Déclaration des Révolutionnaires Socialistes
Les Frères musulmans ont été renversés afin d’approfondir la révolution et non pour soutenir le régime.
Quels qu’aient pu être les crimes commis par la Confrérie contre le peuple et contre les Coptes en défense de son pouvoir au nom de la religion, nous ne confions pas notre autorité au chef de l’armée: Al-Sissi [ministre de la Défense et dirigeant du Conseil suprême des Forces armées]. Nous ne descendrons pas dans les rues vendredi [1], offrant un chèque en blanc pour que des massacres soient commis.
Si Al-Sissi dispose des moyens légaux de faire ce qu’il souhaite, pourquoi fait-il appel au peuple pour qu’il descende dans les rues? Il veut d’un référendum populaire sur le fait qu’il assume le rôle d’un César [bonapartisme] et que la loi ne lui fera pas obstacle.
Il est exact que les Frères musulmans sont à l’origine des souffrances des masses au cours de leur règne [juin 2012-juin 2013] et nous assistons aujourd’hui au retour d’actes terroristes dans la péninsule du Sinaï, à al-Arish et des attaques contre les personnes vivant à Maniyal et à Al-Nahda.
L’armée n’a pourtant pas besoin d’une «permission» pour s’occuper des actes terroristes, elle dispose de la base légale pour le faire ainsi que bien d’autres choses. Mais elle veut quelque chose de plus, elle veut une mobilisation populaire la soutenant afin d’accroître la cohésion de l’Etat et de la classe dominante autour de sa direction.
Elle désire effacer l’une des caractéristiques les plus importantes de la révolution jusqu’ici, à savoir la conscience que les masses ont du caractère répressif de l’appareil d’Etat et l’hostilité intense de ce dernier contre elles. Elle souhaite transformer en réalité le mensonge selon lequel «l’armée, la police et le peuple ne forment qu’une seule main». L’armée désire que le peuple la suive dans les rues, juste une année après que les masses scandèrent «A bas, à bas la domination militaire!»
Enfin, elle veut rétablir la «stabilité», c’est-à-dire le retour de l’ordre, le retour du régime. Elle veut en terminer avec la révolution et l’armée utilisera les Frères musulmans à cet effet. La Confrérie, qui a été à peine une année au pouvoir, s’est mise à dos tout le monde: le vieil Etat, l’armée et la police; la classe dominante; la classe laborieuse et les pauvres; les Coptes; les partis politiques et les révolutionnaires. La chute des Frères musulmans était inévitable et le peuple célébrait la chute de Morsi avant même qu’ils descendent dans les rues le 30 juin.
L’establishment militaire, qui s’est allié lui-même avec les islamistes au cours des deux dernières années, a décidé de rompre son alliance suite à l’échec des islamistes de contenir les mobilisations sociales et le mécontentement croissant s’exprimant dans les rues. Il saisit donc l’opportunité de se débarrasser de Morsi et coupa l’herbe sous le pied au développement d’un mouvement révolutionnaire et empêcha son approfondissement.
L’armée souhaite diriger ce mouvement dans une direction «sûre» en se débarrassant des Frères musulmans pour rétablir l’ordre ancien. Cette stratégie a permis aux acolytes de l’ancien régime, à la police et à l’armée de ne plus devoir se présenter devant des tribunaux alors que la liste d’accusation gonfle suite aux crimes qu’ils commettent contre les Frères musulmans.
Ils affirment, par-dessus tout, qu’ils étaient aussi responsables de la révolution du 25 janvier. Nous ne voulons pas que Morsi soit traîné devant les tribunaux pour le meurtre des martyrs de Port Saïd ainsi que de nombreux autres. C’est la police de Moubarak-Morsi qui était responsable. Le point le plus important est d’ouvrir les portes fermées par l’accord réalisé avec Morsi: «Justice pour les martyrs»!
Les crimes que Morsi a réalisés, il les a réalisés avec l’armée, la police et l’Etat de Moubarak. Ils doivent tous être tenus responsables et jugés ensemble. Donner au vieil Etat un mandat pour que ses institutions répressives puissent faire ce qu’elles veulent de leurs partenaires en crime d’hier ne fera que leur donner le champ libre pour réprimer ensuite toute opposition.
Ils réprimeront tous les mouvements de protestation, les grèves ouvrières, les sit-in et les manifestations. Nous ne pouvons pas oublier que les crimes commis par les Frères musulmans à travers le pays se sont déroulés sous les yeux de la police et de l’armée sans qu’ils n’interviennent en aucune manière pour protéger les protestataires ou les gens.
Les masses qui descendent dans les rues ce vendredi 26 juillet 2013 font du tort à la révolution, quoi que puissent penser ceux qui y participent.
Donner à l’armée un mandat populaire pour qu’elle en finisse avec les Frères musulmans va inévitablement conduire à la consolidation du régime contre lequel la révolution s’est soulevée pour le mettre à bas. Nous devons nous appuyer sur la chute de la Confrérie pour approfondir notre révolution et non pour soutenir le régime.
Nous devons faire face aux Frères musulmans aux niveaux politique et populaire, répondant à leurs actes de violence avec la fermeté la plus grande.
Nous devons créer des Comités populaires pour nous défendre contre les attaques des Frères musulmans et pour protéger notre révolution qui ne s’apaisera pas avant la chute du régime et avant que nous obtenions le pain, la paix et la justice sociale ainsi que la punition de tous les assassins des martyrs. (Traduction A l’Encontre d’une adaptation anglaise publiée sur le site du Socialist Worker Party de Grande-Bretagne le 25 juillet.)
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[1] Ce vendredi 26 juillet 2013, deux mobilisations sont appelées: l’une par les Frères musulmans contre leur mise à l’écart du gouvernement et la répression subie; l’autre par Al-Sissi qui fait appel à la population pour étayer sa «légitimité». Dans les jours passés, quelque 10 morts sont dénombrés lors des affrontements. De plus, des groupes s’attaquent aux forces de police dans le Sinaï, avec 20 policiers tués. Le Front de salut national a annoncé sa participation à la mobilisation appelée par Al-Sissi. Les Frères musulmans ont caractérisé l’appel d’Al-Sissi comme une «déclaration de guerre civile». Les «mesures de sécurité les plus adéquates» ont été prises par la police et l’armée. De plus, il semble que Morsi est accusé de collaboration avec le Hamas contre des forces de police égyptiennes. (Rédaction A l’Encontre)
La démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le peuple.
Le peuple Egyptien, réuni enassemblée générale, dans toutes les villes et villages du pays a parlé.
Tout le reste n’est que radotage
@Tarek EZZAT :
Si je ne me trompe pas c’est bien le peuple qui a mis Morsi au pouvoir non ? … et ce de manière démocratique à priori !
Quand vous dites ‘Le peuple Egyptien, réuni en assemblée générale…’, de quel peuple parlez-vous ? Les pro-Morsi ne font-ils pas partie eux aussi du ‘peuple Egyptien’ sous prétexte qu’ils défendent d’autres idées (moyenâgeuses j’en conviens…) ? Tenir un tel discours est clivant et dangereux et ne relève pas le débat…
Le terme “a priori”, utilisé de façon impérative par Tarek Ezzat, signifie: partir de données antérieures à toute expérience, ou d’idées qui anticipent l’expérience. Quelle est l’expérience des “élections démocratiques”? Elle est multiple et fort différente selon les pays, les moments, les conjonctures politiques. On connaît par exemple la formule si souvent utilisée par des médias: “Hitler a été élu démocratiquement”. Voici ce que Ian Kershaw (Hitler 1889-1936, tome 1, Flammarion 1999 pour la version française), un historien réputé, écrit: “De plus en plus, les portes du pouvoir n’étaient gardées que par une poignée d’individus, avant tout Papen Schleicher et Indenburg. Derrière eux se tenaient de puissants lobbies: les grandes entreprises, les propriétaires fonciers et l’armée, qui n’était pas le moins important […]. Toutes [ces élites] voulaient la fin du “système des partis”, et du régime démocratique; toutes entendaient briser le “marxisme”, y compris le SPD, et le syndicalisme pour revenir à une forme ou à une autre d’autoritarisme.” (p. 541-542) Au sens strict du terme, au travers de ce que Goebbels appela “un conte de fées”, ces élites mirent Hitler au gouvernement. Kershaw résume les manoeuvres ainsi: “C’est le désir de détruire la démocratie, plus que l’empressement à porter les nazis au pouvoir, qui déclencha les processus complexes conduisant Hitler à la Chancellerie.” (p. 666) On pourrait prendre d’autres exemples.
Un fait est incontestable: la campagne référendaire menée par la coalition hétérogène Tamarod (Rébellion) a réuni 22 millions de signatures. Largement plus que les votes en faveur de Morsi. La mobilisation pour le 30 juin et cette campagne référendaire se sont appuyées sur de véritables assemblées populaire sous des formes propres aux différentes régions de l’Egypte. Que ce mouvement de masse ait été utilisé par l’armée, pour écarter, par un coup, la présidence Morsi est un fait. Que ce coup s’inscrive dans une dynamique de perte populaire très large de légitimité du gouvernement et de la présidence Morsi est un autre fait. Voir à ce propos l’entretien avec Sameh Naguib conduit par Rosemary Bechler mis sur ce site en date du 6 août 2013. Les coups d’Etat ne peuvent être saisis en dehors de leur contexte, aussi bien dans leurs causes que dans leurs effets. De plus, la conception de la démocratie est marquée par un éventail large d’interprétations. Faut-il la réduire aux strictes élections? Faut-il tenir compte d’une dimension de démocratie directe (référendaire)? Faut-il en exclure la dimension d’auto-organisation des citoyens et citoyennes ou des salarié·e·s, comme cela s’est produit dans la lutte démocratique et pour les droits démocratiques contre la dictature Moubarak? Et demain, peut-être, contre le pouvoir d’Al-Sissi? Nous ne le pensons pas. Ces dimensions doivent être prises en compte. Sauf à avoir une pensée a priori, c’est-à-dire étrangère, car antérieure, à toute expérience socio-politique effective dans un pays donné à un moment donné, tout en de la plus extrême vigilance pour ce qui a trait à la continuité des droits sociaux et démocratiques de la très large majorité de la population qui s’en voit de plus en plus privée dans de nombreux pays. Ne serait-ce qu’au travers du gouvernement par décrets qu’instaure l’Union européenne, la BCE et le FMI, par exemple. En outre, la concentration accrue du pouvoir économique (un facteur existant aussi en Egypte) rend ce dernier, en tant que traduction de la propriété privée centralisée, de plus en plus puissant, c’est-à-dire apte à imposer ses décisions dans tous les domaines, de manière directe ou indirecte (par le biais des mécanismes mêmes du fonctionnement et de la reproduction du capital). Charles-André Udry