Suisse. «Après le 25 septembre, la colère…»

Mobilisation à Berne le 26 septembre, un jour après…

Par Michela Bovolenta

AVS 21 a divisé le pays. La contre-réforme n’est passée que pour une poignée de voix: 31 852, soit une majorité de 50,55%. Les cantons romands et le Tessin, 63% des femmes, la majorité des 35-64 ans, la plupart des salarié-e-s gagnant moins de 7000 francs par mois ont refusé la réforme[1]. C’est une majorité d’hommes, de retraités et de personnes aisées qui ont réussi de justesse, mais néanmoins réussi, à nous imposer une augmentation de l’âge de la retraite. Celle-ci coûtera cher aux femmes, mais aussi à l’ensemble des salarié·e·s. Aujourd’hui, c’est la colère qui prévaut.

La colère de constater que la droite a réussi à nous imposer un grave recul social, dont la facture sera payée par les travailleuses des métiers essentiels: infirmières, nettoyeuses, aides-soignantes, ouvrières, enseignantes, caissières, travailleuses sociales… Alors que la pénibilité du travail a pris l’ascenseur ces dernières années, les salariées devront trimer une année de plus. Souvent, pour des salaires de misère. «Insensible» à cette réalité, la droite jubile:  «Le camp rouge-vert a perdu son aura d’invincibilité» sur les retraites, se réjouit la Neue Zürcher Zeitung (NZZ), le quotidien de la place financière zurichoise[2].

Pour emporter ce scrutin serré, le camp bourgeois a pu compter sur un matraquage médiatique en faveur du oui, spécialement épais en Suisse alémanique. Autre soutien de poids: celui du conseiller fédéral Alain Berset, «qui n’a pas traîné les pieds pour défendre le oui»[3]. Le ministre «socialiste» a répandu avec foi la farce selon laquelle le pays comptant la plus grande densité de millionnaires au monde n’aurait pas les ressources pour financer l’AVS. Et il n’a pas hésité à faire peur aux retraité·e·s en laissant entendre que, en cas de non, les rentes pourraient baisser.

La campagne a été rude. Notre camp a été accusé de mensonge, notamment lorsque nous avons expliqué qu’AVS 21 ouvrait la porte aux 67 ans pour tout le monde. Or dès l’annonce des résultats, Monika Rühl, directrice de la faîtière patronale economiesuisse, a défendu l’idée d’une retraite à 66 ans! Une revendication reprise par Thierry Burkart, le président du Parti libéral-radical. De son côté, la NZZ évoquait la possibilité de faire travailler jusqu’à 70 ans les personnes ayant conclu des études supérieures. Il se passe ce que nous avions annoncé:  AVS 21 n’est qu’une étape. Les attaques sur nos retraites vont continuer.

Ce oui des bouts des lèvres, nous aurions voulu, et peut-être pu, l’éviter. Car le «Röstigraben» entre Alémanique et Romands reflète un contexte social et politique certes plus marqué à droite outre-Sarine, mais aussi un engagement moindre de la part des syndicats et de la gauche suisses alémaniques, qui ont parfois donné l’impression de faire campagne à reculons.

Dans l’immédiat, la colère des femmes est la même partout: le lendemain du vote, plusieurs centaines d’entre elles ont protesté à Berne et appelé à la grève féministe le 14 juin 2023. Samedi 1er octobre, les Romand·e·s se retrouveront à Lausanne pour une manifestation lancée par la Grève féministe.

Avec ce vote, la droite et le patronat ont voulu nous réduire au silence suite à l’immense succès du 14 juin 2019 [grève des femmes]. Peine perdue: notre colère n’en est que plus grande, notre envie de nous mobiliser que plus forte. On ne lâche rien! (Cet éditorial paraît dans le bimensuel du SSP Services publics)

Michela Bovolenta, secrétaire nationale SSP

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[1] 24 heures, 25 septembre 2022

[2] NZZ, 26 septembre 2022.

[3] 24 heures, 26 septembre.

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