Par Michael Schaeffer Omer-Man
Le soir du mardi 18 novembre, le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, appelant à une condamnation internationale de l’attaque meurtrière qui s’était déroulée le matin même dans une synagogue [de Jérusalem, où cinq Israéliens ont été tués], a affirmé: «Ne discrimine pas entre le sang et le sang.» Il annonça, peu après, les mesures qu’il prévoyait de prendre en réponse aux insensées effusions de sang.
«J’ai ordonné ce soir la démolition des maisons des terroristes qui ont perpétré le massacre ainsi que de hâter la démolition des maisons des terroristes qui ont perpétré des attaques antérieures», a-t-il déclaré à la nation, lui demandant de permettre à l’Etat de régler les comptes en son nom.
Cinq mois plus tôt, Netanyahou avait fait une déclaration similaire à la suite de l’horrible meurtre de l’adolescent palestinien Mohammed Abu Khdeir. «Nous ne faisons pas de distinction entre la terreur [palestinienne] et la terreur [juive], et nous les traiterons toutes les deux sévèrement», a dit le premier ministre, s’engageant à faire tomber sur les meurtriers toute la rigueur de la loi, lesquels, ajouta-t-il, «n’ont pas de place dans la société israélienne».
Netanyahou – à l’instar de ses prédécesseurs – opère bien sûr une discrimination entre le sang et le sang et il distingue effectivement entre la «terreur juive» et la «terreur palestinienne».
Le premier ministre n’a pas ordonné à la police ou à l’armée de démolir les maisons des familles des suspects du meurtre d’Abu Khdeir. Une fois encore, ceux-ci, ainsi que les familles qui vivent dans ces maisons, sont Juifs.
En 2005, lorsqu’Eden Natan-Zada – un déserteur de l’armée et un partisan de Kahane Chai [Parti israélien hypernationaliste religieux fondé par le rabbin américain Meir Kahane dans les années 1970, Meir Kahane a été tué aux Etats-Unis en 1990], qui est reconnue comme organisation par Israël, les Etats-Unis et l’Union européenne – tua quatre citoyens arabes d’Israël et en blessa une douzaine d’autres, le premier ministre d’alors, Ariel Sharon, l’appela «un terroriste juif assoiffé de sang». La maison de sa famille n’a pas été démolie.
En 2002, lorsque des membres clandestins de «Bat Ayin» [Bat Ayin est une colonie israélienne dans les territoires occupés, entre Hébron et Jérusalem, au sein de laquelle s’est développé un réseau clandestin terroriste] furent arrêtés et accusés de tenter de faire exploser une école pour filles palestiniennes à Jérusalem-Est, personne n’avait ordonné que leurs maisons soient détruites.
En 1994, après que le colon Baruch Goldstein assassina 29 fidèles Palestiniens et en blessa 125 lors du massacre de la mosquée d’Abraham à Hébron, le premier ministre d’alors, Yitzhak Rabin, appela le docteur né en Amérique un «corps étranger» ainsi qu’une «mauvaise herbe». Il n’exigea pas que la maison de la famille de Goldstein soit détruite.
Une décennie plus tôt, en 1984, lorsque des membres du groupe terroriste «Jewish Underground» furent arrêtés alors qu’ils plaçaient des bombes sous des bus palestiniens à Jérusalem, leurs sévères peines de prisons furent commutées.
Inefficace, illégal et tout simplement inacceptable
Mardi [18 novembre], la police israélienne arrêta au moins 10 membres de la famille – y compris leurs mères – des terroristes qui tuèrent cinq fidèles juifs quelques heures plus tôt. Leurs détentions sont gênantes, mais ils seront très probablement relâchés, considérant le fait que les services de sécurité israéliens ne peuvent les relier directement à l’attaque. Pourquoi? Parce que être lié à un criminel – ou même à un terroriste – n’est pas un crime.
Et pourtant, ces membres de la famille qui n’ont commis aucun crime vont être punis. Ils deviendront sans domicile. Pourquoi? Pour deux raisons. La première, Netanyahou l’a expliqué: la vengeance. Il a déclaré, lors de la conférence de presse du mardi soir: «En tant qu’Etat, nous allons régler nos comptes avec tous les terroristes.»
La seconde justification: la dissuasion. Quoi de mieux pour dissuader quelqu’un désireux de mourir que de faire en sorte qu’il sache que vous punirez sa famille pour ses actions. C’est peut-être logique. Mais pas tant que cela efficace.
Jusqu’à cet été, Israël n’avait plus utilisé la destruction de maisons comme mesure punitive depuis 2005, strictement à la suite d’un rapport de l’armée disant que ce n’était pas une dissuasion efficace contre le terrorisme.
La pratique est également illégale au regard du droit international, ainsi que l’indiquent des groupes de défense des droits humains israéliens, palestiniens et internationaux.
Mais si on laisse de côté les questions d’efficacité et de légalité, les punitions collectives sont simplement injustes. Les sociétés civilisées, démocratiques et respectueuses de la loi ne punissent pas des parties qui ne sont pas impliquées. Elles ne réalisent pas des punitions qui ne figurent pas dans un code pénal et qui sont ordonnées par un tribunal.
Une situation où le premier ministre cause intentionnellement de graves préjudices et souffrances à des personnes complètement innocentes et non impliquées afin de pratiquer une vengeance et «envoyer un message» et le fait uniquement aux familles des auteurs d’une race ou nationalité, il s’agit de vigilantisme [le fait de rendre justice «par soi-même»], non de justice.
Neuf civils laissés sans domicile
Mercredi matin [19 novembre], la police israélienne a démoli la maison de la famille d’Abdelrahman Shaloudi dans le quartier de Silwan, à Jérusalem-Est. [Démolition revient à expulsion d’une famille de ce territoire dont l’occupation et l’usage sont planifiés par les instances du pouvoir sioniste, ce qu’Amira Haas décrit avec sa pénétration politique et psychologique habituelle dans Haaretz, en ligne, le 2 décembre 2014.]
Fin octobre Shaloudi fonça avec son auto contre des personnes, en tua deux, dont un bébé de trois mois. Il a été abattu et tué par les forces de sécurité israélienne sur les lieux de l’attaque. Neuf personnes vivaient dans l’appartement détruit par l’Etat d’Israël. Aucun d’entre eux n’a quelque chose à voir avec l’attaque. (Publié le 19 novembre 2014 sur le site israélien +972, traduction A L’Encontre)
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