Entretien avec Manuel Gari
du courant Anticapitalistas de Podemos
La rédaction du site A l’Encontre s’est entretenue avec Manuel Gari, économiste et membre de la direction du courant Anticapitalistas de Podemos. D’autres entretiens ont été faits, de même, avec des militant·e·s sur le courant Anticapitalistas à l’occasion de l’université d’été de ce courant. Elle s’est tenue du 22 au 27 août dans les environs de Ségovie.
Nous publions, ici, la première partie de l’entretien avec Manuel Garí qui porte sur la récente décision de Podemos d’entrer dans un gouvernement PSOE à l’exécutif de la communauté autonome de Castille-La Manche (voir à ce sujet l’article publié sur ce site en date du 26 juillet 2017).
Ce premier extrait (transcription) de l’entretien permet de jeter un éclairage également sur la situation sociale dans l’Etat espagnol et sur la réalité du prétendu tournant à gauche du PSOE qu’aurait représenté l’élection de Pedro Sanchez à sa direction, contre la candidate Susana Diaz Pacheco, présidente de la Junte d’Andalousie, depuis septembre 2013. (Réd. A l’Encontre)
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L’accord entre Podemos et le PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol) dans la communauté autonome de Castille-La Manche, qui s’est traduit par l’entrée de deux membres de Podemos dans un gouvernement autonome, marque-t-il un tournant dans l’orientation de Podemos ou est-ce une décision ponctuelle?
A mon avis, cet accord a été préparé par la direction de Podemos et celle du PSOE à la suite de deux circonstances. La première fait suite à l’échec de la motion de censure contre Rajoy présentée au Parlement en juin par Podemos. Le PSOE ne l’a pas soutenue. La seconde, le triomphe de Pedro Sanchez lors des primaires socialistes en mai 2017. Sanchez faisait face à deux autres candidats. Ce qui apparaissait comme normal aurait été la victoire de la candidate de l’appareil, du vieil appareil traditionnel du PSOE, la présidente de la Junte d’Andalousie, Susana Diaz. Du point de vue programmatique, la victoire de Sanchez ne signifie rien. En revanche, sa signification sur le plan symbolique est considérable. C’est le candidat de la base qui l’a emporté, le candidat qui affirmait qu’il était indispensable de s’opposer de manière plus ferme au Parti populaire (PP) que ce que faisait la direction provisoire du PSOE [mise en place suite à un «coup» interne contre Sanchez en septembre 2016, suite à une démission organisée de membres de la direction].
La répercussion publique de ce vote de la base en faveur de Sanchez a pour effet de modifier l’image du PSOE. L’idée qui surgit est qu’enfin le parti socialiste est de retour. Avec Sanchez, le PSOE sera à nouveau le parti de la gauche. Nous savons, bien entendu, que cela est faux, qu’il n’y a pas eu de changement programmatique, que la différence entre Susana Diaz et Sanchez est d’ordre tactique. La conception de Diaz est celle d’un affrontement plus marqué avec Podemos afin de limiter sa croissance, alors que Sanchez pense qu’il est nécessaire de reprendre certains thèmes mis en avant par Podemos afin de priver cette formation d’une partie de la base électorale traditionnellement socialiste qui a pu transférer son choix électoral en direction de Podemos.
Ces deux facteurs déterminent, dans l’esprit du noyau de la direction de Podemos, celui qui est le plus proche de Pablo Iglesias, qu’il n’est désormais plus possible de réaliser ce qui était envisagé jusqu’alors: le sorpasso du PSOE. C’est-à-dire, pour reprendre le terme italien en usage, le dépassement du parti socialiste en termes de suffrages. Il faut donc alors, car l’objectif est de gouverner, se rapprocher du PSOE. Le problème n’est pas tant ce dernier objectif (gouverner), mais plutôt comment cet objectif est envisagé et atteint: dans quelles conditions sociales, rapports de forces, avec quel programme d’ensemble, etc. Si l’intention est d’accéder au gouvernement le plus rapidement possible, eu égard au fait que Podemos ne peut envisager de former un gouvernement sous son hégémonie.
En effet, les sondages indiquent que les intentions de vote en faveur du PSOE repiquent, alors qu’auparavant Podemos dépassait le PSOE. Dès lors, le noyau dirigeant en vient donc à proposer un co-gouvernement. Cela signifie qu’il est nécessaire de réaliser une expérience. Où peut-elle être envisagée? En Castille-La Manche. Dans une communauté autonome aux mains de l’aile droite du PSOE, favorable à Susana Diaz fortement opposé à gouverner avec Podemos. Emiliano Garcia-Page Sanchez du PSOE est un homme pragmatique, conservateur mais qui a la capacité de s’adapter. Il fait face à un problème: il a besoin du vote des deux députés de Podemos aux Cortes de la Communauté autonome, le législatif, afin d’atteindre la majorité [suite aux élections autonomes du 24 mai 2015, les Cortes comptent 16 députés du PSOE, 15 du PP et 2 de Podemos; parmi ces derniers, l’un, José García Molina, est désormais, depuis juin, le vice-président en second de l’exécutif, alors que le second, David Llorente, appartenant au courant Anticapitalistas, s’est opposé à l’entrée au gouvernement]. De ce fait, l’adoption du budget ainsi que d’autres lois dépendent de ces deux voix.
Pourquoi faire cette première expérience de co-gouvernement dans cette communauté autonome? Parce que le secrétaire général de Podemos de Castille-La Manche, José García Molina, proche de Pablo Iglesias, désire gouverner. Si on lui demande ce qu’il veut faire dans la vie, il répondra: je veux entrer au gouvernement. Je suis pressé. Il est arrivé à la conclusion qu’exercer des pressions du dehors du gouvernement ne suffisait pas, car elle n’apporte pas une position de pouvoir, de décider, de bénéficier de personnel qui travaille à ses côtés. Ce n’est pas exactement la bureaucratie. Il s’agit d’un phénomène qui combine des intérêts matériels, des vanités personnelles ainsi qu’une absence de fermeté politique.
Il y a plus de deux mois, ce même Molina avait présenté des conditions pour que Podemos vote le budget, en accord avec notre camarade David Llorente. Le PSOE a accepté toutes ces conditions. Il était donc possible de ne pas gouverner et de garder une position d’opposition. Subitement, le PSOE change de monture et affirme, ce qui est fou, qu’il ne votera pas le budget alors même que les conditions avaient été acceptées. C’était une manœuvre.
David Llorente, qui est à sa gauche, considère que c’est une position illogique: les conditions ont été acceptées, il faut voter le budget. Molina fait ensuite un saut: le budget sera voté à la condition de son entrée au gouvernement. Le sens de cette action pour Molina, n’est rien d’autre que la finalité d’accéder au gouvernement. C’est triste.
Quant à Pablo Iglesias, la signification politique de cette orientation pour lui est la suivante: c’est la première expérience contrôlée d’un co-gouvernement avec le PSOE, cela dans un lieu où le coût politique pour le PSOE est le plus bas ; de même pour Podemos. En raison des caractéristiques de cette communauté autonome, Pablo Iglesias peut affirmer qu’il a soutenu Molina, sans cautionner sa politique. Si l’expérience se déroule bien, il pourra toujours dire qu’il l’a soutenu. Dans le cas contraire, il affirmera que Molina en est responsable. C’est ainsi que fonctionne cette «mécanique politique». De même, la posture de Sanchez est tout aussi machiavélique. Il accepte que l’expérience d’un co-gouvernement avec Podemos se fasse dans une région dont l’appareil lui est hostile. Au sein d’un gouvernement dont le président, Emiliano Garcia-Page Sanchez, démonisait Podemos. Pedro Sanchez pourra donc affirmer, si les choses se passent bien à ses yeux: «vous voyez comment il fallait faire entrer Podemos dans un gouvernement». Si cela se passe mal, il prétendra que Page ne sait pas traiter ses partenaires politiques. Cette explication peut paraître longue, mais il n’y a malheureusement pas d’autres raisons et arguments pour expliquer cette décision de Podemos d’entrer dans le gouvernement de Castille-La Manche.
Que signifie l’entrée d’un membre de Podemos dans ce gouvernement pour l’ensemble de cette formation?
Cela est plus complexe. Comme premier élément, on peut dire que cela revient à mettre en cause les résolutions adoptées en février 2017 au Congrès de Vistalegre. Lors de ce Congrès, trois grandes positions étaient en présence, si l’on fait abstraction d’autres positions qui ont eu moins d’écho. Ces trois positions se matérialisaient chacune dans des documents présentés au vote. La position qui l’a emportée au Congrès est celle de Pablo Iglesias. Les deux autres étaient celle Iñigo Errejon et celle d’Anticapitalistas.
Je ne vais pas entrer dans le détail de ces positions et plutôt me concentrer sur cette question du gouvernement. A propos de la position d’Anticapitalistas, je me contenterai d’indiquer qu’elle s’articule autour du principe suivant, qui est rejeté par Iglesias et par Errejon: empêcher la formation d’un gouvernement de droite, soutenir le parti de gauche qui reçoit le plus grand nombre de voix et passer à l’opposition. Cette position politique, qui est la nôtre, est celle qui a été appliquée par Podemos dans toutes les communautés autonomes, y compris jusqu’à récemment en Castille-La Manche. A l’échelle des villes, comme à Cadiz par exemple, nous ne gouvernons pas avec le PSOE [Podemos, avec une forte présence d’Anticapitalistas, dont le maire de la ville], nous avons fait en sorte que le parti socialiste apporte ses voix. Sans cela, il aurait eu des problèmes avec sa base sociale.
L’entrée dans un gouvernement aux côtés du PSOE remet en cause la décision majoritaire prise à Vistalegre. A cette occasion, Pablo Iglesias affirmait que ce n’était pas le moment de gouverner avec le PSOE. Il s’agissait de continuer d’user l’influence de ce parti afin d’atteindre une hégémonie qui permette à Podemos, par la suite, de négocier des accords avec le PSOE, donc une fois que Podemos soit devenu le parti le plus fort à gauche. C’est là l’essence de la position d’Iglesias, présentée bien sûr de manière plus sophistiquée. Errejon, plus à droite mais avec une position politique plus claire, affirmait quant à lui que la fenêtre d’opportunité d’un gouvernement de Podemos était close. Ces possibilités évoluent dans le temps, désormais la seule possibilité de gouverner est d’aboutir un accord avec le PSOE, tel qu’il existe actuellement. Il faut donc former un gouvernement avec le PSOE maintenant, en prenant appui sur l’arithmétique électorale qui le permet.
Nous nous trouvons donc aujourd’hui dans une situation où la position majoritaire d’Iglesias a été remise en cause, détruisant le virage symbolique à gauche d’Iglesias (à Visa Alegre II), et où, finalement, le secrétaire général de la formation, Iglesias, doit administrer une situation où se met en pratique la résolution minoritaire. Il participe à la mise sur pied de ce qu’il avait combattu en février. C’est d’ailleurs la première chose qu’Errejon a dite: il aurait été possible de s’épargner le débat du Congrès car, finalement, Iglesias ne réalise rien moins que ce qui était présenté comme la pire chose par lui.
Un élément plus général est celui qui touche à l’évolution de l’électorat de gauche, dans un sens général, au-delà des cercles les plus politisés qui s’intéressent aux débats que j’ai présentés auparavant.
Cette évolution se constate à divers degrés, notamment dans les enquêtes que réalisent Podemos. Un secteur attiré par le discours de Podemos portant sur le changement, sur une rupture avec le régime de 1978 [soit le régime institutionnel mis en place à la sortie de la dictature franquiste par les accords de la Moncloa en 1977 et la Constitution de 1978, ce régime est caractérisé également, depuis les années 1980, par une alternance du PSOE et du PP au gouvernement]. Ce secteur, – certes pas révolutionnaire est favorable à une rupture démocratique, à des mesures contre l’austérité, etc. – en est venu à se dire qu’il n’était pas possible de faire sortir le PP du gouvernement. Le PP est le démon dont il s’agit de se débarrasser au plus vite. Cela donc peut se faire au travers d’une alliance avec un PSOE qui vient de réaliser un «virage à gauche». Finalement, pour ce secteur, le PSOE n’est pas si mauvais, les choses sont différentes, ce n’est plus les mêmes qu’auparavant.
La victoire de Sanchez aux primaires socialistes a largement été présentée comme un virage à gauche du PSOE. Qu’en est-il?
Un tel virage tient du discours et non de la réalité. Le PSOE n’a pas mis en avant l’abrogation de l’article 135 de la Constitution, introduit en août 2011, sous gouvernement de José Luis Rodríguez Zapatero avec le soutien du PP, qui donne priorité au remboursement de la dette sur les besoins sociaux. Le «nouveau» PSOE n’entend pas revenir sur les deux contre-réformes du travail ou, plus exactement, il affirme vouloir abroger l’une des deux sans toutefois indiquer comment il le fera.
On est donc loin d’une nouvelle législation du travail qui rétablisse l’ensemble des droits qui ont été supprimés sous Zapatero et sous les gouvernements Rajoy. Le PSOE n’a pas pris une position claire en faveur du «droit à décider» en Catalogne [depuis fin août, le PSOE s’est solidarisé totalement au PP dans son attitude envers le référendum en Catalogne qui doit avoir lieu le 1er octobre 2017]. On peut bien entendu discuter de ce qui serait le mieux, mais un principe élémentaire n’est pas mis en avant: celui du droit démocratique à pouvoir se prononcer sur cette question. Le PSOE parle désormais de l’Espagne comme un pays plurinational, une nation de nations. Cela n’est rien d’autre que du bavardage, cela n’implique rien. Si la souveraineté politique est toujours située sur la carte tachetée qu’est la réalité espagnole, peu importe ce bavardage.
Il s’agit, en outre, d’un droit culturel, la position du PSOE revient à reconnaître en paroles ce qui est déjà reconnu dans la Constitution espagnole, qui reconnaît dans un article l’existence des nationalités. Face aux problèmes politiques réels, le PSOE ne reconnaît pas le droit à décider. Il pourrait toujours adopter comme option politique, légitime, la non-ségrégation. Le PSOE refuse aux Catalans le droit de voter sur la question. Un autre domaine que Pedro Sanchez ne remet pas en cause, c’est l’austérité imposée par l’Union européenne (UE). Certes, on peut considérer que le PSOE les appliquerait de manière moins brutale.
Toutefois, Maastricht, le plan de stabilité, les règles du déficit de 3%, etc. sont vues par le PSOE comme des politiques intouchables. Il est donc très probable que si Sanchez était président, il respecterait les exigences de la Banque centrale européenne (BCE), de la Commission européenne et de l’Eurogroupe, en ce qui concerne de nouvelles coupes budgétaires, qui sont d’ailleurs déjà en train d’être appliquées.
A ce propos, qu’en est-il de la crise et des mesures d’austérité en Espagne actuellement?
Rajoy espère que ces nouvelles coupes soient appliquées dans un moment de «croissance économique» de façon que cela amortisse puisse en amortir quelque peu les effets. Ces coupes sont toutefois réalisées dans un pays qui n’a toujours pas récupéré de la crise de 2007-8. L’écart entre les revenus du Capital et ceux du Travail dans la richesse nationale ont en outre augmenté au cours des dernières années. Par ailleurs, les revenus du premier dépassent désormais ceux du second [Sur chaque deux euros de la croissance, 1 va en direction du capital. Avec la crise, la masse salariale globale en Espagne a diminué de 30 milliards alors que les bénéfices ont crû de 14 milliards, voir El Confidencial, 26 mai 2017]. C’est complètement fou!
En outre, l’Espagne est un paradis néolibéral en termes de fiscalité. L’IBEX 35, l’indice boursier des plus grandes entreprises espagnoles, génère plus de 50% du produit intérieur brut, ce qui représente une énorme concentration. Or, les entreprises cotées à l’IBEX 35 paient 7% de l’ensemble des impôts du pays. Ce mécanisme, c’est du Robin des Bois à l’envers! Voler les pauvres pour donner aux riches. On tire l’argent des poches des classes laborieuses, via notamment les impôts indirects comme la TVA (taux normal de 21% – 18% en 2012 ; taux réduit de 10% – 8% en 2012 ; taux très réduit de 4% ) ainsi que l’impôt sur les personnes physiques, pour alimenter l’Etat bourgeois, celui-là même qui opère des coupes budgétaires dans la santé et l’éducation, entre autres. En même temps, cet Etat effectue le sauvetage des banques pour 60 milliards d’euros, somme qui n’est finalement récupérée que très partiellement [début septembre, 2017, la Banque d’Espagne a reconnu que le sauvetage des banques avaient impliqué la perte de 40 milliards de l’argent public consacré au sauvetage avait pu être récupéré – seule une faible proportion a pu être récupérée, dont une bonne partie reversée aux banques].
La masse salariale globale n’a pas recouvré le niveau qui était la sienne en 2007. Au cours de la crise, les salaires ont été massivement baissés ou, au mieux, été congelés. Aujourd’hui le nombre de salariés a augmenté à nouveau, mais il s’agit surtout d’emplois précaires. Par exemple des personnes qui travaillent trois heures par semaine et qui figurent dans les statistiques comme personnes employées. [Comme indication de cette précarité, signalons que le quotidien El País a publié le 27 août un article selon lequel, en 2016, sur les 20 millions de travaux qui ont été signés au cours de cette année, 2,5 millions, soit le 12,5%, étaient des contrats de travail de serveur. Il y a dix ans, la proportion était inférieure de moitié, à 6,5%. Le quotidien signale, en outre, que plus de la moitié de ces contrats étaient d’une durée inférieure à une semaine et, pour 61,7% d’entre eux, il s’agissait d’emplois à temps partiel. Inutile d’ajouter que dès la fin de la période estivale, ce type d’emploi comme de nombreux autres liés aux services destinés au plus de 60 millions de touristes qui visitent l’Espagne au cours de l’année, connaissent une baisse significative et que, de manière concomitante, le chômage croît à nouveau].
Les transferts de richesse du salariat vers le capital dont témoigne l’ensemble de ces mesures ne peuvent bien entendu pas se comprendre sans tenir compte des exigences du FMI, de la Commission européenne et de la BCE et des politiques d’austérité imposées dans ce contexte. La stabilité de l’euro implique non seulement les coupes budgétaires, mais aussi cette flexibilité massive du marché du travail.
Que signifierait donc l’entrée dans un gouvernement PSOE dans ce contexte?
Face à ce changement massif, le PSOE n’a exprimé aucune volonté quelconque de changement, il ne dit tout simplement rien. Plus exactement, les seules mesures qu’il propose résident dans une augmentation du salaire minimum interprofessionnel, la libération de fonds pour la recherche, des choses de ce genre, adoptées, dans divers pays, par des gouvernements traditionnels. Toutefois, le noyau fondamental des politiques néolibérales, sous la forme qu’elles ont prises au cours de la crise qui a débuté en 2007, n’est en rien remis en cause.
Dans ces conditions, entrer dans un gouvernement avec le PSOE revient à faire ce que l’on appelle en espagnol «embrasser l’ours» (el abrazo al oso). Les succès d’un tel gouvernement ne seront même pas portés à notre crédit (au sens de Podemos), mais au PSOE. Quant aux échecs, c’est Podemos qui sera vu comme responsable. La base de Podemos demandera: qu’avons-nous obtenu au final? C’est le problème même auquel nous faisons face.
En outre, cette idée que l’actuelle direction du PSOE serait différente ne tient pas face aux faits. Nombre d’entre eux ont été ministres dans des anciens gouvernements du PSOE. Il ne s’agit donc pas d’un personnel politique nouveau, mais bien de personnes rodées. Citons un exemple, Jordi Sevilla, le conseiller économique de Sanchez. Il a été ministre des administrations publiques [chargé des relations avec les communautés autonomes et de l’administration générale de l’Etat] entre 2004 et 2007 sous Zapatero. Cristina Narbona, une personne pour laquelle j’ai une meilleure impression, a également été ministre [de l’environnement entre 2004 et 2008]. Si l’on prend la porte-parole du groupe socialiste au Parlement, Margarita Robles, on se trouve face à une personne dont les conceptions politiques sont autoritaires, certes tout en respectant l’aspect formel de la démocratie. Cela s’est constaté dans l’exercice des fonctions de juge qu’elle a exercées [Elle a également été secrétaire d’Etat à la Justice, entre 1993 et 1994, puis secrétaire d’Etat à l’Intérieur entre 1994 et 1996; entre 2008 et 2013 elle a exercé une fonction de premier plan au sein du Conseil général du pouvoir judiciaire]. Cette attitude ressort bien, actuellement, face à la Catalogne. Le centre de gravité de sa politique: le respect des lois en place, indépendamment de leurs origines historiques, En réalité, Margarita Robles est une personne de droite.
Gouverner avec le PSOE est un pari des plus dangereux. Cela se fera-il à plus ou moins long terme? Cela reste à voir. (Entretien fait en castillan, pour A l’Encontre, le 26 août 2017; d’autres entretiens seront publiés sur ce site; transcription et traduction A l’Encontre)
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