Daech importe les ingrédients de ses bombes

Le parcours des composants électroniques utilisés par l'EI. Concernant les pièces suisses provenant de STMicroelectronics, il s'agit du parcours présumé, en l'absence de clarifications données par l'entreprise. DR
Le parcours des composants électroniques utilisés par l’EI. Concernant les pièces suisses provenant de STMicroelectronics,
il s’agit du parcours présumé, en l’absence de clarifications
données par l’entreprise.

Par Claude Angeli

Des achats légaux, révèle une étude récente. Et un navire de croisière peut devenir une cible, selon les services français.

Financée par l’Union européenne, une étude du Conflict Armament Research s’est intéressée aux importations de ces amateurs d’explosifs. Après vingt mois d’enquête – n’est-ce pas un peu long? –, les experts de ce centre de recherches et d’analyse basé à Londres ont remis, à la fin de février, un rapport de 106 pages sur leurs découvertes. Car, et c’est l’ironie de l’histoire, aucun des ingrédients nécessaires, après assemblage, pour faire sauter voitures piégées, ponts, hôtels ou routes empruntées par des convois militaires n’est soumis au moindre embargo. Alors pourquoi se gêner?

Selon ce rapport, 51 sociétés de 19 pays [1] ont fourni aux artificiers de Daech détonateurs, composants chimiques, équipements électroniques, cordons et câbles, téléphones mobiles, très utiles pour programmer le déclenchement à distance d’une bombe. La France ne figure pas sur la liste des pays identifiés par les experts londoniens – on respire…

En revanche, la Turquie (13 entreprises concernées), l’Inde, la Russie, les USA, le Japon, la Chine, le Yémen et plusieurs Etats européens sont réputés, à en croire l’étude citée, pour l’«extrême rapidité» des livraisons et pour la «facilité d’acquisition» de tous ces produits par Daech. Dont les bricoleurs sont bien capables de faire sauter ensuite, dans ces divers pays, les explosifs conçus grâce à leurs produits chimiques ou à leurs composants électroniques. Payés à la commande, on espère.

«Bataclan flottant»

Autre mauvaise nouvelle: voilà environ trois mois, la Direction du renseignement militaire (DRM) a rédigé, à l’intention de l’état-major des armées et du ministère de la Défense, une note sur le terrorisme «maritime». En utilisant, au détour d’un ou deux alinéas, une formule des plus explicites, «Bataclan flottant», qui traduit bien la recherche du spectaculaire par les terroristes.

En résumé, les analystes de la DRM dressent une liste des actions possibles. En premier lieu, l’explosion d’une bombe – ou d’un kamikaze… – à bord d’un ferry ou d’un navire de croisière. Actions encore à craindre, selon le Renseignement militaire, un attentat à bord d’un bateau relâchant dans un port, voire l’utilisation d’un Zodiac piégé pour aborder un navire en pleine mer.

Mais les inquiétudes des gouvernements et de leurs services ne se limitent pas au seul terrorisme maritime. Des militaires américains, français et britanniques arpentent discrètement plusieurs pays africains afin d’inciter à la prudence les armées locales qui détiennent des missiles sol-air. Lesquels pourraient être volés et finir aux mains des combattants de Daech, désormais très présents en Libye. Ces djihadistes possèdent sans doute déjà quelques missiles sol-air russes SA-7 et Sa-16, récupérés en Syrie ou en Irak.

Au décollage ou à l’atterrissage, un Airbus et un Boeing sont d’excellentes cibles… (Article publié le 16 mars dans Le Canard enchaîné) 
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[1] En date du 25 février 2016, l’ex-journal de référence, Le Temps, publié à Lausanne (Suisse), citait le même rapport et indiquait: «Selon le rapport, des transistors TIP 102 et BDX 53C fabriqués par l’entreprise de Plan-les-Ouates (Genève) [la société suisse STMicroelectronics] se sont retrouvés dans des bombes artisanales utilisées par l’Etat islamique contre les forces irakiennes et kurdes. STMicroelectronics n’a pas répondu aux demandes d’information des auteurs du rapport, qui voulaient connaître le parcours suivi par les transistors.»

L’entreprise genevoise répond au Temps«Selon notre enquête interne, les éléments incriminés correspondent à des contrefaçons, problème récurrent dans notre industrie.» Et d’insister: «Nous nous serions jamais permis de vendre des produits à l’Etat islamique ni à aucune autre organisation apparentée.» On est en droit de se demander pourquoi STMicroelectronics n’a pas répondu aux experts du Conflict Armament Research, organisme mandaté par l’UE. Est-ce le respect du secret commercial? STMicroelectronics pensait-elle que les experts du CAR allaient mettre dans leur rapport la liste des acheteurs de leurs produits? Et, à partir de quels critères, la direction de STMicroelectronics pouvait savoir que l’acheteur était un affidé de l’EI ou d’une organisation apparentée? On s’imagine un commercial de Daech arrivant à Plan-les-Ouates avec une carte de visite contresignée par le calife Al-Baghdadi. (Réd. A l’Encontre)

PS: L’insatiable Netanyahou

Le premier ministre israélien n’en finit pas de tenir la dragée haute à Barack Obama. «Ces deux-là éprouvent une véritable aversion l’un pour l’autre, mais, à la fin, c’est Netanyahou qui gagne, constate un diplomate français. Et il exige toujours plus de son allié américain.» A preuve sa récente demande d’augmenter l’aide militaire consentie chaque année par la Maison-Blanche (3 milliards de dollars) et de la porter à 5 milliards.

Un ancien porte-parole de Netanyahou, Aviv Bushinsky, a cru possible de montrer, lui aussi, son aversion pour le représentant d’Obama en Israël, l’ambassadeur américain Daniel Shapiro. Lors d’un débat sur Channel 2, le 20 janvier, il l’a tout simplement qualifié de «youpin» (yehudoni, en hébreu). Ce diplomate [Daniel Shapiro] s’était permis de critiquer la situation dont sont souvent victimes les Palestiniens. (Claude Angeli)

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