affamés mourraient de faim, les fonctionnaires du Parti et du GPU bénéficiaient d’un approvisionnement tout à fait correct distribué dans le «réseau fermé» des magasins et coopératives réservés [65].
Une préoccupation majeure ressort avec force des rapports politiques et policiers au printemps 1933: comment assurer, dans les régions ravagées par la famine, les travaux des champs pour la future récolte? Dès novembre 1932, Mendel Khataievitch, le deuxième secrétaire du Parti communiste ukrainien, avait averti Molotov en ces termes: «Pour que la production agricole puisse continuer à croître et satisfaire des besoins de l’État prolétarien, nous devons prendre en considération les besoins minimaux des kolkhozes et des kolkhoziens, faute de quoi il n’y aura bientôt plus personne pour semer et récolter [66].» Quelques mois plus tard, avec une population décimée par la famine, la question se posait effectivement en ces termes. Pour remédier au manque dramatique de main-d’œuvre, les autorités, dans un premier temps, mobilisèrent manu militari une partie de la population urbaine, envoyée aux champs [67], avant de procéder à de vastes transferts de «colons» en provenance d’autres régions de l’URSS: plus de deux cents mille paysans furent ainsi déplacés en 1933-1934 vers les contrées dévastées par la famine, la plupart d’entre eux aussitôt après leur service militaire.
Le dernier point éclairé par les rapports est l’extraordinaire régression-brutalisation qui accompagna la famine. Elle se traduisit notamment par l’essor du banditisme rural et plus généralement, par la remontée d’une extraordinaire violence sociale, dans un univers traumatisé et accablé par la faim, tenace et permanente: voleurs lynchés, y compris les enfants affamés attrapés en train de chaparder quelques légumes, jugements sommaires (samosudy) administrés par les paysans eux-mêmes, brutalités, exactions, abandons d’enfants, cannibalisme et nécrophagie [68].
La violence extrême exercée par le régime et ses représentants à l’encontre de la population finit par gagner les victimes elles-mêmes. Le traumatisme lié à la famine parmi les survivants persista des années durant. En témoignent les nombreuses rumeurs qui circulaient, bien après que le spectre de la famine se fut éloigné, dans les campagnes meurtries. Ainsi, au printemps 1937, cette rumeur insistante que les documents du NKVD rapportaient sous le nom de «légende du sac de blé, du seau de sang et du vieillard». Les kolkhoziens étaient persuadés de l’imminence d’une guerre qui les libérerait du système kolkhozien: on racontait que des paysans avaient découvert, en plusieurs endroits, un sac de blé si lourd que personne ne pouvait le soulever. À côté de ce sac, il y avait un seau plein de sang, et, à l’écart, un vieillard qui «déchiffrait» ainsi l’énigme: éclaterait bientôt une guerre, et après la guerre, les paysans, de nouveau libres, pourraient s’approprier le sac de blé, fruit de leur labeur [69].
En Ukraine, depuis le début des années 1990, la «redécouverte» de la famine a joué un rôle crucial dans le débat politique, dans la confrontation entre tenants d’une rupture avec la Russie et partisans d’un maintien de liens étroits avec le «grand frère russe». Le Holodomor, nouveau terme forgé en Ukraine pour définir l’extermination de masse des Ukrainiens par la faim et son caractère intentionnel (il résulte de la fusion des mots «golod», la faim, et «mor», racine du verbe «moryty», qui signifie épuiser, laisser souffrir sans intervenir, tuer par privations) a non seulement occupé le centre du débat politique et culturel mais est aussi devenu partie intégrante du processus de reconstruction étatique, nationale et identitaire dans l’Ukraine postsoviétique. En novembre 2006, le Parlement de la république d’Ukraine, à l’époque dominé par les partisans d’une rupture avec Moscou, a officiellement reconnu la famine de 1932-1933 comme un génocide perpétré par le régime stalinien à l’encontre du peuple ukrainien. Cette qualification, qui n’a pas été reconnue par les Nations unies, fait aujourd’hui débat entre les historiens, et notamment entre les historiens ukrainiens qui, pour la plupart, adhèrent à la thèse du génocide, et les historiens russes qui, unanimement, la rejettent. Ces derniers considèrent que la famine en Ukraine n’a été qu’une des variantes régionales d’une «tragédie des campagnes soviétiques» frappées par une série de famines qui ont aussi bien affecté le Kazakhstan que les régions de la Volga, voire certains districts de la Sibérie occidentale.
Pour la plupart des spécialistes ukrainiens de la famine [70], trois éléments majeurs sont constitutifs du crime de génocide: la confiscation de toutes les réserves de nourriture des paysans durant quelques mois décisifs (fin 1932-début 1933); le blocus des campagnes affamées ; la preuve de l’intentionnalité, produite par les documents autographes de Staline, notamment ses instructions du 1er janvier 1933 appelant à intensifier les confiscations et les répressions contre les paysans, et du 22 janvier 1933, instaurant le blocus des villages. Ces historiens rappellent également que Raphael Lemkin, le «père du concept de génocide», considérait que la famine et la destruction des élites ukrainiennes étaient «l’exemple type du génocide soviétique, son expérimentation la plus ancienne et la plus achevée en termes de russification – la destruction de la nation ukrainienne [71]».
Si la famine de 1932-1933 est aujourd’hui largement popularisée en Ukraine et surtout élevée au rang de «génocide du peuple ukrainien», élément central du nouveau mythe national, en Russie au contraire, le silence est de mise. Silence sur la famine qui, dès 1931, a frappé le Kazakhstan, à la suite d’une politique volontariste de sédentarisation des nomades kazakhs et de collectivisation brutale du cheptel, faisant 1,4 million de morts sur une population kazakhe de moins de 4 millions. Silence aussi sur les famines qui, en 1932-1933, ont frappé les régions de la Volga (800 000 morts), l’Oural du Sud ou la Sibérie occidentale (plusieurs centaines de milliers de morts). Cependant, quelques rares historiens, comme Nikolai Ivnitskii ou Viktor Kondrachin perpétuent la grande tradition de l’école soviétique des «historiens agrariens» illustrée notamment par Viktor Danilov et Ilia Zelenin, récemment disparus. Ces derniers récusent vigoureusement la spécificité de la famine ukrainienne et sa «dimension nationale». À leurs yeux, la grande famine fut une catastrophe pour l’ensemble de la paysannerie soviétique, sacrifiée sur l’autel de l’industrialisation accélérée du pays. Ils soulignent que les taux de mortalité étaient ponctuellement aussi élevés dans les villages russes de la Volga que dans les villages ukrainiens ; qu’un blocus des campagnes y fut aussi mis en place, certes quelques semaines plus tard qu’en Ukraine, et avec moins de moyens policiers ; que les «brigades de collecte» y agissaient tout aussi brutalement ; que les dirigeants ukrainiens, comme Stanislas Kossior, et les «activistes» de base, ukrainiens pour la plupart, furent, eux aussi, largement responsables de la situation en Ukraine. Surtout, affirment-ils, «aucun document ciblant les Ukrainiens en tant qu’Ukrainiens n’a été retrouvé dans les Archives présidentielles de la Fédération de Russie» [72]. Et c’est bien là que le bât blesse: autant les archives, toutes les archives, sont ouvertes à l’ensemble de la communauté des historiens en Ukraine, autant les «dossiers spéciaux» du fonds Staline relatifs à la famine conservés aux Archives présidentielles de la Fédération de Russie restent clos.
Dans ces conditions, malgré les indéniables progrès réalisés dans notre connaissance des famines du début des années 1930 en URSS, le débat et l’étude comparative des famines soviétiques du début des années 1930 ne peuvent, hélas, aujourd’hui, guère progresser. Il s’agit pourtant de l’une des plus grandes tragédies, et l’un des plus grands crimes de masse, qu’on le qualifie de génocide, de crime contre l’humanité ou de quelque autre qualificatif de l’histoire européenne du 20e siècle.
* Nicolas Werth est directeur de recherche à l’Institut d’histoire du temps présent. Il travaille notamment sur les violences de masse du stalinisme. Il a récemment publié L’ivrogne et la marchande de fleurs: autopsie d’un meurtre de masse, URSS 1937-1938, Points-Seuil, 2010, L’Etat soviétique contre les paysans, 1918-1939 (en coll. avec Alexis Berelowitch), Tallandier, 2011, La Route de la Kolyma, Belin, 2022.
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Notes
[44] Voir note 25.
[45] Viktor Danilov et Alexis Berelowitch, op. cit., p. 351.
[46] Ibid., p. 376.
[47] Ibid., p. 305.
[48] Ibid., p. 332.
[49] Texte complet de la lettre de Kossior à Staline du 15 mars 1933 dans Ruslan Pyrikh, op. cit., p. 770-772.
[50] Parmi les nombreuses autres lettres de hauts responsables développant ce thème, voir le mémorandum de Feigin, secrétaire du Parti communiste de la région de Dniepropetrovsk, à Staline et Molotov (12 avril 1933): «L’attitude des kolkhoziens cette année est incomparablement meilleure […]. Ils ont compris que mal travailler au kolkhoze conduit à mourir de faim» (GARF, 5446 / 82 / 19 / 66).
[51] Néologisme imagé qu’on peut traduire par «le complot du silence». Pour protester contre la situation qui leur était faite, les kolkhoziens affamés et trop affaiblis pour manifester avaient trouvé une ultime forme de protestation: ne plus adresser la parole aux membres de l’administration.
[52] Rapport de Nikolai Brouk, instructeur du Comité exécutif central, sur la préparation de la campagne de semailles dans la région du Don, 17 mars 1933 (GARF, 1235 / 2 / 1522 / 62-66).
[53] Viktor Danilov et Alexis Berelowitch, op. cit., p. 293-301.
[54] L’expression est de Vsevolod Balitskii, dans sa circulaire du 19 mars 1933, cité dans Viktor Danilov et Alexis Berelowitch, op. cit., p. 351. Un thème récurrent dans un très grand nombre de rapports. Voir, parmi d’autres, le rapport du groupe d’information du Comité central du Parti communiste ukrainien sur la situation dans la province de Kiev, 28 février 1933, dans Ruslan Pyrikh, op. cit., p. 700-704.
[55] Voir la résolution du Politburo sur le transfert des détenus incarcérés dans les prisons d’Ukraine et de la région du Caucase du Nord, 8 mars 1933, dans Ruslan Pyrikh, op. cit., p. 737-741.
[56] Voir le protocole de la réunion du Politburo du 12 mars 1933, au cours de laquelle il est décidé de renforcer les prérogatives du GPU d’Ukraine en matière de «lutte contre les insurrections» et «d’application de la mesure suprême de défense sociale» (peine de mort) (RGASPI 17 / 162 / 14 / 89-96).
[57] Rapport de Nikolai Bannik, secrétaire du comité de district de Pavlograd à Khataievitch, 30 mars 1933, dans Ruslan Pyrikh, op. cit., p. 798-800.
[58] «Podkorm s ruk», selon l’expression de Stanislas Kulcytky, Den’, 14 janvier 2010, p. 8.
[59] Viktor Danilov et Ilya Zelenin, «Organizovannyi golod. K 70-letiju obscekrestianskoi tragedii» (La famine organisée: à l’occasion du 70e anniversaire de la tragédie de toute la paysannerie), Otecestvennaia Istorija, 5, 2004, p. 97-110.
[60] Ruslan Pyrikh, op. cit., p. 812.
[61] Plusieurs troubles avaient éclaté en 1932, notamment dans la région industrielle d’Ivanovo. Sur la priorité accordée au ravitaillement du Donbass, voir la résolution du Comité central du Parti communiste ukrainien du 17 février 1933, dans Ruslan Pyrikh, op. cit., p. 689-690.
[62] Résolution secrète du bureau du Comité régional du Parti communiste de Dniepropetrovsk, 20 février 1933, dans Ruslan Pyrikh, op. cit., p. 695-696. Voir aussi la circulaire de Vsevolod Balitskii, 19 mars 1933, dans Viktor Danilov et Alexis Berelowitch, op. cit., p. 350-351.
[63] Pour un exemple de ces instructions, voir Robert Davies et Stephen Wheatcroft, op. cit., p. 222-223.
[64] Viktor Danilov et Alexis Berelowitch, op. cit., p. 385-387.
[65] Sur cet «approvisionnement spécial» («spetzsnabjenie»), voir Ruslan Pyrikh, op. cit., p. 361-364.
[66] Viktor Danilov, Roberta Manning et Lynne Viola, op. cit., p. 555-556.
[67] Voici ce qu’écrivait à ce sujet, le 20 juillet 1933, le consul d’Italie à Kharkov: «La mobilisation des forces citadines a pris des proportions énormes […]. Cette semaine, vingt mille personnes ont été envoyées à la campagne […]. La réquisition des hommes s’apparente à la traite des Noirs. Avant-hier, on a cerné le bazar, pris tous les gens valides, hommes, femmes, adolescents et adolescentes, on les a emmenés à la gare encadrés par le GPU, et expédiés aux champs» (Andrea Graziosi, «Lettres de Kharkov: la famine en Ukraine et dans le Caucase du Nord à travers les rapports des diplomates italiens, 1932-1934», Cahiers du monde russe et soviétique, 30 (1-2), janvier-juin 1989, p. 77).
[68] Sur les très nombreux cas de cannibalisme, voir Timothy Snyder, op. cit., p. 50-51.
[69] Voir Elena Ossokina, Za fasadom «Stalinskogo izobilija» (Derrière la façade de «l’abondance stalinienne»), Moscou, Rosspen, 1998, p. 205-206.
[70] Stanislas Kulcytcky, Valerii Vassiliev, Iouri Sapoval, Ruslan Pyrikh, pour ne citer que les principaux.
[71] Ce texte, une conférence non publiée, prononcée en 1950, récemment découvert dans les archives de Raphael Lemkin, a été publié par Roman Serbyn, «Lemkin on Genocide of Nations», Journal of International Criminal Justice, 7, 2009, p. 123-130.
[72] Voir le compte rendu sténographique de la rencontre entre historiens russes et ukrainiens à Moscou le 12 décembre 2009. Nous remercions le professeur Kulcytsky de nous avoir aimablement envoyé ce compte rendu.
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