Par Sinistra Anticapitalista (Taranto)
A Tarente, province de Tarente, région des Pouilles, se trouve l’entreprise de sidérurgie Ilva du groupe Riva; elle est au centre d’un affrontement socio-politique sur l’emploi et l’environnement. Quand on parle de désindustrialisation, nous ne devons pas tomber dans le piège de penser qu’il s’agit seulement de l’effet des fermetures d’industries présentes dans la région. Cela est seulement la partie visible d’une crise virulente comme celle qui est en train de désertifier l’essentiel de l’Italie.
La désertification devient encore plus évidente lorsque les investissements s’effondrent, ce qui est observable depuis 2007, avec une remontée puis une rechute depuis 2011. En Italie, des investissements qui pourraient garantir un certain niveau d’industrialisation n’existent pas. Il y a ceux qui voudraient résoudre le problème avec le tourisme. Il s’agit d’une illusion alimentée par certains milieux environnementalistes. Ils veulent transformer l’Italie en une sorte de Tahiti qui dispose d’un grand flux touristique. Tourisme, oui, mais dans un pays que peut vanter une solide production industrielle. Peut-être faudrait-il programmer la production en partant des besoins de la population tout en respectant l’environnement, sans faire confiance au chaos capitaliste.
Nous connaissons le drame du chômage [dans toutes ces formes: chômeurs officiels, intérim et «chômeurs invisibles», ceux qui ressortent des statistiques officielles, car n’ont plus droit aux indemnités de chômage ou simplement ne sont plus à la recherche d’un emploi parce qu’ils le jugent inutile] dans toute l’Europe, en Italie et spécialement à Taranto.
A Taranto, les prétendues entreprises «propres» se préparent à fermer: la Vestas [1], active dans le secteur de l’énergie éolienne; la Marcegaglia [2], qui fabrique des panneaux solaires et qui maintient sur le terroir un incinérateur. Il faut ajouter à ces entreprises les entreprises sous-traitantes qui comptent dans l’ensemble environ mille travailleuses et travailleurs. Ces industries représentent le symbole d’un premier essor pour une économie remplaçant, sur la durée, l’industrie sidérurgique, laquelle, comme nous le savons, faute d’un changement radical du cycle productif, sera condamnée à disparaître dans le court ou moyen terme (calculé à 15/25 ans, qui additionné aux 50 ans déjà cumulés représentent la vie moyenne des établissements sidérurgiques). Cela tout en faisant abstraction des crises cycliques toujours plus fréquentes dans les sociétés soumises à la mondialisation. En dépit de louanges autour des énergies renouvelables, celles-ci sont fort contestées, surtout par rapport au bradage du paysage et au béton qui envahit le territoire (conséquences de l’installation d’éoliennes), ce qui rend de plus en plus précaire tout le processus de la circulation de l’eau souterraine dans le sol et les roches. De plus, la production des panneaux solaires, favorisée par la politique de grandes concentrations des panneaux (fermes solaires), soustrait les terrains agricoles et pose de problème du démantèlement du matériel après la fin du cycle de vie du produit.
Encore aujourd’hui à Taranto, les gens pleurent la fermeture de la Belleli, industrie très connue qui produisait les plateformes pétrolières. Beaucoup d’environnementalistes ont fait l’éloge de cette ancienne «usine qui ne polluait pas» tout en oubliant que les plateformes de la Belleli servaient à forer et à polluer dans d’autres parties du monde… au-delà de l’Italie.
Lors de la dernière manifestation – convoquée à Taranto par 25 organisations parmi lesquelles la Confcommercio [chambre du commerce régionale], le comité de citoyens, des travailleurs libres et des associations environnementalistes demandant l’ouverture de l’aéroport du Grottaglie (grande commune aux portes de la région des Pouilles) – les gens réclamaient aussi la transformation du port de Taranto en un grand port capable d’accueillir des grands bateaux touristiques. Il faut souligner que dans d’autres parties de l’Italie les gens contestent ce type de développement du trafic maritime. Ceux revendiquant cette option oubliaient que pour appliquer cette transformation il faudrait un dragage du fond de la mer qui, dans cette zone, est rempli de métaux lourds, de minéraux, dioxine et de toutes sortes de déchets.
Le dragage impliquera la dissémination de tous ces matériaux très dangereux et rendra inaccessible cette partie de la mer. Les pêcheurs se sont opposés plusieurs fois à cette éventualité. De prétendus environnementalistes devraient revoir leurs positions sur les industries et sur la nécessité que celles-ci respectent le territoire au sein duquel elles sont implantées. Ils devraient aussi être attentifs avant d’affirmer que les industries – celles qui aujourd’hui polluent – doivent fermer leurs portes et ne pas s’intéresser aux projets patronaux de délocalisation parce que, selon eux, «il suffit quelles partent dehors de notre région».
Toutefois, il faut tenir compte qu’ils déplacent les capitaux dans des pays sous-développés (comme ce fut dans les années 1950 et 1960 avec la politique des grandes concentrations industrielles) et que les productions polluantes seront seulement déplacées sans aucun contrôle dans ces pays où les «conditions salariales» sont plus avantageuses qu’en Italie, en Europe ou aux Etas-Unis.
C’est pour cette raison que la lutte pour les industries utilisant des technologies avancées et à basse pollution doit devenir un objectif que nous devons poursuivre. C’est important dans cette phase de lancer le mot d’ordre de l’occupation et de la gestion par les travailleurs des usines qui seront fermés. Nous ne devons pas avoir peur de la possibilité de réquisitionner ces entreprises afin de les nationaliser. Les demi-mesures ne servent plus. Il faudra lutter avec toutes nos forces pour reconquérir les droits, le travail et la santé. Il faut partir d’une idée et d’une pratique de base: «qui lutte peut perdre, qui ne lutte pas a déjà perdu!» (Traduction A l’Encontre)
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[1] La Vestas est une entreprise danoise créée en 1898 et active dans le secteur énergétique. Aujourd’hui, elle est active dans 73 pays en exploitant principalement l’éolienne. Le site de Taranto va fermer. 127 travailleurs perdront leur emploi.
[2] Marcegaglia est un des leaders mondiaux dans un segment de la transformation de l’acier. Le groupe emploie 7500 travailleurs dans 43 établissements et 60 unités commerciales. Le chiffre d’affaires pour l’année 2012 atteint 4 milliards d’euros.
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