Par Spyros Lapatsioras, Yannis Milios
et Dimitris Sotiropoulos
Avec les nouvelles données négatives qu’implique l’accord du 20 février 2015 (avec l’UE), le gouvernement et SYRIZA ne disposent que d’un seul moyen pour se défaire de l’étau européen néolibéral: une offensive déterminée.
1. Introduction
Une évaluation de l’accord de «transition» [juin au plus tard, avec de plus des échéances de paiement de la dette en juillet et août] du 20 février montre qu’il s’agit d’une trêve conclue à l’initiative du gouvernement grec et son acceptation par l’autre côté (les «institutions», soit l’UE, le FMI et la BCE). Dans la période suivante, jusqu’à la fin du trimestre, on créera les conditions pour la négociation du prochain accord. D’un certain point de vue, cela signifie que rien n’est encore joué définitivement. Mais cette évaluation n’est pas certaine. Premièrement, l’accord «transitoire» lui-même modifie le rapport des forces. Deuxièmement, comme les «hostilités» se poursuivront tout au long du semestre – contrôle des engagements et réinterprétation des termes de chaque côté [voir à ce propos l’article du Financial Times du 2 mars 2015 qui cite longuement Jeoren Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe] –, il est d’abord nécessaire de comprendre le cadre des négociations.
2. Accord du 20 février. Une première étape sur un terrain glissant…
2.1. Les objectifs de la négociation
Le gouvernement grec s’est rendu à la réunion de l’Eurogroupe (ministres des Finances) du 12 février, c’est-à-dire à la première phase déterminante des négociations, en cherchant un accord sur un nouveau «programme de transition», indiquant expressément qu’il est impossible d’étendre le programme existant, qui a été rejeté par le peuple grec:
1° Le «programme de transition» ne serait pas assorti de conditions, d’évaluations, etc. Il serait une manifestation formelle de la volonté de toutes les parties de négocier sans pression et chantages et sans aucune action unilatérale.
2° Dans ce contexte, la Grèce renoncerait aux versements restants du précédent programme – en plus des 1,9 milliard que la BCE et les banques centrales des Etats membres doivent lui retourner, sommes issues des gains enregistrés par la détention des obligations grecques, programmes SMP (Security Markets Programme) et ANFA (Agreement on Net Financial Assets) – et elle aurait la possibilité d’émettre des bons du Trésor au-delà de la limite de 15 milliards pour couvrir les situations d’urgence.
3° A la fin de cette période transitoire, (a) la Grèce soumettra ses propositions finales, qui, selon le programme du gouvernement, comprendront un nouveau cadre pour l’exercice de sa stratégie financière pour les 3 à 4 années à venir ainsi qu’un nouveau plan national de réformes tout en (b) abordant la question des négociations sur la restructuration et l’allégement de la dette
Le gouvernement allemand et les «institutions» (UE, BCE, FMI) sont arrivés aux négociations avec une position: la Grèce devrait demander une extension «technique» du programme existant (mémorandums) de six mois (qui pour des fins de communication a été renommé «existing arrangement»), afin de permettre une évaluation positive de son application [1].
2.2. Le résultat d’une négociation
L’accord du 20 février comprend une prolongation de quatre mois (30 juin) du Master Financial Assistance Facility Agreement (MFFA) – qui dépend du Fonds européen de stabilité financière (FESF) – qui est basé sur une série d’engagements, de conditions à remplir.
L’extension de la Convention («qui est basée sur une série d’engagements») signifie: (a) des évaluations par les trois «institutions»; (b) des engagements ou conditions»; (c) la poursuite du financement sur la base du plan de versements du programme existant, sous réserve d’une évaluation positive; (d) le retour des bénéfices de la BCE et des Banques centrales nationales liés à la détention d’obligations grecques, mais encore une fois seulement en cas d’une évaluation positive par les «institutions» (vu l’«indépendance» de la BCE).
En bref, il s’agit d’un rejet-retrait des points 1° et 2° avec lesquels le gouvernement grec a engagé les négociations. Il convient également de noter ici qu’il n’y a aucune référence explicite concernant la couverture des besoins de financement (par exemple, qu’on permettra l’émission de bons du Trésor afin de pouvoir payer des salaires, les intérêts et les besoins urgents) jusqu’à l’accomplissement de l’évaluation – à moins que la référence à «l’indépendance BCE» ne sous-entende la «possibilité» de cette dernière d’examiner si le gouvernement grec se conforme aux «engagements» qui accompagnent l’extension de l’accord (ce qui complique sans aucun doute tous les efforts «d’interprétation» que le gouvernement a l’intention de faire concernant l’accord).
Simultanément, dans l’accord du 20 février, on peut lire la position suivante: «Les autorités grecques ont également promis de garantir les excédents budgétaires primaires nécessaires ou les revenus nécessaires pour assurer la viabilité de la dette, tel que défini par le communiqué de l’Eurogroupe du mois de novembre 2012.» Cela signifie que le gouvernement grec renonce à l’objectif de la négociation pour la restructuration-dévaluation de la dette et adopte le «plan de viabilité» basé sur «le paiement du principal de la dette» à travers des excédents primaires. Cela signifie le rejet-retrait aussi du volet (b) de l’article 3° par lequel le gouvernement grec s’est rendu aux négociations.
2.3. Ce que le gouvernement grec a remporté (à l’exception du changement de terminologie, sur laquelle il y a eu un grand débat)
1° La partie (a) de l’article 3° (du 2.1) de ses propositions, à savoir le droit de proposer lui-même, pour approbation par les «institutions» (autre formule pour la troïka) des réformes pour la consolidation budgétaire et la croissance. Ainsi les mesures décidées par le gouvernement précédent ont été rejetées (la réduction des allocations de retraite et l’augmentation de la TVA sur les îles) et il a été décidé d’insister sur la lutte contre l’évasion fiscale et la contrebande, la réforme du secteur public, la réforme du système fiscal etc.
2° La négociation sur le niveau de l’excédent primaire de 2015 (excédent budgétaire avant le paiement des intérêts). Au lieu de l’accord de 3% du PIB, le nouvel accord laisse la question ouverte pour la détermination d’un taux inférieur: «Les institutions, en ce qui concerne l’objectif pour l’excédent primaire de 2015, prendront en compte les conditions économiques de 2015» [2].
Il est donc clair que l’accord constitue une trêve et, dans ce cas-là, la trêve ne signifie pas «un match nul». L’accord est une première étape sur un terrain glissant. Bien qu’on ait du temps pour la prochaine étape, le paysage qui s’organise est toutefois suffocant, ne rappelant guère les «minimums» que le gouvernement recherchait jusqu’au 12 février.
3. Existe-t-il encore de la place pour la mise en cause du néolibéralisme?
3.1. La surveillance en tant qu’équilibre entre le risque «politique» et «moral»
La stratégie politique de SYRIZA et de la gauche européenne est le renversement du néolibéralisme, c’est-à-dire de la politique économique et sociale qui cherche à soumettre tous les processus sociaux (de l’éducation, la santé, à la sécurité sociale en passant par la dette publique) à une compétence judiciaire supérieure et au «rôle de réglementation» des marchés. La gauche européenne cherche ainsi à s’assurer cette liberté d’exercice de la politique qui lui permettra de réduire la puissance des marchés, en attirant l’attention sur les besoins sociaux.
Le néolibéralisme est un «programme» de renforcement continu des intérêts du capital contre les intérêts des travailleurs, des «professionnels» (médecins, etc.), des retraités, des jeunes, des petits et moyens entrepreneurs. Le néolibéralisme extrême, tel qu’il est exprimé, par exemple, par M. Schäuble (ministre des Finances de l’Allemagne), ne manque pas d’objectifs rationnels et de stratégie, malgré des facilités rhétoriques que l’affirmation du contraire offre à toute personne qui le dénonce. Le néolibéralisme tente de résoudre – et jusqu’à présent il le fait – rationnellement deux problèmes.
Premièrement, la légitimité d’un modèle de travail sans droits et sans protection sociale, avec des salaires bas et flexibles, sans possibilité de négociation substantielle de la part des travailleurs, de manière à créer des conditions favorables à la rentabilité et à l’accumulation de capital.
Deuxièmement, l’organisation de la zone euro (coordination des politiques budgétaires, unification bancaire, programmes de sauvetage, etc.) vers une Union économique et monétaire dans laquelle les Etats membres ne céderont pas à l’«aléa moral» consistant à soutenir de coûts sociaux (et d’autres) en ayant recours à l’emprunt public. Les Etats membres sont soumis au dilemme austérité–réductions des dépenses-privatisations ou risque de moratoire, aboutissant dans le dernier cas à l’acceptation d’un plan de sauvetage, dont le contenu est bien sûr la répétition de la trilogie: austérité–réduction des dépenses-privatisations.
Cette option en faveur des privatisations et des excédents primaires pour rembourser la dette ne s’oppose pas à des réformes telles que celles qui sont proposées par le gouvernement grec (et qui sont éventuellement nécessaires pour la société grecque), comme par exemple une meilleure organisation du système de collecte (impôts, taxes), la réorganisation du secteur public, l’affaiblissement général des oligopoles. On peut même accueillir de bonne grâce un nouveau personnel politique, lorsque l’on se rend compte que le cycle d’usure et le manque de légitimité populaire de l’ancien personnel politique s’accélèrent.
La préservation de l’ancien personnel, puisque celui-ci a été discrédité dans la conscience de la majorité sociale, est considérée par la stratégie néolibérale comme un «risque politique», car il peut conduire sur la voie incontrôlable d’une explosion sociale.
Cependant, le néolibéralisme considère parallèlement comme «aléa moral» toute politique qui prend en charge les intérêts de la classe ouvrière, qui élargit l’espace public, développe l’Etat-providence, définit la reproduction de la société au-delà et en dehors du champ d’action des marchés.
En d’autres termes, la vision du néolibéralisme est autant d’austérité nécessaire afin que le «risque politique» n’augmente pas tout en évitant, en même temps, «l’aléa moral».
D’une manière générale, les deux risques – «moral» et «politique» – sont inversement proportionnels, en raison des conséquences auxquelles ils sont liés selon la conjoncture. Lorsque la réduction du risque «moral» diminue, le risque «politique» augmente et vice versa. Par conséquent, la tension entre ces deux tendances se termine lorsqu’on obtient l’équilibre approprié entre «l’aléa moral» (lorsque les gouvernements succombent au «risque» pour accepter les intérêts des classes inférieures) et le «risque politique» (le délitement des élites politiques et l’apparition de phénomènes incontrôlés, telles des manifestations de masse). Les «autorités indépendantes» pas contrôlées de façon «démocratique», surtout sur les questions relatives à l’«économie», comme l’«indépendance» de la BCE, sont une méthode de maintien de l’équilibre entre les deux «risques». Cela, pourtant, n’est pas considéré comme suffisant.
Dans l’Union européenne (UE), le rôle clé réside, maintenant, dans «l’évaluation des accords». Quand on pense à l’accord du 20 février on verra qu’il n’est pas complètement fermé pour les exigences qui augmentent le «risque moral», qui favorisent des arrangements pour l’Etat-providence et le travail. Cependant, un point clé de l’accord est que les «institutions» évalueront quelles réformes ne posent pas de problèmes pour les finances publiques, les perspectives de croissance économique et la stabilité ainsi que dans le bon fonctionnement du système financier [3]. L’évaluation, c’est-à-dire la surveillance, constitue un obstacle important pour la mise en œuvre du programme et des transformations sociales poursuivis par SYRIZA.
Outre la question explicitement posée de la couverture des besoins de financement, une première image de l’évaluation continue – qu’imposent tant l’Accord que la relation avec la BCE comme source indirecte de financement – est visible tant la lettre de la BCE, ainsi que celle du FMI «interprètent les réformes» comme des mesures «équivalentes» à des engagements (conditions) énoncés dans le programme précédent. En particulier, le FMI ne renonce pas à la mise en œuvre de mesures visant à l’ouverture des professions, aux privatisations, à la libéralisation du marché du travail et à l’affaiblissement (encore) de la sécurité sociale. Eléments décrits dans le «Programme» (mémorandum) précédent. Il est à noter que la non-quantification des objectifs, le déficit non spécifié, l’absence de toute discussion explicite sur le calcul de l’écart financier, rend ouverte et sans cesse «interprétable» la question du calcul de l’efficacité des mesures «équivalentes» [4].
3.2. Où l’affaire a été jugée. Sur la tactique et la stratégie de la négociation
La question principale à propos de l’importance de l’accord du 20 février, en plus de stratégies qui s’entrelacent et se concentrent sur lui, est la possibilité (malgré des marges serrées) qu’il donne au gouvernement pour mettre en œuvre son programme. Mais on doit préalablement détecter les «difficultés» qui ont conduit le gouvernement au repli du 20 février.
L’accord du 20 février a été apparemment déterminé à la fois par des facteurs externes – le cadre néolibéral déjà connu des «institutions» – ainsi que par des facteurs internes, qui ont finalement joué le rôle décisif.
La mauvaise préparation du gouvernement et les tactiques contradictoires du ministère des Finances n’ont eu qu’une importance secondaire. Par exemple:
Premièrement. L’absence d’un plan sérieux, basé sur les chiffres et l’analyse. Même dans l’annexe publiée par le ministère des Finances comme résumé technique on constate le niveau superficiel. En outre, dans celui-ci on fait l’hypothèse cruciale que la viabilité de la dette est associée aux excédents primaires (position qui constitue une stratégie de recul significatif).
Deuxièmement. L’énonciation de certains principes généraux dans la proposition pour la dépréciation de la dette, faite à Londres [par Varoufakis, le 2 février]. Ici, il y a une erreur tactique. Sans rencontre avec la BCE on fait une suggestion – par un pays (Grande-Bretagne) de l’extérieur de la zone euro – qui implique un échange de la dette avec des «obligations perpétuelles». C’est une proposition visant à modifier les règles de la BCE qui pousse directement la BCE à refuser pour des raisons évidentes liées à la politique et aux équilibres au sein du Conseil. Cela s’ajoute aux attaques qu’elle reçoit déjà pour violation des «règles qui la régissent», par l’adoption d’une politique de «quantitative easing» (assouplissement monétaire s’effectuant par achat d’obligations). Il est également évident qu’on ne devrait pas impliquer la BCE directement dans un tel accord, mais la même chose pourrait être faite par d’autres moyens qui sont compatibles avec les équilibres courants. L’autre partie de la proposition, les prêts du FESF indexés au taux de croissance, est une proposition vague. Elle regarde évidemment la deuxième phase de la négociation.
Troisièmement. Il semble que le gouvernement a donné trop d’importance à la question de la gestion de la communication, par rapport à d’autres dimensions. Ce qui est un signe négatif pour l’intérieur et pour l’extérieur. Par exemple, l’incident avec Dijsselbloem (tension avec Varoufakis, le 30 janvier) a évidemment stimulé le «sentiment national», mais a également diminué le pouvoir de négociation puisque pendant tout le week-end le gouvernement essayait de rassurer les marchés qui ouvraient le lundi 2 février. Un fait qui signalait que le gouvernement n’a pas de tactique de négociation stable et régulière (et bien sûr, lors de la même séance, même pour les observateurs inexpérimentés, il était évident qu’il n’existait pas un groupe équilibré des membres du gouvernement lors de la négociation).
Il est facile de comprendre comment cette négociation mal organisée, malgré le temps consacré par ces protagonistes, avait les caractéristiques d’un saut dans le vide les yeux bandés. En outre, les différences et la mauvaise gestion ont montré aux partenaires que la partie grecque est susceptible de manipulation.
Mais, finalement, l’affaire n’a pas été décidée par des mouvements tactiques ou par l’étranger, mais à l’intérieur. Ce qui a déterminé le repli de la partie grecque était la décision stratégique politique de construire des relations stables, en termes de représentation sociale, avec les couches sociales qui considèrent comme impensable de troubler la «normalité» du marché. Et ceci lorsque nous savons tous l’importance et la nature du jeu. Le scénario d’un bankrun (fuite des capitaux) doit toujours être intégré (et donc être considérée au-delà des techniques d’intervention individuelles) dans le cadre social des rapports de forces. Dans le même temps, il est inconcevable d’adopter l’argument allégué qu’à la suite d’un «effondrement des banques» ce serait «une sortie de l’euro», un scénario de probabilité zéro. Il était tout simplement l’«argument» des gouvernements Papandreou-Papademos-Samaras afin que la société grecque accepte les mémorandums [5]. Il reste une «arme» des néolibéraux extrêmes du type Schäuble .
3.3. L’enjeu. Rien ne peut être changé, ou un autre monde est-il possible?
Tout ce qui a précédé nous amène à la conclusion, dans sa version la plus douce, qu’un accord a été conclu qui limite considérablement l’exercice de la politique sur les finances publiques, mais aussi dans d’autres domaines. Par conséquent, le plan économique sur lequel compte le gouvernement pour la négociation et l’évaluation de l’accord final est fort glissant.
Le fait que le gouvernement choisit d’afficher la retraite apparente et l’obligation de changer son programme comme une «victoire» est un mauvais signe pour la suite. En effet, il montre qu’il est plus intéressé à la communication qu’à l’essentiel. Cette perspective pourrait être une vraie défaite, si le signal transmis et reçu par la société renforce la conviction: «Ne croyez pas ce que disent les politiciens; ils exercent leur profession pour rester au gouvernement.»
Prenons le simple fait suivant. Ce gouvernement n’est pas venu au pouvoir en soutenant le 70% du mémorandum [affirmation de Varoufakis qui disait que 30% seulement n’était pas acceptable]. S’il l’avait fait, il ne pourrait même pas, aujourd’hui, l’expliquer devant la Parlement.
Tenter de réécrire son mandat pour inclure 70% du mémorandum vise à chercher à modifier des rapports de représentation et des alliances sociales qui le sous-tendent. Parce que apparemment 70% est en soi un indice en l’air (pourquoi pas 68% ou 72%? Par rapport aux pages, aux chapitres ou aux mesures?). Ce choix constitue un défi d’interprétation et une transformation des normes de représentativité du gouvernement.
La question qui se pose même pour le gouvernement est de savoir si prévaudra la logique communicative de «victoire» et en ignorant les questions cruciales qui ont émergé, ou si l’on tente d’analyser en profondeur le recul qu’expriment l’accord et les termes de cette régression; et cela tant que nous en avons encore le temps (très serré, puisque commence déjà la prochaine ronde de négociations).
Avec de nouvelles données négatives qu’implique l’accord du 20 février, le gouvernement et SYRIZA n’ont qu’un seul moyen de sortir de l’impasse de l’étau européen néolibéral: aller vers l’avant!
• Aller vers l’avant, en empruntant un véhicule: la vérité. Commencer par admettre les concessions afin de chercher des moyens pour éviter les dommages à long terme, c’est-à-dire que le gouvernement réintroduit dans l’agenda nos engagements programmatiques quant à la redistribution des revenus et du pouvoir en faveur des masses laborieuses, pour reconstruire l’Etat-providence, la démocratie et la participation.
• Aller vers l’avant avec comme véhicule aussi bien la réforme fiscale radicale pour que, finalement, le capital assume les charges qui lui incombent que l’assainissement de la vie publique. La mise hors jeu des pratiques illégales qu’exerce une partie de l’oligarchie grecque: la contrebande du pétrole et des produits du tabac, les transactions intra-groupe, l’évasion fiscale et les prêts abusifs, etc.
• Il est nécessaire alors de stimuler une nouvelle impétuosité au changement dans le pays, de manière à construire des nouvelles alliances avec les classes subalternes. Métaphoriquement, ce qui manque et qui semble malheureusement s’éloigner avec l’accord du 20 février est un mémorandum interne «sur la richesse», tout en améliorant les conditions de vie de la classe ouvrière. L’objectif: obliger l’oligarchie de payer n’a jamais été plus à propos.
• Dans une société où la perte de 25% du PIB et la paupérisation d’une large partie de la population ne sont que l’aspect visible de l’intensification rapide de l’inégalité sociale dans une société où le chômage massif va de pair avec des conditions de travail moyenâgeuses, dans une société de multiples contrastes et des attentes élevées, la «popularité» du gouvernement ne sera pas maintenue à 87% ou 80% pour longtemps.
Pour que la politique du gouvernement reste hégémonique, il devrait s’aligner sur les intérêts de la majorité du monde du travail pour contester la stratégie néolibérale. Il n’y a aucune marge pour une politique «nationale» qui défend de manière générale et vague tout ce qui est «grec» ou «européen», D’ailleurs cela n’a jamais existé, et n’existera jamais dans une orientation effective de la gauche. (Edition-traduction de A l’Encontre et d’Anna Christopoulou; texte publié sur le site jmilios.gr le 26 février 2015)
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[1] Et en ce moment, bien sûr, les décisions requièrent l’approbation des «institutions»: «Les autorités grecques se sont engagées à s’abstenir de mesures d’annulation et de modifications unilatérales des politiques et des réformes structurelles qui pourraient nuire à ses objectifs financiers, ou à la récupération et à la stabilité économique ou financière, comme elles sont évaluées par les institutions.»
[2] Mais ici, le diable se cache dans les détails: dans les formes que prendra la réorganisation.
[3] N’oublions pas, par exemple, que la croissance dans le programme actuel dépend des exportations et l’augmentation des salaires est censée réduire le degré de compétitivité de l’économie grecque et empêcher la croissance des exportations (vue erronée, comme il est actuellement prouvé par l’expérience, mais c’est l’opinion dominante des «institutions»). En outre, un autre exemple, le réglage des prêts «rouges» (abusifs) influe évidemment sur le système financier et c’est un programme conditionnel en tant que programme, mais aussi dans la mesure, le temps et les modalités d’application, si jamais il entrait en vigueur.
[4] Dans une lettre adressée en date du 24 février 2015 à Jeroen Dijsselbloem, Mario Draghi a déclaré: «Nous notons que les engagements énoncés par les autorités [grecques] diffèrent des obligations existantes du plan dans certains domaines. Dans de tels cas, il devrait être évalué, lors de l’examen, si les mesures qui ne sont pas acceptées par les autorités seront remplacées par des mesures de qualité égale ou supérieure dans la réalisation des objectifs du programme.»
[5] Le «Grexit» (sortie de l’euro) est employé comme une raison suffisante de compromis, par exemple, par James Galbraith: «Aucun accord aurait signifié des contrôles de capitaux, ou les faillites bancaires, moratoire de la dette, et sortie anticipée de l’euro»): «Reading The Greek Deal Correctly», http: //www.socialeurope.eu/2015/02/greek-deal
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Spyros Lapatsioras, professeur d’économie à l’Université de Crête; Yannis Milios, professeur dans diverses universités allemandes et à l’Université nationale technique d’Athènes; Dimitris Sotiropoulos, professeur à l’Université d’Athènes.
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