France. Le 12 septembre poser un rapport de force, le 21 septembre une jonction possible entre salarié·e·s et étudiant·e·s

Par rédaction A l’Encontre

La CGT et l’Union syndicale Solidaires ont annoncé qu’ils poursuivraient la journée de grève et d’action du mardi 12 septembre, le 21 septembre.

Se sont ralliées à la mobilisation du 12 septembre 50 unions départementales de Force ouvrière – dont le secrétaire général est Jean-Claude Mailly. La responsable de l’Union départementale du Finistère, Nadine Hourmand, répond de la sorte au secrétaire général: «On n’est pas des grognons, on n’est pas des grognons râleurs, contrairement à ce que dit Mailly, mais des militants syndicalistes.» (Le Parisien, 10 septembre 2017)

Les très nombreuses sections de la FSU (Fédération syndicale unitaire), structure majoritaire parmi les enseignants, participeront aussi à la journée du 12 septembre qui doit construire un rapport de force pour exprimer une première riposte à la politique antisociale de Macron.

Dès fin août, dans une lettre ouverture intitulée «Si nous voulons gagner, il va falloir lutter ensemble», lettre adressée aux salarié·e·s, aux organisations et équipes syndicales, l’Union syndicale Solidaires précisait ses lignes de force de son orientation:

«Si nous voulons nous fixer des objectifs au-delà d’une journée d’action, alors il faut en discuter et s’en donner les moyens. Nous ne sommes pas «rien» comme Macron le pense au sujet de celles et ceux qui, dans les gares, n’ont pas les signes extérieurs de richesse qu’il affectionne: au contraire, nous pouvons être tout parce que c’est nous qui produisons les richesses, qui faisons vivre les services apportés à l’ensemble de la société.

Nous pouvons faire reculer le gouvernement: de nombreuses actions militantes vont se dérouler pendant l’été, jusqu’à l’université du Medef le 30 août à Jouy-en-Josas où nous appelons à nous rassembler.

Mais c’est bien le 12 septembre qui sera notre test grandeur nature: à Solidaires nous faisons le pari que la mobilisation et l’unité seront au rendez-vous. Nous faisons le pari qu’un mouvement social fort peut naître. Il ne pourra emporter la victoire que si les équipes travaillent de façon unitaire, que si la grève est puissante et généralisée, bloquant l’économie et imposant au gouvernement et au Medef de capituler. Nous y contribuerons activement et de toutes nos forces.»

Il y avait là les éléments non seulement pour le 12, mais pour le 21 septembre. Il est utile d’avoir à l’esprit que cette date se situe à la veille de la présentation des ordonnances au Conseil des ministres. En outre, le 21 septembre, de nombreuses universités seront ouvertes. Dès lors, la possibilité d’une mobilisation étudiante existe, et les raisons d’une participation des étudiant·e·s à la journée du 21 septembre sont nombreuses: sélection en licence, réforme du baccalauréat, loi qui précarise les déjà plus précaires, dont une partie sont des étudiants travailleurs, et baisse des Aides personnalisées au logement (APL).

Dans un article publié dans L’Humanité, daté du 11 septembre, on peut lire, sous la plume de Sylvie Ducatteau et de Clotilde Mathieu: «L’unité syndicale n’est pas au rendez-vous [défection de la CFDT et de FO, malgré les Unions départementales qui ne suivent pas Mailly], mais la volonté d’agir est forte. «Nous n’avons pas besoin de disserter trois heures pour faire comprendre la cohérence et la globalité des ordonnances. Dans notre secteur, le commerce, nous sommes dans la continuité des lois Macron, Rebsamen (ex-Ministre du travail de Hollande], El Khomri et de nouveau Macron», estime Rémy Frey, délégué syndical CGT de la librairie Gibert Joseph à Paris. Personne ne sera épargné. «Salariés du public, du privé, des grandes ou petites entreprises, précaires ou non risquent de subir les quasi-pleins pouvoirs que le nouveau Code du travail va conférer aux patrons», poursuit-il. Les libraires du boulevard Saint-Michel à Paris se sont retrouvés en fin de semaine pour préparer leur participation à la journée de mobilisation.

• A quelques encablures de là, à Bobigny, mêmes préparatifs alors que s’achève une assemblée générale des militants CGT de la Seine-Saint-Denis. Ici, près de 13% de la population est sans travail. Ce chiffre monte à 18% pour les jeunes. Personne ne croit une seule seconde que les ordonnances d’Emmanuel Macron seront un remède. «Un salarié m’a expliqué qu’il n’était pas payé depuis deux mois. Quand je lui ai dit qu’il devait se défendre, qu’il avait des droits, il m’a rétorqué être déjà très heureux d’avoir un emploi. La précarité rend difficile la mobilisation.» Ce syndicaliste n’est pas le seul à constater que la peur du chômage, celle de ne pas pouvoir payer son loyer ou la traite du crédit freinent les envies de révolte. Et rend parfois difficile le dialogue.

Mais, d’autres constatent au contraire des échanges plus faciles, ces derniers jours. «Macron ne dispose pas d’un pouvoir fort. Si l’on déduit les abstentionnistes, seuls 13% des électeurs ont voté pour lui. Quant aux législatives, ici, en Seine-Saint-Denis, dans certains quartiers, 70% des habitants se sont abstenus », explique Philippe Julien, un ancien de chez PSA. «Que faire? s’interroge-t-il. Allons-nous attendre cinq ans, la prochaine élection présidentielle, pour réagir?»

• A 600 kilomètres de là, en Loire-Altantique, les militants de la CGT sont également sur le pied de guerre. Ils ciblent les dangers que portent les ordonnances en allant au plus près du quotidien des salariés, dans les entreprises: assemblée générale, distribution de tracts… les initiatives se multiplient. Spontanément, eux aussi évoquent des salariés à l’écoute et en colère. «Ils sont attentifs et demandeurs d’informations, les tracts sont lus et certains viennent même jusqu’à notre voiture pour discuter sur le parking. L’accueil est bien meilleur que lors des mobilisations contre la loi El Khomri», confie Claude Gaudin, délégué syndical CGT de la fonderie Bouhyer, une PME de 180 salariés à Ancenis. Ici, «ça cogite» sur la disparition du CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail). «Dans les fonderies, beaucoup d’ouvriers sont cassés à 40 ans et peu passent leur 80e anniversaire. Ce sont nos conditions de travail et notre sécurité qui sont en jeu», insiste le syndicaliste. Chez le sous-traitant du géant de l’aéronautique Stelia, la température sociale est tout aussi forte. «L’état d’esprit a changé, les échanges ne sont pas les mêmes et les salariés nous interpellent, nous félicitent», se réjouit Karl Mahé.

• Autre signe de ce mécontentement, la toute première grève chez Eritel à Anetz, spécialisée dans la pose de câbles en cuivre et fibre optique. Ces salariés «nomades», qui vont de chantier en chantier, ont établi un cahier revendicatif de 37 points, parmi lesquels une prime d’ancienneté, l’embauche de cinquante intérimaires en CDI que la direction a accordées au bout de trois jours d’arrêt de travail. «Il fallait voir leur détermination. Ils touchent des petits salaires et beaucoup sont précaires, mais ils étaient prêts à cesser le travail jusqu’à l’obtention de leurs revendications», raconte Claude Gaudin.

Une histoire identique à La Courneuve, où l’été a été chaud chez l’électricien Enedis. En pleine période de congés, les techniciens d’affaires ont refusé de travailler en sous-effectifs sans matériel et ont exigé des augmentations de salaires. Des salariés qui relèvent la tête. C’est également le constat dressé par Laurence Danet, déléguée du personnel CGT Airbus Nantes. «“La sinistrose”, “on attend de voir”, c’étaient des choses qu’on entendait avant. Les salariés ont compris quel modèle de société Emmanuel Macron est en train de nous dessiner, y compris chez les cadres qui ont voté pour lui», explique-t-elle.

 • «C’est un rouleau compresseur!» Caroline Tacchella, élue CGT des services centraux de la SNCF, ne croyait pas si bien dire. Au moment où elle portait ce jugement, elle n’avait pas encore connaissance de la prochaine réforme d’Emmanuel Macron, celle portant sur le régime de retraite des cheminots. «La réforme du Code du travail n’est pas un projet comme un autre. C’est un projet de société. Notre pays a connu des périodes où il n’y avait ni droit du travail, ni syndicats.»

• A Paris comme en Bretagne, aucun syndicaliste ne souhaite faire de paris quant à la participation à la mobilisation du 12 septembre. «Rien ne nous indique aujourd’hui que la colère exprimée va conduire les salariés à battre le pavé. La grève par procuration est malheureusement très répandue», affirme Claude Gaudin, le métallurgiste breton. Rémi Frey, le libraire parisien, se réjouit: «Des collègues de nos entrepôts m’ont appelé pour me demander comment organiser la grève. C’est une première.»

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