Syrie-dossier. «Bachar al-Assad, le boucher en majesté»

Par Hala Kodmani 

Depuis qu’il a réimposé son pouvoir incontesté, le dictateur syrien voit son statut de paria international remis en cause par la Turquie, la Jordanie, les Emirats arabes unis, voire certains pays européens. Une impasse dénoncée par Paris et Washington. [Voir ci-dessous la lettre ouverte des Femmes syriennes pour la démocratie envoyée au conseiller fédéral de Suisse Ignazio Cassis, responsable du Département des affaires étrangères.]

L’agenda 2023 de Bachar al-Assad pourrait bientôt être garni de rendez-vous diplomatiques comme il n’en a plus connu depuis des années. Et pas seulement avec les visites régulières à Damas de responsables iraniens ou russes, les deux fidèles parrains, sauveurs de son régime. Le statut de paria international du dictateur syrien est remis en cause çà et là, depuis qu’il a réimposé son pouvoir incontesté à la tête du pays, apparaissant comme le vainqueur de facto des années de guerre meurtrière contre son peuple révolté.

Paradoxalement, la question de la réhabilitation du maître de Damas redevient d’actualité grâce à l’un de ses ennemis les plus acharnés depuis 2011, la Turquie de Recep Tayyip Erdogan. «La rancune et le ressentiment n’existent pas en politique», affirmait cet été le président turc, interrogé sur une éventuelle rencontre avec celui qu’il a longtemps traité de «meurtrier» et «criminel». En attendant la tenue hypothétique d’un tel sommet, un processus de normalisation entre Ankara et Damas a d’ores et déjà été entamé sous l’égide de la Russie, concrétisé par une première rencontre fin décembre des ministres de la Défense des deux pays avec leur homologue russe, à Moscou. Il devait être suivi d’une réunion tripartite entre ministres des Affaires étrangères, annoncée pour la mi-janvier mais finalement reportée d’un mois.

En Turquie, la surenchère électorale sur le retour des Syriens

Le replâtrage semble laborieux entre les deux adversaires d’hier, qui ne montrent pas d’enthousiasme débordant pour leurs retrouvailles. Et si Erdogan et Al-Assad finissent par se serrer la main, ils le feront sans doute en se bouchant le nez. L’un et l’autre ont en effet émis publiquement des réserves sur ce rapprochement de circonstance, encouragé par un intérêt électoraliste en Turquie et les pressions des parrains russe et iranien de Damas. A l’initiative de ce rabibochage, le président turc, qui a demandé la médiation de Moscou, a l’œil rivé sur l’échéance périlleuse qu’il vient de fixer au 14 mai: un double scrutin législatif et présidentiel, lors duquel il briguera un troisième mandat. Or, Erdogan fait face à une opposition politique et populaire très remontée contre sa politique syrienne. La présence de plus de 3,5 millions de réfugiés syriens en Turquie suscite une hostilité majoritaire au sein de la population turque, confrontée à une crise économique aiguë.

«L’opposition à Erdogan a construit toute sa campagne sur le renvoi des Syriens chez eux, présenté comme la clé pour résoudre tous les problèmes de la Turquie», note Solène Poyraz, chercheuse franco-turque affiliée à l’Institut d’études anatoliennes d’Istanbul et enseignante à l’université Galatasaray. «Faire partir en deux ans l’ensemble des Syriens, y compris ceux qui ont été naturalisés turcs, est la première des cinq priorités du programme de la coalition antigouvernementale menée par le parti nationaliste CHP», précise l’experte. La polarisation du débat sur cette question a poussé l’AKP, le parti du président turc, à la surenchère sur le retour des Syriens. Le rétablissement des relations avec Damas servirait cet objectif. «De toute façon, on a du mal à suivre en Turquie les retournements de politique étrangère, résume Solène Poyraz. Les Turcs ne savent plus quels sont leurs ennemis ou leurs alliés. Et cela change tours les jours.»

Du côté syrien, les désirs d’ouverture d’Ankara sont accueillis pour le moins avec réticence. Et ce malgré les encouragements insistants de Moscou et Téhéran, qui espèrent au passage attirer la Turquie dans le camp anti-occidental, en pleine guerre d’Ukraine et soulèvement populaire en Iran. Mais Bachar al-Assad ne tient pas à contribuer au succès électoral d’Erdogan, ni à faciliter le retour des réfugiés dans le pays. Il a déclaré que les réunions syro-turques en cours devraient d’abord aboutir à «la fin de l’occupation» turque du territoire syrien et du soutien d’Ankara aux groupes d’opposition. Des demandes non rejetées par les Turcs. Ils occupent directement le nord-ouest syrien ou soutiennent les groupes armés islamistes dans cette région qui échappe au contrôle de Damas. Sauf que le régime syrien n’a ni la volonté ni surtout les moyens militaires de reprendre cette zone rebelle dont les habitants et les combattants ont manifesté leur rejet d’une entente syro-turque. «Le feuilleton du rapprochement Erdogan-Assad pourrait ainsi durer jusqu’aux élections du 14 mai en Turquie», commente Solène Poyraz.

Les Emirats arabes unis et la Jordanie aux prises avec la corruption et les trafics

Avant la Turquie, les pays de la région qui ont renoué avec le régime syrien ne peuvent se vanter des résultats de leur politique. Premier pays arabe à rouvrir son ambassade à Damas dès la fin de l’année 2018, les Emirats arabes unis (EAU), fidèles à leur ligne affirmée de soutien aux dictateurs écrasant leur peuple, s’activent pour le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe et sur la scène internationale. Ils n’avaient d’ailleurs jamais vraiment rompu les liens avec la Syrie, accueillant notamment les proches du régime et leurs fonds douteux à Dubaï. En mars 2022, Bachar al-Assad s’est rendu en visite officielle à Abou Dhabi, pour sa première sortie dans un pays arabe depuis le début en 2011 du conflit qui a ravagé son pays. Toutefois, malgré leurs capacités financières imposantes, les EAU ne se pressent pas pour investir dans la reconstruction de la Syrie et dans son économie vampirisée par la corruption du clan au pouvoir.

Quant à la Jordanie voisine, qui a officiellement rétabli ses relations diplomatiques avec Damas il y a plus d’un an, elle s’est trouvée face à un problème inattendu: la réouverture du poste-frontière entre les deux pays a ouvert un boulevard au trafic de stupéfiants. En effet, le point de passage jordanien a facilité l’acheminement du Captagon fabriqué en Syrie vers le marché des pays du Golfe, avec pour résultat une chasse quotidienne aux trafiquants et des fusillades qui ont coûté la vie à plusieurs gardes-frontières jordaniens.

Les Européens divisés

Malgré tout, la tentation de renouer avec le régime syrien continue d’être caressée, y compris par certains pays européens, tantôt au nom de la population syrienne, tantôt en vue de se placer sur les marchés de la reconstruction du pays. La France reste toutefois parmi les plus réfractaires à tout rapprochement avec Damas. «Après avoir détruit son pays, le régime syrien continue de détourner l’aide internationale à sa population tandis qu’il est devenu un narco-Etat», rappelle-t-on au Quai d’Orsay. Une fermeté encore plus affirmée du côté de Washington, qui a d’ailleurs critiqué les ouvertures de la Turquie en direction de Bachar al-Assad. «Les pays qui envisagent un rapprochement doivent penser à ce que le régime Al-Assad a fait pour mériter une telle opportunité», a déclaré mercredi Richard Mills, l’ambassadeur adjoint des Etats-Unis à l’ONU, lors d’une réunion du Conseil de sécurité sur la Syrie. Il a rappelé que «le régime continue de se comporter comme il l’a toujours fait».

Toutes les gesticulations diplomatiques viennent, paradoxalement, souligner davantage l’impasse syrienne, toujours incarnée par Bachar al-Assad. Car tant les pays qui poussent vers une normalisation avec le dictateur syrien que ceux qui refusent sa réhabilitation manquent d’arguments pour justifier leur politique. Ni les uns ni les autres ne peuvent en tout cas convaincre les Syriens, dépossédés de leur sort, qu’ils cherchent à les sauver. (Libération, 2 février 2023)

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A Damas, «assurer notre pain quotidien est devenu une épreuve et une humiliation»

Par Hala Kodmani

Les pénuries de carburant et de fioul et des hausses de prix devenues vertigineuses posent des difficultés quotidiennes majeures aux habitants de la capitale syrienne depuis le début de l’hiver, tandis que les proches du clan Al-Assad mènent grand train.

Rana [1] a le cœur serré et la larme à l’œil tous les matins, de devoir réveiller ses trois enfants avant 6 heures pour aller à l’école primaire. «Les sortir du lit dans le noir et le froid est un vrai supplice pour eux comme pour moi», soupire la mère de famille. Il fait encore nuit dehors. La maison n’est pas éclairée, puisque l’électricité est coupée. Et avec le peu de mazout restant, la trentenaire n’allume le poêle que deux heures en soirée, quand la température tombe jusqu’à 3°C en cette saison. «Je suis bien obligée de les lever plus tôt, le temps qu’ils se débarbouillent à l’eau froide, mettent les trois couches de vêtements nécessaires pour tenir le coup dans les classes non chauffées et boire un thé au lait.» Tout cela à la lueur d’une lampe de poche, avant de faire le trajet d’une demi-heure à pied, faute de transport scolaire pour arriver à l’école pour 8 heures.

La pénible routine de la jeune mère de famille du quartier modeste de Barzeh, dans le nord de Damas, concentre les difficultés quotidiennes de la plupart des habitants de la capitale syrienne depuis le début de l’hiver. Les conséquences des coupures d’électricité jusqu’à vingt-deux heures par jour, des pénuries de carburant et de fioul frôlant la rupture totale et des hausses de prix devenues vertigineuses ces dernières semaines, bouleversent toutes les activités dans le pays et éreintent la vie des gens. Des usines sont à l’arrêt, des universités ont annulé des trimestres entiers de cours, des magasins ne sont plus approvisionnés en denrées essentielles provenant de zones situées à seulement quelques dizaines de kilomètres.

«Assurer notre pain quotidien est devenu une épreuve et une humiliation», se désole Abou Firas, qui fait la queue depuis plus d’une heure devant sa boulangerie habituelle. «Hier déjà, j’ai dû attendre deux heures et subir les bousculades et les disputes pour le tour dans la file avant qu’on nous annonce finalement un arrêt de la vente parce que le four électrique n’était plus alimenté», raconte le quinquagénaire, chef d’une famille de six personnes. Le nombre de Syriens souffrant de «la faim a atteint un niveau inégalé après douze ans de guerre civile», a indiqué vendredi le Programme alimentaire mondial (PAM) de l’ONU. «Douze millions de personnes ne savent pas comment elles se procureront leur prochain repas», a ajouté le PAM.

«Culture du graissage de pattes»

«Auparavant, l’essence était très chère mais disponible, aujourd’hui il n’y en a plus du tout, même si on a les moyens de payer», observe le propriétaire d’un supermarché en rupture de stock, qui a déjà répercuté la hausse du prix du carburant sur les produits qu’il vend. Le trajet en minibus coûte 10 000 livres syriennes (environ 1,50 euro) par voyageur, soit 10% du salaire moyen, obligeant les habitants à se rendre au travail ou à leurs rendez-vous à pied. Principal fournisseur de la Syrie en hydrocarbures, l’Iran, grand allié de Damas, a interrompu ou réduit ses livraisons. «On ne comprend pas vraiment pourquoi», soupire Mounir, universitaire à la retraite. «Ce pourrait être pour exiger le remboursement partiel de dettes accumulées depuis des années. Ou alors pour exercer une pression politique sur le pouvoir. Ou les deux», suppose le sexagénaire.

La rupture des sources d’énergie est en tout cas symptomatique de l’état de délabrement de la gouvernance du pays. Elle paralyse la capitale d’un régime syrien sorti «gagnant» de douze ans de guerre civile. Des affiches géantes de Bachar al-Assad à tous les coins de rue saluent d’ailleurs le «héros», lui jurant «fidélité». Car malgré l’effondrement économique du pays, le régime parvient à entretenir les forces et le système qui le protègent grâce aux ressources du trafic de drogue et par une corruption généralisée.

«Une véritable culture du graissage de pattes est désormais installée dans l’administration et dans tous les services publics ou privés», affirme Lama, enseignante. Ce n’est pas nouveau certes, mais c’est fait maintenant de façon systématique et flagrante. «Pour la moindre formalité dans un ministère ou une mairie, on glisse un petit billet de 2000 livres [0,30 centime d’euro] au fonctionnaire, qui le met automatiquement dans son tiroir ouvert, dédié, raconte la quadragénaire. Tout le monde considère cela normal. Et il y a une sorte de consensus, comme si l’Etat comptait sur les citoyens pour améliorer le sort de ses fonctionnaires aux salaires de misère.»

Gros requins de la corruption

A la petite corruption au quotidien s’ajoutent toutes sortes de pots-de-vin, détournements, droits de passage ou rackets pratiqués du plus bas au plus haut niveau de l’Etat et de la société. Les différents services de sécurité sont particulièrement rompus aux méthodes les plus perverses. Cela commence par les hommes qui tiennent les derniers check-points à l’intérieur de Damas et prélèvent en nature ou espèces leur part sur les marchandises ou les simples achats transportés dans les voitures. Quant aux forces de répression ou aux gardiens de prison, ils saignent les familles des détenus en leur soutirant régulièrement des sommes importantes pour leur donner des nouvelles de leurs fils, leur faire parvenir de la nourriture ou des effets personnels, et même leur épargner des séances de torture.

Mais les plus gros requins de la corruption gravitent dans les cercles proches du clan Al-Assad. Seigneurs de guerre ou nouveaux hommes de paille, ils ont accumulé des fortunes dans les trafics, contrebande, détournements de l’aide internationale ou commissions pour des contrats de l’Etat. A Damas, l’étalage de richesses de cette classe hors catégorie est manifeste dans les soirées festives et mariages dignes de la jet-set internationale, organisés dans les hôtels quatre étoiles de la capitale dont les photos sont postées sans pudeur sur Instagram. Les cafés branchés et restaurants luxueux pratiquant des prix de niveau européen sont éclairés en permanence. Car la fourniture d’électricité publique varie selon les quartiers. Les plus cossus, comme Mazzeh ou Abou Roummaneh, sont alimentés jusqu’à huit heures par jour tandis que des générateurs privés prennent le relais dans les restaurants et centres commerciaux.

«Tous les Damascènes ne sont pas logés à la même enseigne. Loin de là !» observe Lama. Des inégalités criantes séparent une minorité aisée de la majorité paupérisée de la population. Parmi les plus aisés, de nombreux expatriés dans les pays du Golfe ont gardé un pied et une partie de la famille à Damas. Eux aussi ont les moyens de se procurer tout ce dont les autres sont privés: essence, électricité, produits importés. «Avec l’argent, tout peut s’arranger», conclut l’enseignante damascène. (Libération, 3 février 2023)

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[1] Par sécurité, tous les prénoms ont été modifiés.

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Lettre ouverte des Femmes Syriennes pour la démocratie adressée à Ignazio Cassis

Concerne: Action humanitaire de la Suisse en faveur du peuple syrien au sein du Conseil de Sécurité. La vérité sur l’attaque chimique de 2018 à Douma.

Monsieur le Conseiller fédéral, chef du DFAE,

Nous vous demandons d’œuvrer pour que la question de l’aide humanitaire et des passages d’acheminement vers la Syrie soient confiés à l’Assemblée Générale de l’ONU, loin du Conseil de Sécurité et de ses droits de veto pour donner à l’Assemblée Générale les moyens indispensables pour acheminer l’aide humanitaire.

Nous avons suivi avec beaucoup d’intérêt le début des actions de la Suisse en tant que membre élu au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Comme vous pouvez l’imaginer, les Syrien.nes concerné.es par le sort des quatre millions de personnes piégées dans le nord-ouest du pays attendaient avec anxiété l’issue de la prolongation de la résolution relative à l’acheminement transfrontalier de l’aide humanitaire via le seul passage encore ouvert de Bab el-Haoua. Nous avons donc été soulagé.es d’apprendre que la résolution 2672 a été votée à l’unanimité le 9 janvier 2023. Toutefois, comment attendre avec sérénité le prochain vote de juillet 2023? Nous craignons en effet que le dernier des quatre passages [1], octroyés en 2014, ne soit à son tour fermé et que les quatre millions de personnes piégées dans la région d’Idlib ne soient abandonné.es comme l’ont été les déplacé.es du camp Rukban [2], dans le sud du pays, suite à la fermeture du passage Ramtha en janvier 2020, sous la pression de la Russie.

Est-il normal que la survie de ces quatre millions de personnes, dont la moitié sont des enfants, ne dépende que des décisions des membres les plus puissants du Conseil de Sécurité qui possèdent un droit de veto sur leurs vies?

Dans tous les conflits armés le droit international coutumier reconnaît le droit de tous les civils à toute l’aide nécessaire à leur survie, pourquoi alors laisser les civils Syriens à la merci d’un veto russe qui décide de leur survie, désormais deux fois par an [3]? Cette situation est insupportable pour tou.tes les Syrien.nes concerné.es par la catastrophe humanitaire en Syrie. Nos parents sont là-bas, et nous vivons tous dans la crainte d’un veto russe qui mettrait fin à l’acheminement de l’aide humanitaire pour quatre millions de nos compatriotes.

«Ce livre redonne une voix à celles et ceux que la dictature de Hafez puis Bachar al-Assad s’est employée, et s’emploie toujours, à faire taire en Syrie et ailleurs.»

Il nous semble important de rappeler ici que la majorité de ces personnes, qui viennent de toutes les régions de Syrie, ont déjà subi plusieurs déplacements forcés pour fuir les sièges, les famines provoquées, les bombardements, les arrestations, la torture et les disparitions forcées avant de se retrouver pris en piège dans ces camps. Iels ont été forcé.es de quitter leurs maisons, leurs villes et villages parce qu’un jour iels ont trouvé le courage d’oser le rêve d’une future Syrie démocratique qui protège ses citoyens et garantit leurs droits, quelles que soient leurs appartenances ethniques ou religieuses. Ce rêve d’un Etat de droit en Syrie leur a valu une répression sanglante d’un régime tyrannique secondé par les milices shiites libanaise, irakienne et surtout iranienne, soutenues par l’aviation russe qui a détruit l’essentiel des infrastructures. Et vous n’êtes pas sans savoir que les Syrien.nes font face aujourd’hui au COVID, mais aussi au Choléra, maladies qui se propagent d’autant plus vite qu’il y a absence de vaccins et d’eau potable.

Cette catastrophe syrienne perdure depuis plus de 11 ans dans le silence le plus assourdissant de la communauté internationale, qui prend sa complexité pour excuse!

L’OIAC de l’ONU vient de publier son 3e rapport [4] qui rend le régime Assad responsable de l’attaque chimique de 2018 sur Douma. Dans son communiqué du 27.01.2023 [5], le Directeur général de l’OIAC, Fernando Arias dit «Le monde connaît désormais les faits – il appartient à la communauté internationale d’agir, à l’OIAC et au-delà». La communauté internationale va-t-elle prendre les mesures nécessaires pour empêcher d’autres attaques chimiques, qui pourraient cette fois cibler la population dans le nord-ouest de la Syrie, dont beaucoup sont des survivants des attaques chimiques à Douma (2018), à Khan Cheikhoun (2017) et à al-Ghouta (2013)?

Monsieur le Conseiller fédéral, dans votre discours du 12 janvier 2023 au Conseil de Sécurité à New York vous avez mentionné le passage suivant:

Notre Constitution suisse dit que «La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres». L’état de droit nous protège toutes et tous, que nous soyons un Etat petit ou grand, un individu fort ou faible.

Pourtant il est évident qu’au sein de la communauté internationale les membres les plus puissants écrasent les plus faibles, et même les populations déracinées et dans le besoin, en particulier en usant abusivement du droit de veto, directement ou comme moyen de chantage, au sein du Conseil de Sécurité!

Aujourd’hui, nous demandons à la Suisse une action concrète et rapide pour rendre à l’aide humanitaire son humanité et pour empêcher que le droit international ne soit davantage bafoué en Syrie. Une action qui mette fin aux blocages politiques de l’aide humanitaire par les membres les plus puissants du Conseil de Sécurité!

En vous remerciant d’avance pour l’attention que vous porterez à cette lettre, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Conseiller fédéral, nos salutations distinguées. (02.02.2023)

Co-signataires:

Les organisations: UOSSM, Union des Organisations de Soins et Secours Médicaux, Syrian Network for Human Rights, Syrian Center for Legal Studies and Research, Revivre, association d’aide aux réfugiés syriens et aux détenus d’opinion en Syrie, Free Bar Association in Syrian Arab Republic, The Syrian Detainees Council

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[1] En 2014, le Conseil de Sécurité a autorisé l’acheminement transfrontalier de l’aide humanitaire via quatre passages dont  Bab el-Haoua et Bab el-Salam au nord, Yaroubiyé au nord-est et Ramtha au sud de la Syrie (résolution 2165). En 2020 le nombre de passages autorisés a été réduit à un seul (résolutions 2504 et 2533).

[2] Le Camp Rukban a vu le jour en 2016 pour accueillir les 70’000 déplacé.es qui fuyaient la répression, ceci suite à la décision de la Jordanie de ne plus recevoir de réfugié.es syrien.nes. Depuis 2020, ils sont livré.es à elles/eux mêmes en l’absence de toute aide humanitaire transfrontalière. Aujourd’hui il n’en reste que 8’000 qui vivent dans des conditions inhumaines dans le désert!

[3] https://snhr.org/blog/2023/01/09/russias-veto-blocking-un-cross-border-relief-aid-is-unlawful-and-its-only-aim-is-to-seize-un-relief-aid/

[4]  https://www.opcw.org/sites/default/files/documents/2023/01/s-2125-2023%28e%29.pdf

[5] https://www.opcw.org/media-centre/news/2023/01/opcw-releases-third-report-investigation-and-identification-team

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